Lio, qui tient Paroles

Tiens, Lio ! Il y a huit ans, cette brune qui ne compte pas pour des prunes tournait avec Prévert, faisait le Jacques en guise de répertoire. Récital capté en octobre 2002, au Centre culturel Le Sou de La Talaudière.

"Je suis faite comme ça / Que voulez-vous de plus ?" (photo DR)

Archive. Place publique. Un réverbère, un banc, le sol jonché de feuilles mortes qu’on ramassera ensuite à la pelle. Un piano droit, l’autre à bretelles. Et Lio en ciré lustré qui se la joue garçonne que rien ne désarçonne, en titi d’Paris, façon baloches et Front pop’, mutine et joyeuse : « Je suis comme je suis / Je suis faite comme ça / Que voulez-vous de plus ? / Que voulez-vous de moi ? » Pourquoi Prévert, pourquoi faire le Jacques, pourquoi entrer en jacquerie ? Elle fut, le dit et le reste, cette petite fille éprise de liberté et de justice qui a trouvé en ce poète un regard plein d’amour et de considération « qui fait relever la tête, qui nous fait donner le meilleur de nous. » Et c’est sans doute le meilleur d’elle que Lio nous offre dans un récital « sans rien de bas, où tout tire par le haut. » Il y a des textes mis en musique, des bribes sonores où l’on entend furtivement Prévert, où Arletty-Garance balance sa gouaille des faubourgs. Il y a ces textes lus comme en loterie : les spectateurs lancent un folio et Lio lit la page concernée de Paroles. Si tant est qu’on ait oublié Prévert sous une pile d’autres bouquins, on le redécouvre. C’est bien plus que des vers. Des mille-pattes, tiens. Qui courent. Des mille-vers si vous voulez, des mille-feuilles peut-être… Oh, le récital n’est pas des plus sages, Lio est Lio qui y impulse sa folie, si proche du poète, si personnelle aussi. La garçonne s’est faite, c’est fête, femme désirable aux refrains désirés : « Dévêtue, à quoi rêvais-tu ? », le mâle effet ! le mal l’est-il ? Bain de jouvence pour Paroles éternelles, maillées tendresse, requinquées guinguette, dans un spectacle lumineux baigné dans le sombre de noctambules éclairages… Ça frôle la perfection.