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Les Vies liées… la parole à Alain Meilland

En mars 1965, à Saint-Étienne, au sein de la Troupe Duk, joyeuse bande de poémiens, Alain Meilland (1er à partir de la gauche) et Bernard Lavilliers (3e à partir de la gauche, premier plan) se rencontrent. Ils ne se quitteront plus. Alain Meilland deviendra bien plus tard le co-fondateur du Printemps de Bourges (photo Jacques Lagrevol)

J’ai poussé hier, mon coup de gueule (voir dans les commentaires de l’article « Les Vies liées… le livre interdit ? »), et je reviens sur ce site pour compléter, plus sereinement, mon plaidoyer.
D’autant que je constate, par l’addition des précisions qui s’additionnent que le débat est lancé. C’est cela la démocratie. Ne tombons pas dans la pensée mise en commun car ce serait forcément une pensée commune et que chacun continue à y aller de son commentaire. Même toi, Bernard, si tu nous lis, donne le ton avis…
Mon avis à moi c’est que Kemper est un journaliste droit, honnête, et rigoureux. Je pense et je sais qu’il aime vraiment Lavilliers. Mais voilà, il l’aime comme on doit aimer un ami, c’est à dire, sans complaisance. Il travaille sur ce bouquin depuis au moins six ans. Et, depuis six années il se prépare à défaire ce drôle de tricot en tirant délicatement sur le brin de laine – avec une infinie patience sans casser le fil – pour en arriver enfin à rondir la pelote. A nous, maintenant, lecteurs de détricoter cette drôle de vie que nous connaissons déjà ou que nous croyons connaître !
Au début de son entreprise, Michel Kemper m’avait contacté et, à cette époque nous avions longuement conversé. J’avais pu vérifier, en je veux en témoigner ici, l’extrême attention qu’il portait à ne rien travestir, à ne pas tomber dans le « people » comme on dit, à user uniquement d’une encre intime et d’amitié, à ne pas glisser de la biographie peaufinée à la momification, à ne pas confondre camaraderie et voyeurie, à marcher parfois sur des œufs tout en évitant de changer de trottoir, dès lors qu’il évoquait des souvenirs. Kemper a laissé de côté bien des pudeurs sans doute absurdes La pudeur, que c’est sot ! et il n’a pas triché avec l’ardoise…

En 1975, dans son album Le Stéphanois, Lavilliers écrivait dans la chanson La Vérité :

« On la malaxe ou on la broie, on la manie, on la surcharge
On l’interprète on l’a décharge, on l’a vécue on l’a connue
On a la sienne, on a la nôtre, ils ont la leur mais elle est fausse »

Et il terminait ce texte par :
« La vérité : chacun la sienne »

Oui, tout ceci ne se justifie que dès lors que chacun puisse exprimer sa vérité, sans entrave, sans boycotte, sans dénie.

Ce livre, est ce coïncidence ( ?) sort au même moment que le CD de Lavilliers, et on assiste à un black out total des médias. Est il du à Lavilliers lui même ou à son entourage ? Connaissant bien Nanard, j’imagine qu’il aurait raconté sa vie autrement, mais peut on être l’historien de sa propre histoire ?
De là à dire que Kemper a dit la vérité (et qu’il doit être exécuté) je ne tombe pas non plus dans ce leurre. Personne, à part Dieu, n’est détenteur de LA vérité, et comme Dieu n’existe pas… Je ne veux pas vous influencer, mais vous dire, à vous qui, comme moi, aimez et admirez « le stéphanois » que, ce n’est qu’en lisant ce livre écrit sur lui, qu’on peut se faire sa propre opinion. Je ne supporte pas qu’on assassine un livre dès sa sortie par LE SILENCE qui est déjà une forme de censure.
Sur le sujet, mon ami et chanteur Patrick Clémence vient de m’écrire :
« J’ai vécu la même triste histoire avec les compagnons de la chanson bretonne « Les Tri Yan. » L’agent de Sony téléphonait partout pour qu’on boycotte le livre que j’avais édité sur ce groupe. Allant jusqu’à m’interdire les Fnac des villes où ils se présentaient. Tout ça parce qu’ils avaient eux-mêmes l’idée d’un bouquin…. C’est du passé ! Il me semble que Pirot avait également connu quelques problèmes avec Laviliers pour son bouquin ?.. Donc je manifeste et signe ; Amitiés camarades Patrick »
En lisant ces « vies liées », vous verrez que je faisais partie des témoins, dans les années soixante, des premières heures stéphanoises aux côtés Comment conter sans bavures la singulière vie qui a été la mienne aux côtés de cet homme debout, de cet homme souvent seul. Et si j’ai partagé les premiers souffles du musicien et les battements de cœur du poète qui travaille l’amour avec des mains terriblement humaines, parlant de Lavilliers, je ne renie en rien mon inconditionnel attachement pour cet homme de chair et d’esprit, dont je puis affirmer qu’il fait partie avec Ferré et quelques autres de ceux qui ont changé le cours de ma vie.
Et, pour les plus téméraires, ou les plus curieux, en visionnant sur Facebook l’article « des potes de quarante ans »

https://www.facebook.com/album.php?aid=48624&id=1685426219&l=1f0fdaf578

Vous verrez quel rôle indirect joua Lavilliers dans la naissance du Printemps de Bourges auquel j’ai eu le bonheur d’être associé.
Je pense donc ne pas être susceptible d’être un « anti-Lavilliers primaire» en restant attentif au sort qui sera fait au livre de Michel Kemper à qui je renouvelle mon soutien et mon amitié.
Bonne lecture et fraternellement à vous.

ALAIN MEILLAND

Note du blog : Le webzine Thou’Chant de ce mois publie un entretien inédit avec Michel Kemper, l’auteur du livre « Les Vies liées de Lavilliers ». C’est ici.

5 Réponses à Les Vies liées… la parole à Alain Meilland

  1. MONFORT Enora 19 novembre 2010 à 13 h 48 min

    Merci pour ce texte sensible et nuancé. Vite, à la librairie, pour pouvoir en parler de manière fondée !

    Répondre
  2. riquet 19 novembre 2010 à 15 h 00 min

    Trop hâte de le découvrir et de pouvoir en parler…

    Répondre
  3. juliette 19 novembre 2010 à 17 h 22 min

    j’ai demande a la bibliotheque de l’acheter comme ça plein de gens le liront…et en parleront…

    Répondre
  4. odile 19 novembre 2010 à 21 h 37 min

    Voilà Michel, j’ai fait le tour des libraires comme je l’ai écrit mercredi,et effectivement, tous l’on bien sur leur étal…
    Je suis repartit avec un exemplaire…
    Dès les premiers chapitres, je retrouve la qualité de votre écriture, comme celle que je lis régulièrement dans ce blog.
    A moi de découvrir les vies liées de votre stéphanois…
    Merci à Mr Meilland pour son précieux témoignage.

    Répondre
  5. Claude Vlérick 21 novembre 2010 à 8 h 36 min

    A Bernard LAVILLIERS et à nous TOUS. Après lecture…

    A ceux et celles qui attendent leur tour…
    Sur la scène, il n’y a qu’un spectacle.
    La vie suinte dans la coulisse et dégouline dans la rue.
    A défaut de la vivre on peut en faire un jeu de miroirs.
    La tentation est alors grande de chercher plus d’expansion de soi dans l’exacerbation de ce que j’appellerais une discipline, à laquelle on va se livrer et (pour certains) même vouer sa vie…
    Rien que d’inévitable là-dedans et même de salutaire si chacun (le spectateur et toi) s’accroche à ses prémisses et persiste à ne pas être dupe : garder énormément conscience que l’on évolue dans le couloir du permis… à défaut de…
    Sinon, le risque est grand de se laisser enfermer et de se perdre dans la fascination d’un espace que l’on va emplir de toutes les nuances particulières et magnifiques de la quête de soi, de s’extraire… et d’oublier que le point de départ de sa démarche provenait d’une tentative de faire sauter les limites réelles de sa vie…
    Si ce n’est pas le cas, tout finira, comme tout le reste, dans l’enclos de la marchandise, des distinctions honorifiques … et de l’éloge funèbre.

    Claude VLERICK.

    TU VEUX CONNAÎTRE LA VERITE ?
    Elle est toute entière , par exemple, dans le texte suivant :
    « Le mec que tu regardes ce soir sur la scène, ce mec aux cheveux blancs avec sa tête qui ressemble à un trapèze, n’est pas là. Les chansons qu’il chante, tout ce qui t’arrive dans les yeux et les oreilles, tout cela a été fait, dit et redit depuis longtemps. Le mec que tu regardes, c’est de l’illusion.
    Demain, c’est la mort figurée, on vous la vend cette mort figurée, on vous vens un artiste pâli sous des projecteurs réglés, soumis. On vous vend par petits paquets, par petits fauteuils, à des prix acceptables, un artiste qui s’est vendu pour un prix accepté.
    L’argent, c’est le sourire du désespoir.
    Demain c’est aussi le désespoir.
    Alors, Demain sera riche mon camarade, car ce que je te donne n’a pas de prix.
    Accepte-moi comme je t’accepte.
    Demain je t’aime. »
    Léo.

    EN FAIT, LE VRAI PROBLEME N’EST PAS DANS LE LIVRE DE Michel KEMPER.
    Si bien documenté soit-il, mais qui n’a aucun objet…
    Il est plutôt dans ce qui suit…
    Reportons-nous dans les années 70.
    Ces années Lavilliers que Kemper décortique….
    La chanteuse Claire – je ne sais ce qu’elle est devenue – nous livre ici un vieux texte qui, pour moi, est une des plus énergiques dénonciations de la perversité de la médiatisation. Le texte est si radical que ni Benin ni Lavilliers ni Léo ne sont épargnés. Je n’aimerais pas qu’il se perde…

    Claire. La transe.

    Il est tard. Le concert s’achève. Deux heures de rêve. Ou de cauchemar. Deux heures de hurlements, de halètements de sifflements calculés pour faire mal, comme si chacun avait à se punir du péché ancestral d’être si peu, d’être médiocre et lâche.
    Deux heures les mêmes mots répétés, martelés, aboyés, deux heures et ce cuir, ces lanières, et Monsieur Muscle en gladiateur te fait croire qu’il est une bête au fond de l’arène et tu décides s’il meurt mais non il te tient, et la force est mise à la terre, rien, rien.
    Le héros suant se retire dans les derniers hoquets les brancards.
    Les « mutants » couchés devant les baffles se relèvent lourdement; réintègrent leur vie, leurs jambes, leur image, épuisés, mais non assouvis, juste un peu plus petits.
    Le choc de l’air et des pas les secoue, ils se demandent parfois à qui le cri profite, et la rime, le cri et la rime, et s’ils n’ont pas été quelque chose comme vampirisés.
    Mais l’image du héros surnage, grandiose, la walkyrie balaie les doutes en glapissant, bébé rageur sur son trône de peur, glacée.
    A cet instant, dans la coulisse, le héros, la déesse marchent sur les eaux.
    Répondant aux gens de la presse et du prestige, les fustigeant ou les flattant comme pour finir l’ouvrage dominent le monde .
    Brasseurs de vent, faiseurs de mythes grouillent tout alentour et s’exclament.
    Mais taisez-vous obcènes ! Qu’avez-vous entendu et vu de ces deux mondes qui se frottent et se rudoient sans jamais s’étreindre ?
    La violence apparente et les cris sur la scène et puis, feutrée, la violence des coups en dessous , la foule et les couteaux discrets, les chiens fumants, les viols.
    On évacue les blessés sans déranger personne.
    Dites-moi : est-il grand de provoquer l’homme à terre, le pied sur la poitrine ?
    Lève-toi, lève-toi, vois comme je suis fort et beau moi, lève-toi ! Tu ne peux pas ? Tu ne peux pas ? Alors, tu n’es qu’un insecte rampant, un ver !
    Dites-moi, est-il grand d’orchestrer la transe inutile des vaincus ?
    Ah ! Ça fait du bien de crier, c’est vrai. Mais c’est pas dit que ça libère ! Les hôpitaux sont peuplés de hurleurs de fond, malades de l’âme, usant dans les cris une force immense qui n’a pas appris à construire, ni à aimer.
    Ils crient, on attend que ça passe, ça passe toujours.
    Ah ! Toi l’artiste, je te vois bien ! Tu rameutes la foule pour les tireurs cachés ! Tu montes, tu montes, tu connais leur manque, leurs blessures, leur désastre, tu montes, tu montes, et tu marques-orgasme.
    Après c’est la chute, il faut se retirer vite, ils vont se réveiller ça peut faire mal.
    Ah ! toi l’artiste, je te vois bien ! Le peuple veut la transe ? Mais toi qu’est-ce que tu donnes ?
    J’ai envie d’étrangler, de cogner, je me tais, je respire, la révolte en moi s’aiguise.
    Il est tard. Le concert s’achève. Les enfants secoués de spasmes s’éloignent en trébuchant. Ecoute, chargeons, bâchons bien le camion : les munitions- défensives ?
    Offensives aussi; notre cirque est d’une autre sorte, c’est sûr, mais il nous faut aussi démasquer les menteurs et les faux prophètes; demain, dévisser ces pylônes de mort, ces idoles qui nous préparent une autre nuit des longs couteaux.

    A lire aussi, dans le même ordre d’idées :

    Ferré : Les idoles n’existent pas.
    Et qui conclut :
    « Il n’y a pas d’idoles. Non. L’idolâtrie est littéraire ou imbécile. Il n’y a que des hommes, et encore…
    Il y a la vie, et puis la mort. C’est tout. »
    Léo.
    http://www.philo5.com/Textes-references/FerreLeo_IdolesN'ExistentPas_650201.htm

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