« Une production insuffisante et pas assez diversifiée »
Ainsi donc le torchon brûle à nouveau entre les radios musicales (Chérie FM, Fun Radio, Nostalgie, NRJ, Rires et Chansons, RFM, RTL2, Virgin Radio) et l’industrie discographique ! Ces radios, vertueuses entre toutes, se disent « mises sous tutelle » par un renforcement de leurs obligations de diffusion de titres francophones. L’indignation est comme toujours excessive : il faudrait sans doute plus parler de rappel à l’ordre, de simple rappel à la loi.
La filière musicale estime, en effet, que ces fameux quotas sont détournés en permanence par de telles radios. Ce qui est un secret de polichinelle. Pour leur défense, ces radios dénoncent « une production insuffisante et pas assez diversifiée. »
La loi leur impose de diffuser au moins « 40% de chansons d’expression française, dont la moitié au moins provenant de nouveaux talents ou de nouvelles productions, diffusées aux heures d’écoute significative » (1), étant entendu que cette loi se saurait parler ni de qualité ni d’équité.
Bon, la « filière musicale » tempête et alerte depuis plusieurs mois, constatant « une ghettoïsation des nouveautés et des titres francophones » diffusés à des heures d’écoute peu significative : peu ou prou, la nuit ! Du reste elle a compté : l’an passé, ces radios se sont acquittées de cette « obligation de diffusion » par quinze titres seulement, censées représenter 90 % de la diffusion de nouveautés francophones.
Ces radios outragées arguent du fait qu’en dix ans la production d’albums francophones aurait chuté de 76 % : c’est donc de la faute des producteurs ! Quant aux plages horaires, elles brandissent le drapeau de la liberté éditoriale. Ah, liberté, quand tu nous tiens ! Le Syndicat national de l’édition phonographique rétorque : « Nous avons envoyé 713 nouveautés francophones aux radios en 2010, elles n’en ont diffusé que 15 ! ». Mais voilà, on ne va pas mettre à l’antenne des chanteurs inconnus, qui plus est aux propos « signifiants » (comme dirait feu Béranger), des fois que l’auditeur change de station…
Modestement, je voudrais dire quelques petites choses, pour nourrir le débat, apporter ma modeste contribution. Chaque jour, dans ma boîte aux lettres, m’arrivent des disques, de très bonne qualité. Que des nouveautés francophones, bien souvent autoproduites ou produites par de petits labels et mal distribuées, quand elle le sont. Et ces nouveautés-là ne sont pas comptabilisées dans les 713. Les radios, même publiques, n’écoutant pas ces disques-là, ne faisant affaires qu’avec des labels d’importance avec qui elles concoctent leur play-list et leurs partenariats. Grosse modo, y’a qu’EMI qui m’aille… en dehors de quoi vous n’existez pas !
Ni les producteurs ni les diffuseurs (radios et télé, certes, mais aussi la plupart des festivals et autres programmations) ne font leur travail de découverte. Comme des rois fainéants, on programme, on diffuse du français qui chante en anglais en prime time : c’est désormais tendance. Plus personne ne prend aucun risque ; qualité et contenus sont des termes obsolètes, honnis, ringards. L’auditeur est floué, baisé. Quand vous lui parlez de chanson, il vous dira que ça n’existe pas, que ça n’existe plus : normal, la chaîne de diffusion exclue la quasi totalité de la production et boute hors de son oreilles ce qui pourrait faire la différence.
(1) Ces quotas radiophoniques ont été mis en place en 1996, sur proposition d’Yves Duteil, alors chargé de mission pour la chanson au Ministère de la culture. Ils ont toujours été détournés, tant dans la forme que, plus sûrement encore, dans l’esprit.
Bonjour Michel !
Aie aie aie ! Ces quotas n’ont pas amélioré la situation et, comme tu le soulignes justement, parmi tous les cd que tu reçois aucun n’est listé et pourtant, très souvent, c’est d’excellente qualité ou prometteur de la part de jeunes artistes ! Que faut-il faire ? Continuer à résister de toutes parts ! le monde est entre les mains des financiers, non entre les oreilles des citoyens !
C’est dommage, car, lorsque je fais parfois écouter certains artistes à des moins passionnés que nous, certains reconnaissent qu’ils sont bernés dans tout ce qu’on leur présente ! Je prête ainsi des disques !
Maxime Le Forestier, dans le bouquin « Né quelque part », ne cite comme relève simplement que les Bénabar, Zazie, Sanséverino, Delerm (certes pas les plus inintéressants), mais il occulte tous ceux présents à Barjac et les autres festivals à dimension humaine, qu’ils soient jeunes ou moins jeunes.
Cette chanson contestaire, citoyenne, enfin qui raconte la vie dans toute sa simplicité, sa fraternité, sa proximité (salut Michel Trihoreau!) semble géner et surtout n’être pas rentable !
En conclusion et toute lucidité, je dirais que nous sommes sous la dictature des financiers et ils ont le nerf de la guerre, qu’ils défendent avec leur surarmement, leur cynisme ! ce sont des assassins en puissance des voleurs raquetteurs en liberté !
Pour ne pas terminer sur « noir, c’est noir… », je vis de superbes moment s entr’amis, avec la chanson, et avec le bouche à oreilles ,nous parvenons à faire découvrir des artistes à des moins férus !
Une bonne partie des citoyens ,n’est pas ignarde !
Cher Michel,
Cette question de la diversité musicale se pose aussi pour les radios associatives qui sont plus de 660 en France et qui seraient un lieu idéal, hors des circuits de l’argent roi, pour faire découvrir aux auditeurs la richesse de la chanson contemporaine. Las, le budget « achat » de nos radios est le plus souvent réduit à pas grand chose, faute de moyen, et les labels, y compris les indépendants, nous oublient quand il s’agit de faire la promo de « leurs » artistes… J’anime une émission (Chant Libre) consacrée à la chanson sur une modeste radio de territoire et d’éducation populaire (Radio Valois Multien). On y entend certes régulièrement Leprest, Pestel, Forcioli, Galure, Rémo Gary et autres Laurent Berger… Mais nous rêvons d’ouvrir nos ondes à tous ceux que l’on ne connait pas encore, les nouveaux poètes chantants. Pour cela, j’ai tenté une expérience l’an passé, en écrivant à une cinquantaine de petits « label » chansons, en France, en Suisse, en Belgique et au Québec. J’espérais qu’en leur faisant part de notre existence, ils nous intégreraient à leurs listes de diffusion. Résultat : NADA ou presque… Alors, on continue de faire avec nos pauvres moyens et avec les artistes que l’on connait. C’est d’autant plus dommage que les 660 radios associatives non commerciales française pourraient réellement devenir les heureux promoteurs de la diversité culturelle…