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Barjac 2012 : Les doués et les Douai (Semal, c’est bien)

Claude Semal (photo © Michel Trihoreau)

Jour après jour, le carnet de route de Catherine Cour La soirée du dimanche commence, ainsi qu’il en est l’habitude, par l’annonce des récipiendaires du prix Jacques-Douai. Il s’agit d’Eve Griliquez, comédienne, productrice d’émission de radio et de télévision, de Noëlle Tartier, du « Limonaire », et le chanteur Claude Semal. La remise des prix se fera lundi, sur l’esplanade du château, après la projection d’un film consacré à Boby Lapointe.

Et place à la musique…

From & Ziel (photo © Chantal Bou-Hanna)

Je découvre le duo programmé le dimanche soir : From et Ziel. Pianiste « classique » pour ce soir, j’ai entendu dire que Ziel maltraite parfois son instrument. Il ne va pas, comme le fait Manu Galure, jusqu’à y mettre le feu… mais là, il n’a pas osé ! Et il a montré une belle virtuosité, accompagnant au piano la voix cassée, éraillée de From. Pas Arno, mais presque… Un ensemble qui peut sembler surprenant entre le piano mélodieux et la voix râpeuse du chanteur, mais qui, finalement, s’harmonise fort bien. Ça commence pulsé, rythmé, dansant, scattant, tapant, martelant, jouant à la limite du slam, du battle de paroles à la Toulousaine.

Je dois : « Après minuit, je dois partir / Je dois partir / Après midi je dois dormir / Je dois Je dois dormir / Les autres jours je dois sortir / Je dois sortir… »

L’ascenseur : « Il y a des barbus, des baltringues, des bidasses dans des bordels / Des gars bizarres, des balafrés à oilpé en pleine bringue / Des gangs, des dingues, des tordus, des tarzans en tatane dans la savane / Des cramés, des timbrés / Il y a des rats d’égout / Des dégoûts, voyez-vous / Des speeds et des mous / Des moustiques et des poux, / Des bobos, des gogols / Des zoulous / Des hippies dans la boue / Des goss’ de partout / Sans tabou / De l’air dans les roues / Quand je m’assois, j’suis pas debout / Des rimes en « ou », c’est relou / Des piercings, des tatoos, des froufrous / T’as tout ou t’as rien. Tu te tais et t’attends, un point c’est tout. »

4 murs, 4 planches : « Entre quatre murs et quatre planches / Étanche à l’avalanche / Trop de blanche / Trop d’héro, trop d’ coco / Trop de gars mytho et accros / Des paranos / Trop de blèmpro / Avec la libido… « 

Bon, j’avoue, au bout de quatre ou cinq chansons sur le même rythme effréné, ça a commencé à me lasser ! Le plaisir de faire sonner les mots juste pour leur sonorité, le rythme, la pulsation, c’est bien ! Mais j’aime aussi trouver un sens à un spectacle ou à une chanson (comme dans celui de Camel Arioui, par exemple) et qu’elle ne reste pas juste au niveau de la « performance ».   

Et puis le rythme s’est assagi, les chansons se sont faites tendres, les textes restent toujours aussi denses, mais ils sont abordables dès la première écoute, sans avoir l’impression que j’ai eue au début d’en louper la moitié en n’ayant que deux oreilles pour les écouter et un seul cerveau pour tout assimiler… (« Carmen », « Toucher la lune », …).

Enfin, j’ai aimé… et j’aimerais bien, là aussi, avoir l’occasion de croiser à nouveau leur route !

Entracte pendant que les remarquables techniciens du Festival mettent en place la scène pour l’artiste de la deuxième partie : Mélissmell.Bon, là, j’avoue : je suis partagée ! Mais comme la chanteuse l’est aussi, on se retrouve à quatre dans deux corps (et deux cerveaux !) et ça fait beaucoup…

Je ne vais pas botter en touche. Je dis mon ressenti et j’espère bien que d’autres, qui ne seront sûrement pas d’accord, diront le leur. À mon avis, il peut (il va ?) y avoir débat à ce sujet…

Je l’ai d’abord découverte sur CD, avec des chansons plutôt « acoustiques » : j’ai bien aimé. Quelqu’un que je connais et dont je sais les goûts en matière de chanson très voisins des miens en disait le plus grand bien. Et j’aime beaucoup les chanteurs « engagés » pour une cause, râleurs et activistes de tout poil. La demoiselle m’a bien plu. Et puis je l’ai vue sur scène l’été dernier, au premier festival d’hommage à Jean Ferrat, à Antraigues. Elle a confirmé ma première impression : elle envoie fort les mots, les idées, sa rage de vivre et ses coups de colère. La voix un peu rauque, un peu « voilée » s’inscrit dans la mouvance des chanteuses actuelles. Elle m’a fait penser, par exemple à Flow, programmée à Barjac l’année dernière. Je préfère les timbres plus purs, les dictions plus déliées, mais j’arrive assez bien à écouter quand même… sauf que là, il y avait déjà eu From et Ziel juste avant ! Deux voix « cassées » dans la même soirée, ça faisait un peu beaucoup ! Faites chauffer la colle !!!

Mellismell (photo © Chantal Bou-Hanna)

Et puis c’est alors qu’est montée sur scène la deuxième Melissmell, celle que je ne connaissais pas encore : l’imprécatrice rockeuse et « hurleuse » davantage que « vocaliseuse ». Côté chanteuses déjantées, j’ai déjà pas mal d’expérience… mais là, elle monte la barre très haut. Comme la voix, d’ailleurs ! Il le faut pour arriver à se faire entendre au milieu des riffs endiablés des guitares, altos, percus… J’espère que sa voix résistera… au moins jusqu’à la fin de la soirée ! Et mes oreilles, par la même occasion… Et ce n’est pas un problème technique : les sonorisateurs de « Chanson de parole » sont de vrais professionnels, capables d’offrir des ambiances sonores toutes en finesse et en légèreté, si l’artiste le demande… ou du 20 000 Watts, s’il le désire… Là, c’était du Léo Ferré du temps des litanies imprécatrices, du Noir Désir, du Mano Solo puissance mille…  

Bon, je ne nie pas l’énergie qui se dégage d’elle, de ses cris, de ses hurlements soutenus par la musique rock de ses accompagnateurs. Réussir à faire se lever le public de Barjac (moyenne d’âge largement supérieure à la cinquantaine, selon mon estimation, avec quelques pointes du côté des nonagénaires), il faut le faire ! Quand c’est le chanteur qui le demande, il y en a beaucoup qui traînent les pieds… et le derrière reste vissé sur les chaises ! Là, tout le monde était debout (enfin… « tout le monde »… en tout cas une grande partie de ceux qui étaient restés sur les gradins de la cour du château) pour mimer le refrain des « Enfants de la crise », avec une chorégraphie style « Boys band » : Toi, là-bas, ne sens-tu pas dans l’air ? / J’entends monter les voix / Le monde est à refaire / Loin, là-bas, tout est si loin derrière / Ne te retourne pas / Le monde est à refaire…

C’est marrant, mais, pour moi, le message (et il y en a plein dans les chansons de Melissmell : politique, économique, écologique…) serait mieux passé si il ne m’avait pas été hurlé dans les oreilles ! Quand les décibels montent, mes tympans de ferment, instinctivement… Par contre mes voisines de gauche adoraient, visiblement. Elles connaissaient toutes les paroles par cœur et leur sourire faisait plaisir à voir. Moi, j’avoue préférer l’autre personnalité de Melissmell. Celle qui, sans être plus policée, m’est quand même plus accessible.  

J’ai l’habitude de beaucoup voyager pour assouvir ma passion : assister à des spectacles de musique vivante et il m’arrive, en plaisantant, de classer mes chanteurs favoris par le nombre de kilomètres que je suis prête à faire pour aller les applaudir. J’ai les « Pour elle (lui), je traverse la France et je vais même à l’étranger », les « quatre heures de route et j’y vais », les « s’il passe dans le coin, j’y retourne » et les « bon… s’il est programmé à moins de vingt bornes et que je n’ai rien d’autre à faire… ». Là, avec Melissmell, je suis dans le doute : j’irais volontiers la revoir à la condition que ce soit dans la version « CD ». Je veux bien que la chanson « de parole » ait besoin de se renouveler, de proposer autre chose pour attirer un public plus jeune, généralement attiré vers les musiques anglo-saxonnes. Là, je suis heureuse que Barjac, que Jofroi, le programmateur qui passe beaucoup de temps à aller voir de nouveaux artistes, m’ait permis d’assister à cette prestation, de savoir que ça existe, d’y avoir survécu… mais je n’y ai pas vraiment pris du plaisir. D’un autre côté, le personnage est sympathique, jeune, grande gueule, révoltée… je pense qu’elle va évoluer et ça m’intéressera de la suivre (de loin… ou dans de petites salles)

Le soir, à la Scène ouverte, il y avait, entre autres : Corentin Coko, Martine Scozzesi, le Ioanes Trio (actuellement en version « duo »), Charlotte (sur des chansons de Colette Renard), Éric Frasiak (il a eu tellement d’applaudissements qu’il a eu le droit de chanter une troisième chanson)…

On peut aussi entendre Martine, le Ioanes Duo et Charlotte, tous les jours dans des restaurants de Barjac où commence à s’organiser un petit festival « off » fort sympathique !

 

 

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