Sinsémilia : l’entretien exclusif à NosEnchanteurs
Merci, Mike, de nous recevoir à la Cigale en amont de ce concert. Sinsé est depuis plus de vingt-cinq ans une référence du reggae en France. Mais ce qui nous semble aussi important que la qualité musicale du groupe, c’est qu’il y a du texte, des messages, que c’est intelligent…
L’auteur des textes prend le compliment avec plaisir !
Quelles sont tes références de chansons, d’écriture ? En reprenant La mauvaise réputation, forcément il y a un clin d’œil.
Une référence, oui, mais pas une inspiration. J’ai été bercé gamin, dans ma famille, par Brassens, Ferré, Ferrat, cette scène-là… évidemment c’est ancré dans ma culture. C’est adolescent qu’on tombe amoureux du reggae mais n’empêche que cette culture-là, elle reste présente clairement. Tout en tombant dans le reggae, on a été marqué quelques années avant, on était ado, préado, par la fin de Téléphone, on a été touché par Noir Dés’ évidemment, la Mano Negra et toute cette scène-là. Ça nous a évidemment marqués. Après, nous, notre passion c’était le reggae. Si notre premier album est 100% anglophone c’est parce qu’on voulait ressembler à nos idoles anglophones… Dès le second album, il y a la reprise de Brassens. Et une moitié de l’album est en français parce que, dès cet album-là, on veut s’affirmer. On est passionnés de reggae, oui, mais on est Français, on a grandi ici. Notre culture elle est aussi, clairement, faite de toutes ces références que je viens de te citer, donc c’est un truc qu’on veut affirmer, afficher, et même inclure dans notre conception de la musique. Au fil des années, les puristes reggae diront «c’est moins reggae». Et ils auront raison. On a aussi été inspirés par le rock, la chanson française… Il y a, chez nous, des morceaux plus proches de la chanson française que du reggae pur.
Je pense à un texte comme L’illuminé, par exemple.
Sur le dernier album, il y a une volonté de se recentrer reggae. C’est un vrai choix. Bizarrement, celui-là est certainement notre album le plus reggae depuis bien bien longtemps. Pour autant, les textes restent ce qu’ils sont.
C’est une volonté qui vous était propre ?
Tout ce qu’on fait nous est propre, y compris les erreurs. Je ne peux pas dire : «Ça, c’est la faute d’une maison de disques». On a toujours tout décidé. Tout est de nous. Mais oui, il y avait une vraie envie, une vraie volonté de prendre du plaisir sur notre premier amour. Et notre premier amour c’est le reggae malgré tout, même si les textes restent des textes de mecs qui vivent en France, j’allais dire de jeunes mecs mais non… plus de jeunes mecs ! De mecs de quarante piges qui vivent en France, voilà !
C’est ça d’ailleurs qui est intéressant aussi dans l’album : il y a de très beaux textes comme Respire…
Alors Respire, c’est pour moi, vraiment, un des morceaux que je préfère de l’album, peut-être même un des morceaux que je préfère tout court sur la longueur de la carrière de Sinsé. Lui n’est pas reggae du tout. Il y a un passage reggae à la fin parce que cela s’y prêtait. Alors est-ce que c’est de la chanson ? D’ailleurs, je ne sais pas ce que c’est, je ne me pose pas la question.
Mais c’est de la chanson ! À ce propos, il y a une sorte de dualité entre toi et Riké dans ce morceau. Riké est résolument optimiste, et toi tu es plus…
Désabusé, va pour désabusé !
Voilà, désabusé ! Est-ce un jeu de scène, une construction pour mettre en valeur la diversité des sentiments ou bien est-ce que cela vous correspond à chacun ?
Non, on aurait pu intervertir les rôles. C’est le choix des voix et des personnages. Dans la vie les rôles sont bien moins tranchés. En l’occurrence, ça tombe bien, l’instru est de Riké, c’est lui qui l’a composée. Je l’ai entendue et j’ai adoré. J’ai tout de suite eu envie d’écrire sur cette instru. J’ai écrit le premier couplet, qui est assez sombre, et je me suis arrêté là. Un jour, j’ai eu une discussion avec Riké. On ne parlait pas du tout du morceau. Il m’a dit qu’il était dans une période où il avait perdu trop de temps. Il avait envie de se rapprocher des gens, d’aller voir les gens qu’il n’avait pas vus depuis quelques années, pour leur dire à quel point ils lui ont manqué, il les aime… Sans le vouloir, on a cette discussion. Après avoir raccroché, j’ai écrit les trois couplets de suite, en le mettant dans le rôle qu’il était en train d’exprimer. Là en l’occurrence, le morceau est inspiré par un truc qu’il était en train de vivre : ça colle.
L’album est vraiment bien produit. Sur les autres, il y avait une énergie… Là on a l’impression que tout est ciselé, la musique, les textes, c’est artisanal. Est-ce que c’était une volonté ou ça s’est imposé comme ça ?
Un album 100% artisanal, fait maison… C’était une vraie volonté. Ça faisait un petit moment qu’on avait pas fait d’album, et quand on a parlé d’en faire un, le but c’était soit on fait le «meilleur album qu’on ait jamais fait», soit on le fait pas. Mettre la barre un peu haut. En même temps j’avais envie de ça.
Ça faisait six ans je crois ?
Oui, et moi je ne voulais rien laisser passer. Je voulais être content de tout. Tant que je ne suis pas content de tout, c’est mort ! Donc oui, on a pris vraiment le temps, en prenant énormément de plaisir. On l’a fait à la maison. Il y a des prises de son faites dans la cave, il y en a même qui ont été faites dans un placard parce qu’on trouvait que c’était là que le saxo sonnait le mieux. On s’est vraiment marré à le faire. On s’est appliqués, on y a passé beaucoup de temps. On lâche rien et le résultat correspond à ce que l’on veut.
Il y a beaucoup de collaborations sur l’album, c’est très intéressant de montrer ce partage dans la musique. Il n’y a pas que de la concurrence, il y a aussi du respect, de la fraternité.
Oui surtout que là, pour une fois, c’était l’occasion, on pouvait le faire. Il y a cette génération de reggae qui est venue après nous. On a des vrais bons rapports avec eux. C’était l’occasion de faire plaisir aux gens, en rassemblant tout le monde tout en prenant nous-même beaucoup de plaisir à le faire. On savait qu’il y avait tout un public qui serait content de nous voir tous ensemble. Ça n’aurait peut-être pas été possible dans ma génération reggae, il y a vingt ans.
Et le riddim ?
Le riddim, c’est Sinsé en interne. Et après moi j’ai lancé l’invit’ en disant : « Bon les gars, par contre, si on le fait, on le fait bien. C’est-à-dire, venez, on se met dans un studio, on le fait ensemble, vous ne m’envoyez pas vos bandes ! »
Il y a aussi cette collaboration avec Tiken Jah Fakoly. Le fait de le faire parler et non chanter, c’est surprenant : on ne l’attend pas sur ce registre-là. Cela vous appartient aussi ?
Oui cela m’a plu, ça allait dans la continuité du morceau. À la base, je l’ai écrit pour moi. Ça fait très longtemps qu’avec Tiken on attendait de trouver un morceau qui donnerait un sens à un travail en commun. Et là, le deuxième couplet, il est mieux dans sa bouche que dans la mienne je l’ai donc appelé, il m’a dit oui oui, en courant !
À ce propos, avez-vous le projet d’aller jouer en Afrique de l’Ouest ?
Ce n’est pas un projet, c’est un rêve. C’est le dernier rêve qu’on n’a pas assouvi avec Sinsé.
Un stade à Bamako avec Tiken ?
J’en rêve mais je dois encore le relancer pour la six centième fois. Vas-y Tiken…
NosEnchanteurs aime l’aspect citoyen. Cette semaine c’est la journée internationale des droits de la femme. Barre-toi fait écho… Sinsé est vraiment concerné, complètement, par ce qui se passe, à la fois dans Un autre monde est possible, les migrants, le droit du travail… Vous n’êtes pas engagés, pas porte-drapeaux mais…
Non, nous sommes juste des citoyens.
Citoyens et vous partagez des valeurs : c’est quelque chose qui pour vous est fort.
Oui, je crois qu’on est plusieurs à avoir ça en nous. En rigolant, on dit souvent que si je n’avais pas fait de la musique, j’aurais fait de la politique. Je ne m’y serais pas retrouvé mais sauf dans un engagement quelconque, où je puisse exprimer des choses, ça c’est sûr !
Et finalement, est-ce-que ce n’est pas de la politique au sens noble du terme ?
Au sens noble du terme, oui j’ai l’impression d’en faire. Au sens premier du terme, c’est-à-dire la vie de la cité. Tu vois je te parlais tout à l’heure de ce qui a bercé mon enfance musicalement. Je t’ai cité Brel, Ferré, Ferrat, il y a des valeurs, ça a commencé à créer des choses en moi. Brassens, à sa façon, était engagé. Un des premiers trucs qui nous a énormément touchés dans le reggae… Marley chantait des choses fortes, Peter Tosh chantait des choses fortes, ces gens-là chantaient une vraie réalité et c’était extrêmement politique. On a l’image en France, trop souvent, de Marley fumant des joints en disant peace and love, c’était bien plus profond que ça. C’est un des trucs qui nous a plus dans le reggae.
En fait, ça fait partie du reggae tu penses, l’engagement, la vie citoyenne ?
Oui et non, car il y a plein de types de reggae. Il y a du reggae qui chante de la merde aussi. Il y a du reggae homophobe, sexiste. Les artistes qui nous ont accroché dans le reggae étaient porteurs d’un message. Mais c’est pas propre au reggae, tu le retrouves dans la chanson française, dans le punk. C’est des trucs qui pour nous sont importants, et puis ça correspond à des valeurs que nous défendons en tant que citoyens, êtres humains.
Et la portée d’une chanson ? Tu penses qu’elle peut changer le monde ? Votre chemin, vous le faites aussi pour des gens qui finalement se nourrissent de ces valeurs-là ?
Alors moi j’ai les deux regards en fait. On a écrit une chanson il y a quelques années dont le refrain dit «qu’elle passe ou non sur leurs ondes, jamais une mélodie ne rendra beau l’immonde, qu’elle soit futile ou profonde, jamais une chanson ne sauvera le monde». Je pense qu’à 17 ans, on pensait qu’on pouvait mener la révolution en France avec nos guitares. Après, on a eu des exemples concrets, à quel point nos chansons avaient peu d’impact, y compris sur notre public. Je l’ai vu dans ce qu’on pouvait exprimer face au Front national. Nous, tout ce qu’on a exprimé, c’était le fait d’aller voter. Et je m’en suis rendu compte, en 2002, Le Pen au deuxième tour, et là, tout notre public nous dit «Vous allez faire un concert pour…», et ma question à chaque fois c’est «Pardon, juste une question, t’as voté ? Non ? » Donc je me suis rendu compte du non-impact d’un discours tenu, concert après concert.
Bon, ça rend humble aussi…
Oui, ça m’a fait relativiser énormément l’impact d’une chanson. D’un côté j’ai tendance à me dire l’impact est quasi-nul et, en même temps, tous les courriers, les contacts, les messages de gens qui nous disent «tu vois, tel morceau m’a fait changer de vision sur ça, telle chanson, telle période… vos chansons m’ont aidé à tenir à un moment où c’était compliqué…». Ok, l’impact, il n’est pas monstrueux, mais il n’est pas nul. Et à l’échelle d’un vie, pour certains, l’impact a été extrêmement important. Donc du coup, je n’ai pas d’avis tranché. J’ai conscience que je ne vais pas sauver le monde avec mes chansons mais il y a des gens dans la vie desquels on a eu un impact certain et, ça, c’est déjà immense.
Vous avez toujours autant de plaisir à reprendre la route. Toujours la vibes !
Ah oui, grave ! Quand le plaisir ne sera plus là, on ne sera plus là non plus.
Oui le plaisir toujours. On a énormément de chance. J’ai même l’impression qu’on se fait plus plaisir aujourd’hui qu’il y a 10 ans. Oui, on prend profondément conscience de la chance qu’on a d’être sur scène, et d’être aussi ensemble dans un bus, en s’aimant beaucoup, en prenant du plaisir à être ensemble. Voilà je pense que la conscience est plus forte aujourd’hui et le plaisir en est d’autant plus grand.
Votre amitié est exceptionnelle. Vous vous êtes connus gamins à l’école, et aujourd’hui, après vingt-cinq ans, vous prenez encore tout ce plaisir. Cela se ressent, sur scène c’est évident. Il y a une fusion, une alchimie magique… C’est quoi le secret de cette longévité ? Vingt-cinq ans de boulot ensemble, ce n’est pas un long fleuve tranquille, même avec toute cette amitié… ?
Il y a une vraie amitié. Et après, il y a juste le fait d’avoir au long des années pris soin de cette amitié, pris soin les uns des autres. Sur vingt-cinq ans, bien sûr qu’il y a des périodes où… Tiens je me sens un peu moins proche d’untel ou untel, c’est un peu plus compliqué… Oui mais on est profondément amis, donc on va laisser passer tranquillement la période et trouver le moyen…
Oui c’est comme un couple, en fait…
C’est comme un couple, une famille, mais une famille que tu as choisi. Et voilà, on a juste pris soin de notre amitié et elle est restée sincère.
Non seulement vous êtes amis, mais en plus vous êtes tous super bons, ça fonctionne, au niveau de la création, chacun sur son instrument…
Non, ça c’est une impression que tu as qu’on est super bons ! Non mais attention, on a énormément bossé. On était très amis, mais extrêmement mauvais. On a tous beaucoup bossé.
Oui vous êtes non seulement amis mais aussi super complémentaires dans la musique.
Tout cela est lié, c’est à dire que, pour passer autant de temps à bosser, il faut qu’il y ait le plaisir. A la base on ne bossait pas. On ne pensait pas qu’on ferait carrière, c’était pas ça le projet, on était amis, on était passionnés, on voulait faire des concerts. Du coup, on a passé énormément de temps à bosser mais pour le plaisir, par plaisir de faire de la zic ensemble… le progrès, la cohésion musicale, elle s’est faite là, dans ces années où on bossait beaucoup, par plaisir. Donc voilà… Après quand je te dis c’est pas vrai on est pas bons, je vais corriger. Je pense qu’on est très bons ensemble.
En tous cas, Flashback m’a beaucoup ému, sur l’album on ressent tout ça. C’était une vraie bonne idée de faire ce flashback.
C’est marrant parce que je m’étais promis que sur cet album je ne parlerais pas de nous et finalement, le premier morceau il parle de nous, mais au moins comme ça, c’est fait !
Sur la tournée d’été, au Lavandou, grosse galère pour vous, la coupure d’électricité… Ça s’est terminé roots !
Du coup, c’est presque un des meilleurs souvenirs de la tournée. Oui, panne d’électricité dans tout le quartier. On comprend que le concert va être annulé, du coup, on sort l’annoncer aux gens et on propose, s’ils sont cap’ d’être silencieux, de faire un concert sur le trottoir en acoustique pur.
Là, on revient vingt-cinq ans en arrière, à la fête de la musique !
Même pas puisque à la fête de la musique, tu avais de quoi brancher les amplis et chanter ! Là c’est guitare sèche, sans micro. C’était un super moment, quand tu vois les gens chuchoter pour chanter avec toi c’était un super moment. Il y a des vidéos qui circulent sur Internet qui sont pour moi parmi les meilleurs moments de la tournée.
Le Sun Ska aussi… comment ça s’est passé ?
Très agréable. C’était bien de revenir au Sun Ska avec un album clairement reggae. On avait ce plaisir-là. Comme je te disais tout à l’heure, dans le milieu reggae, les puristes peuvent se dire, bon, Sinsemilia, c’est plus vraiment du reggae. Ce que je comprends. Ça faisait plaisir de revenir avec une identité qui reste Sinsé, mais bien sûr qu’on veut faire du reggae…
Tout le bonheur du monde, est-ce-que cela ne vous gonfle pas à force ?
Pas une seconde. J’adore cette chanson, pour de vrai. C’est pour ça qu’on la joue sur cette tournée en acoustique, juste guitare percu. Il y a un vrai retour à ce qu’est la chanson. Et du coup, il y a plein de gens qui disent putain en fait, je l’ai découverte sous un angle complètement différent, j’ai adoré ! Non, c’est une chanson qu’on aime beaucoup. Après, est-ce-que l’on regrette que ça ait été le seul morceau médiatisé de Sinsé ? Oui, bien sûr qu’on aurait aimé qu’il y en ait d’autres, mais en même temps, on est très contents aussi qu’il y en ait eu une ! C’est la chanson la plus diffusée sur les radios françaises sur les dix dernières années, c’est juste complètement fou ! On est passés de rien du tout à un truc… je suis content que cela soit arrivé aussi tard dans notre parcours, aussi. Que cela ne soit pas arrivé sur le premier album par exemple, parce que je pense que cela aurait pu faire des dégâts…
Vous auriez un peu pété les plombs ?
J’en sais rien mais ce n’est pas impossible… On était jeune, on ne se serait peut-être pas rendu compte. Là, c’était bien, on était suffisamment solides, on avait fait suffisamment de tournées, remplis suffisamment de salles…
Sinon, puisqu’on a parlé d’écriture, tu as écris des textes dans le dernier album de Tiken ?
Oui, j’avais écris une première fois pour lui, mais là les textes ne sont pas ceux dont je suis le plus fier pour lui. J’aime beaucoup un thème que j’avais écris pour lui sur l’album… merde, j’ai oublié le titre de l’album, ça doit être peut-être L’Africain, le morceau s’appelle Viens voir. Ce texte-là, j’en suis très fier pour Tiken. Mais après, les derniers, je les aime aussi.
Ça t’arrive d’écrire pour d’autres artistes, ça t’est venu naturellement ?
C’est un truc que je ferais avec plaisir, j’ai deux ou trois personnes pour qui je dois proposer des textes, qui m’avaient demandé… J’adore faire ça.
Pour Riké, c’est très facile, je le connais par cœur, et puis j’ai énormément de plaisir à écrire pour lui. C’est une autre écriture que pour Sinsémilia, c’est plus intime, c’est très agréable d’écrire pour Riké. Pour Tiken, il y avait une vrai envie parce qu’on partage le même univers musical. On partage une conception de ce qu’on doit dire au micro. On est très proches, donc là aussi c’était facile. Après j’adorerais écrire aussi pour des gens dont je peux me sentir loin. Dans le morceau Viens voir, pour Tiken, j’ai adoré me mettre dans la peau d’un Africain qui parle aux Européens. J’ai adoré le fait de me transposer donc j’adorerais écrire, je crois, pour à peu près n’importe qui. Je crois. Bon il y en a pour qui je ne pourrais vraiment pas, mais même un truc dont je me sens loin, l’exercice d’écrire en me mettant dans sa peau… oui c’est toujours un exercice agréable.
Ça se fait au gré des rencontres, une connexion… ?
Oui voilà tout à fait, le dernier avec qui on a évoqué ça c’était Amaury Vassili. Nous avons des univers éloignés mais lui adore Sinsé, adore les albums de Riké. Nous nous sommes rencontrés, il m’a dit «j’adorerais que tu me fasses des textes», on a sympathisé… Je me dis bon, voilà, il va falloir que je me branche complètement ailleurs mais pour le plaisir artistique !
Oui, ça revient à ce que l’on disait au début, vous avez toute votre place dans la chanson française. Il y a le reggae mais les choses ne sont pas incompatibles.
Non, on a un reggae qui subit plein d’influences, on se prend pas pour des jamaïcains et à l’inverse, la chanson française, c’est tellement large… Il y en a qui vont dire ça c’est de la variété, pas de la chanson française, ça c’est du rock, pas de la chanson française, mais en fait, pour moi, tout ça est de la chanson française.
C’est ce qui nous intéresse aussi en chansons, ne pas avoir de cases…
Après au final, c’est juste comment tu assaisonnes ton truc. À la base, on part tous d’une chanson, d’un texte et d’une mélodie, et quasiment toutes ces chansons, quel que soit le style, tu peux les jouer piano-voix, guitare-voix, et à ce moment là, c’est juste des chansons. Après, c’est juste comment tu les habilles. Nous, on les habille de reggae, d’autres les habillent de rock, mais à la base, c’est la même chose, on fait des chansons.
Des projets ? Vous enchaînez sur de l’écriture ?
On va dire qu’on est aux prémices d’un projet d’album mais à fouiller…
Tu peux nous dire un mot sur Echo Prod ?
Oui, c’est le label que j’ai créé il y a dix ans maintenant, qui justement produit de la musique dans tous les styles. Là, en ce moment, on a un album avec un de nos groupes phares qui s’appelle Mountain Men qui est un duo blues, mais qui est aussi influencé par la chanson française. Ils ont fait un double album live hommage à Brassens et, là, ils enregistrent en ce moment avec Denis Barthe, le batteur de Noir Désir. Ils réalisent leur nouvel album. On a des projets dans le reggae, dans le hip hop, dans la chanson, c’est large. Je veux juste travailler avec des gens bien humainement, passionnés, et pour qui la scène est l’axe central du développement. Donc voilà, il y a pas mal d’artistes. On collabore avec Naâman, Moutain Men, Atili Bandalero, on travaille avec Big Red, l’ancien chanteur de Raggasonic…
Vous les aidez dans toutes les dimensions ?
En fait, ça dépend des artistes. Par exemple, sur Naâman on n’est qu’éditeur. Sur Mountain Men, on est éditeur, producteur, tourneur. Sur Big Red on est producteur, éditeur. Ça dépend des besoins de l’artiste. Puis il y a des fois, on se dit que pour tel artiste, on va être bons dans ça et ça, mais il y a meilleur que nous sur ce poste-là. On collabore avec meilleur que nous dans ce cas-là. Voilà, on essaye d’accompagner au mieux parce que je suis obligé de le faire comme ça. Moi à la base, je suis artiste, et je sais à quel point, même si on les fait avec tout notre cœur, les projets à Echo Prod, ça reste pour nous des projets. Pour les mecs, ce ne sont pas des projets, c’est leur vie. Donc, on doit faire au mieux pour que ça marche pour eux. Si demain, il y a un artiste d’Echo Prod qui me dit, j’ai une proposition ailleurs et elle est mieux, mais sans l’ombre d’un souci, va, toi tu vis ta vie, moi c’est un projet.
En fait c’est une manière aussi de partager votre expérience…
Oui, tout à fait. Tu vois avec Naâman par exemple, sur plein de choses, il n’avait pas besoin de nous mais je peux amener mon expérience et ça, on s’est compris direct. Voilà, il a beaucoup de talent, mais avec l’expérience je peux lui faire gagner beaucoup de temps. J’aurais vraiment aimé que l’on ait ça, nous, il y a vingt ans, ça nous aurait fait gagner du temps.
Oui, vous étiez un peu les précurseurs…
Oui alors en plus, nous, c’était autoproduction de A à Z. Enfin, il a fallu découvrir…
Merci infiniment Mike pour ta disponibilité. Bon concert !
Entretien réalisé par Vincent Capraro avec l’aide de Pierre Zecchini.
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