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Carré de dames, carré de drames, carrément bien

carre_de_dames_400« Carré de dames », 29 janvier 2013, festival Les Poly’Sons de Montbrison,

 

Deux pianos à queue, deux, qui se font face, non en concurrence mais en totale harmonie. Deux pianistes, deux, dans l’exercice de leur art : Nathalie Miravette et Dorothée Daniel. Par ailleurs aussi chanteuses, elles ne le seront ce soir que par intermittence, subtilement, efficacement.

Deux chanteuses, deux : l’une brune, aux cheveux rougeoyant ; l’autre aux cheveux qui ne savent qu’être blonds. Deux générations de la chanson : ci-devant Anne Sylvestre et Agnès Bihl. Ces deux-là souvent se rencontrent sur scène et entrecroisent leurs chants. Au moindre prétexte d’ailleurs : une amie qu’on fête, un bar à Jamait, un hommage qu’on rend, un Montcuq qu’on honore… Là c’est autre chose vraiment. Concert à deux, oui. Mais bien plus encore : c’est partage et transmission, comme si Anne Sylvestre officiellement adoubait sa cadette. Les sacres de jadis en Cathédrale de Reims ne devaient pas être plus émouvants : Anne fait reine sa jeune copine.

La mise en scène est fluide et sobre, efficace (signée Fred Radix, un bon que celui-là).

Dans la corbeille, les chansons posées par Sylvestre sont intéressantes, parfois extirpées du presque oubli, tirées des mailles du temps. Comme cette Lettre ouverte à Elise qui débute le récital et sur lequel Nathalie et Dorothée s’aiguisent les doigts, se souviennent de leur classique et déjà rivalisent. Qui se souvient de Carcasse, sur les étapes du corps ? : « Et jusqu’à ce qu’on se défasse / Tu restes ma meilleure amie. » Non, non tu n’as pas de nom, sur l’avortement, J’aime les gens qui doutent… La tonalité ne sait rien du futile et souvent explore le grave : c’est du « Je cherche un mur pour pleurer » (de quoi mettre les boules à Bihl). Avec certes parfois un salutaire humour, qui force le trait à dessein et dit ses bonnes vérités : mais « Ça ne se voit pas du tout ! » Enfin, si, surtout dans les exubérances d’Agnès, ce côté gamine qui assène sa part de vérité : « Si le travail c’est la santé / Qu’on le laisse aux malades. » Et, ma foi, les chansons de son ainée lui vont bien, Le mari de Maryvonne comme tant d’autres… Elle aussi vous cloue au sol, vous scotche, vous laisse pantois : quand elle entonne Merci papa, merci maman ! ça vous boulerverse.

Dans l’indignation Bihl ne donne pas sa part au chien. Elle aussi fonce tête baissée, avec la fougue et le geste qui la caractérisent. La violence de ce monde et celle des hommes nourrissent en partie son répertoire. Ça et la tendresse. Et puis l’humour, et puis l’amour.

Qu’elles matamorent, qu’elles émotionnent, nos deux nous piquent d’émotion, nous touchent comme le feraient des aiguilles : c’est récital d’acupuncture, ça fait du bien. Moins sans doute pour la gent masculine qui, un peu beaucoup, s’en prend dans les gencives, aïe, et bien plus bas, ouille : mais Pleure pas, Casanova !

Même si « Je n’ai pas dit mon dernier mot d’amour […] Je n’ai pas fait ma dernière folie / Dernière danse devant les précipices / Le grand écart juste avant l’embolie » (ses prochains disque et spectacle sont pour bientôt) et à l’âge qu’elle a (que, galants, nous tairons), Sylvestre s’est choisie sans surprise celle qui lui succédera, qui fera date et débats dans son art, toujours en avance d’uni idée, d’un combat ou d’une loi, à porter loin la fonction première de la chanson. C’est touchant. Il y a dans « Carré de dames » cet amour, ce partage, ce don, ce respect. Il y a ces deux dames importantes servies par deux  autres qui ne le sont pas moins. C’est assez exemplaire, franchement remarquable.

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4 Réponses à Carré de dames, carré de drames, carrément bien

  1. Norbert Gabriel 1 février 2013 à 14 h 37 min

    Rien à ajouter dans la louange méritée et bien méritée, un souhait, que Dorothée Daniel l’excellente partenaire d’Agnès Bihl, refasse un album personnel.

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  2. Hélène 5 février 2013 à 23 h 17 min

    Qui se souvient de « Carcasse »… tous ceux qui ont vu et entendu, sur scène ou sur CD ou sur DVD, le Jubilé…
    Les autres citées ont été aussi dans d’autres spectacles, l’Olympia 1998, et d’autres.
    Et si on n’a pas vu certains en « vrai », restent les DVD…

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  3. Hélène 5 février 2013 à 23 h 20 min

    Ceci dit, je l’ai vu « Carré de Dames », et c’est vraiment super, émouvant, et comme c’était dans un petit théâtre, dédicaces des deux « dames chanteuses » à la fin du spectacle, et ça c’est assez rare. Et aussi très émouvant.

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  4. GIRARDOT Anne-Laure 26 mai 2013 à 15 h 34 min

    Tout ça donne envie d’aller plus loin dans la rencontre chantée avec Dorothée Daniel que je ne connais pas du tout…
    Vivement un « Carré de dames » près de LYON pour vivre des émotions de toutes sortes avec ces quatre belles dames…

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