Stéphane Cadé : pas ce que tu crois !
Dans ce monde tourbillonnaire où chacun court en tous sens pour en trouver un à sa vie, il est bon de se poser près de quelques sources fraiches pour humer le naturel, retrouver le rythme du cœur et savourer le vrai goût de l’existence.
C’est peut-être d’abord sa voix joliment timbrée, que l’on croirait murmurante mais qui est davantage une musique intime et convaincante à nos oreilles, qui nous touche en premier dans le cinquième album de Stéphane Cadé.
Et puis il y a cette ambiance musicale, concoctée et mijotée par Stéphane Détrez, en contraste et en demi-teinte ; on la sent puissante mais retenue, parfois presque envoutante, voluptueuse ou percutante, en phase ou en contraste avec le texte. Les deux Stéphane ont enregistré au sud de la Norvège, « Pour un qui rêvait de Bretagne / Kvernevik n’est pas si loin ».
Une première écoute, un peu distraite, permet une approche sensible. On y perçoit de la tendresse avec un bric-à-brac inattendu de walkmans, vin rouge, parapluie, cigarette, antivol. On sent bien qu’il se passe quelque chose qui mérite une réelle attention. D’ailleurs la musique n’empiète pas sur le terrain des paroles, elle leur laisse libre court pour que la poésie s’en exprime.
Une écoute plus attentive ouvre la porte à l’enchantement, sans artifice. On évolue dans le vécu avec une certaine pureté. On mesure l’importance d’un passé nostalgique dans le souvenir de nymphéas ou de bohème à Paris. Le voyage est autant intime que puissant. La violence latente est contenue avec élégance.
L’écriture est un régal pour l’oreille et pour l’esprit. Stéphane Cadé est une des plus belles plumes de la chanson actuelle, je l’affirme sans détour. Il a le sens du détail évocateur, avec des raccourcis parfois surprenants qui s’ancrent au réel : « Parfum d’hiver fluor et menthol / J’ai rendez-vous dans la buée / Sous les flocons paracétamol ».
Aucun mot superflu ne menace l’équilibre de l’édifice, le sens de la concision est une de ses plus belles vertus descriptives : « Et dans l’ascenseur / Y’a un 06 au marqueur » en quelques syllabes tout est dit.
Découvrons dans la richesse de ces textes de faux aphorismes pleins de sagesse authentique : « Innocents témoins / D’un monde en crise / Si le malheur nous veut / Que le malheur au moins / Nous prenne par surprise ».
Il s’amuse parfois, saluant l’Océan : sorte de « Marabout de ficelle » où des images colorées mélangent le rêve et l’ordinaire avec la jolie voix complice de Delphine Coutant.
Ou encore à un clin d’œil discret à Brel et à Ferré : « Je chanterai pas / Ne me quitte pas / Si tu t’en vas ».
Qui d’autre peut associer deux titres de chansons au détour d’un couplet avec autant d’habileté ?
Qu’il ose un flirt informatique et charnel à la fois ou qu’il annonce une rupture en clair-obscur, Stéphane Cadé dévoile les mots, dégageant leur vraie nature, allant à l’essentiel avec agilité et délicatesse.
Stéphane Cadé, Pas ce que tu crois, Le Furieux 2020. L’écoute et l’achat numérique de ce disque, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
Kvernevik
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