Censure : ceci n’est pas du Brassens !
Ainsi donc Brassens a encore un héritier. Un seul, demi-neveu mais ayant-droit en entier : le fils de la demi-sœur du chanteur à la pipe. Ce demi donc peut faire ce que bon lui semble de l’œuvre un peu écrasante de son demi-oncle. Qui plus est, il semble avoir une opinion tranchée sur ce qui est bien de ce qui ne l’est pas.
Pardonnez ici ma naïveté mais je pensais que Brassens appartenait à tous. Et surtout à personne. La dimension de son œuvre est telle qu’elle me semble sans attache, sans document de justice, sans acte notarié, sans propriété. Universelle ! Ben non.
Si on ne compte plus le nombre d’artistes qui, pour une chanson ou pour tout un disque (il y en a tellement), ont repris Brassens, on s’intéressera pour le coup à Vitor-Hublot, groupe belge haut en couleur, aussi drôle que mystérieux. Jadis, ses versions revisitées de La P’tite Gayole firent grand bruit dans le royal landerneau : la Belgique en fut toute retournée. Un peu comme le Sttellla de Jean-Luc Fonck, le Vitor-Hublot de Guy Clerbois est un groupe à géométrie variable, avec foule de gens – choristes et musiciens – qui y vont qui viennent. Parmi lequels Jean-Luc Fonck justement mais aussi Jil Caplan, Jacques Duvall, Gilles Verlant et des tonnes d’autres encore. « Vitor Hublot » n’est pas précisément et politiquement correct, ne fait pas obligatoirement où on lui dit de faire. Il est rebelle, rétif à tout.
Depuis longtemps, Guy Clerbois nourrit le projet de revisiter Brassens. À sa manière il s’entend. Dans un esprit plutôt rock, à sa sauce électro. « C’est pas dans le créneau » objecteront certains mais il n’est pas sûr que Clerbois ait son permis et sache faire des créneaux.
Du reste, sur la quantité de reprises de Brassens, si la plupart sont lisses, certaines explorent d’autres registres. Et le rock n’y est pas absent. Demandez ainsi aux Étranges étrangers (pour ne citer qu’eux) que nous avons ici même, sur ce blog, présenté il y a peu.
Mais voilà, l’ayant-droit de Brassens s’oppose à au moins deux reprises et le disque doit être séance tenante retiré de la vente. Monsieur l’héritier n’aime pas et ne nous laisse même pas la possibilité de juger à notre tour. C’est non non non ! Non pour Rien à jeter interprété par Jacques Duvall, non pour Le Temps ne fait rien à l’affaire chanté par Gilles Verlant. « Monsieur Serge C. (l’héritier, donc) se trouve tout à fait opposé aux arrangements que vous avez apportés aux œuvres et à l’exploitation et à la promotion que vous en faites et qui lui cause un grave préjudice. » a fait savoir la firme Universal. Qu’on m’explique le grave préjudice…
Anarchiste, un rien provo, totalement incorrect, avant-gardiste, le père Brassens doit se marrer au fond de son trou. Non forcément de l’infortune du groupe ainsi marri, mais de l’absurdité de la situation. Pour sûr il tirerait l’oreille du vague demi-neveu, et lui botterait sans doute le cul.
L’anarchie est à l’opposé de tout dogme. On devine que le sous-neveu n’est pas anar, mais Brassens l’était. Ça se respecte l’idée d’un gisant. Brassens fut de plus assez censuré de son vivant pour ne point en faire une imbécile tradition. Une fois que l’artiste a quitté ce monde, c’est une chance que d’autres, et notamment les jeunes, fassent vivre son œuvre, quelque qu’en soit la forme, en slam comme en rock, à la guitare ou à la flûte de pan. Combien d’entre eux n’ont pas eu cette chance et sont définitivement morts ?
Attention parce que le gestionnaire des droits de Magritte n’est pas mal non plus dans sa manière de gendarmer l’utilisation de l’oeuvre (et ceci n’est pas une blague, non d’une pipe !)
Réponse : Vous avez raison. En conséquence je change de pipe, pas d’esprit. MK
Ben ça alors ! il faut plaire au demi neveu de la demi soeur pour pouvoir chanter du Brassens ! je n’en reviens pas ! » le grave préjudice » il est pour Brassens , pour tous ceux qui perpétuent son esprit libertaire en le chantant . Brassens est universel, pas Universal !
Peut-être qu’il a été échaudé par l’affaire du Gorille, repris par Joey Starr dans des conditions très discutables, qui étaient une vraie trahison de Brassens, les premiers pressages ont été vendus (dans les 20 000) mais les suivants ont été « épurés » de l’emprunt; pour lequel personne, n’avait demandé quoi que ce soit aux ayants droits. Jusqu’à cette date Serge C. (restons discret) a toujours été très libéral envers les reprises, sans interventionnisme. A la même époque Joey Starr avait aussi fait un emprunt à Moustaki « le métèque » mais avec autorisation, et d’ailleurs ça n’avait rien de dérangeant, juste une ligne de la chanson, bien placée, ce qui n’était pas du tout le cas avec « Le gorille » un détournement injurieux dans le fond. Pour la forme, c’est autre chose. C’était il y a 6 ou 7 ans. Pour ce qui est du disque ci-dessus, pas d’avis.
Mais parfois, il y a des « hommages » qu’on ferait mieux d’oublier, Ferré a été très maltraité par quelques invités à l’honorer il y a 7 ou 8 ans … Brassens aussi d’ailleurs … Mais les ayant-droits ont laissé faire. Ça peut se discuter…. Une chanson de Ferré dont on émascule la musique, je ne suis pas sûr qu’il aurait aimé, Léo…
The Neveu, en l’occurrence, s’est en effet toujours montré discret jusqu’à la provocation de J.Starr. Peut-être a-t-il eu peur d’une nouvelle dérive. Ne faisons pas gronder Brassens post mortem, les temps ont changé. Lorsque Monsieur Starr, fort d’un large public conquis par la démagogie médiatique et un arsenal de postures peu civiles et peu artistique, sort son Gorille dénaturé, il a une puissance destructrice phénoménale. Je ne suis pas certain que le jugement du public suffise alors à rétablir l’équilibre. Le public, celui qui achète les CD dans les grandes surfaces, est le même qui à fait de Joey une star et pour qui Brassens était un vieux moustachu qui faisait des pompes à la guitare.
Contre ce pouvoir médiatico-mercantile, Serge C., à juste titre indigné, a utilisé son arme de service, celle que lui confère la loi en qualité d’héritier : la censure. Est-ce lui ou le législateur le coupable ? Au nom de la liberté d’expression, est-il tolérable que l’infamie s’impose par la puissance que lui donne le marché ? L’absence totale de censure n’est-elle pas au bout du compte la porte ouverte à la Solution Finale du libéralisme : Encourager le public à se complaire dans la médiocrité, voire de l’abject, beaucoup plus vendeurs que l’intelligence, parce plus faciles à fabriquer et à consommer !
Je ne connais pas Victor Hublot et c’est un bon point pour eux : ils n’ont peut-être pas encore l’arrogance des Stars. Ils sont certainement inoffensifs. Le législateur ou son bras exécutant ont sans doute été un peu vite en besogne.
A l’époque de Brassens, j’aurais hurlé contre la censure, aujourd’hui je suis seulement désarmé devant la redoutable machine à créer des abrutis que les censeurs de l’intelligence ont mis en service, ceux-là même qui nous privent dans les médias de Leprest, de Véronique Pestel, de Frédéric Bobin, de Joyet, d’Eric Frasiak, de Clémence Savelli, de Gilbert Laffaille, de Nicolas Jules, de Clément Bertrand, d’Yvan Dautin… j’arrête, j’en ai encore cent-cinquante à citer.
Je ne me suis pas fait l’avocat du diable. Il n’y a plus de diable. Il n’y a plus de bon dieu… « Il n’y a plus rien… plus plus rien ! »
» Une fois que l’artiste a quitté ce monde, c’est une chance que d’autres, et notamment les jeunes, fassent vivre son œuvre, quelque qu’en soit la forme, en slam comme en rock, à la guitare ou à la flûte de pan. Combien d’entre eux n’ont pas eu cette chance et sont définitivement morts ? » je ne le dirai pas mieux, et c’est ce que je pense aussi . Après, il y a le meilleur et le pire dans les reprises, je suis bien d’accord, à nous de choisir le meilleur , mais si il y a censure au départ, on a pas la possibilité de choisir .
Attention ! Une nouvelle fonctionnalité permet, désormais, de retrouver d’anciens articles publiés sur NosEnchanteurs. C’est le pur hasard qui déniche ses articles et les expose de nouveau, pour quelques minutes ou quelques heures. Depuis la parution de cet article sur le Brassens censuré de Vitor-Hublot, il s’est passé des choses que je vous invite à lire ici, sur un autre article. Et c’est passionnant autant que réjouissant. C’est là : http://www.nosenchanteurs.eu/index.php/2011/09/02/le-brassens-selon-vitor-hublot-enfin-libre/
Je vais devoir écrire ma « propre » version du
11 septembre .
Quel date me suggerez-vous pour que ça ne soit pas du Brassens ?
Dommage que sur la boite a chanson serge c ait censuré la publication des partitions .Du coup on en trouve quand même mais dénaturée …..
Plutôt que de se plaindre intervenez auprès de vos députés pour que les droits d’auteur soit limités de façon absolue sur 20 ans et au premier degré uniquement .
Il y va de notre patrimoine culturel de ce fait en voie de disparition au profit des anglo ispanico americano chanteurs .
Je déplore de ne pas pouvoir chanter sur ma guitare la chasse aux papillons pour mes petits enfants qui adorent « le Brassens » même
avec un interprète qui fait de son mieux !
Nous sommes un peu comme a l’époque de Napoleon 3 et Violet le duc confrontés a la sauvegarde du patrimoine architectural français .