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Christian Camerlynck : « Habillez-nous de tous vos mots d’amour »

(photos Anne-Marie Panigada)

Romain Didier et Christian Camerlynck à Barjac (photos Anne-Marie Panigada)

Discours prononcé par Christian Camerlynck le lundi 1er août 2016, à Barjac, lors de la remise du Prix Jacques-Douai dont il fut un des deux lauréats. Typographie d’origine.

 

 

 

 

 

Il y a deux ans, j’étais ici même dans le public, pour la remise du Prix Jacques Douai à Michel Boutet et à Thibault Defever. Mon mari qui m’accompagnait pour la première fois à Barjac me demanda. C’est qui Jacques Douai ? Et moi l’aficionado de la « Bonne chanson » de répondre, Comment tu ne connais pas ? Comment aurait-il pu le connaître ?

Souvent nous sommes persuadés que l’autre possède la même expérience, le même bagage que nous. Cela m’a questionné sur la transmission.

Alors Je lui ai raconté un peu Jacques Douai, j’ai parlé de l’ Interprète exigeant et précis de son répertoire de chansons poétiques du militant culturel, engagé dans l’éducation populaire.

On me demande souvent, Vous n’êtes qu’Interprète ? Oui, je suis un artisan interprète, J’écris des spectacles avec les chansons des autres. Ils disent tellement bien ce que j’ai envie de dire, de partager.

Comment faire découvrir la richesse et la beauté de notre Patrimoine. Les auteurs que nous aimons, nos découvertes?

Quand on évoque des interprètes On pense à Juliette Greco, Cora Vaucaire, Reggiani, Patachou, mais nous avons aussi Jean Guidoni, Laurent Viel, Évasion, Madame Raymonde, Entre deux Caisses, Marie Thérèse Orain, les Cabarettistes, et aussi Laurent Berger quand il mêle les chansons de Brel avec les Siennes et sans doute d’autres.

Ils éclairent les œuvres d’une autre couleur comme le font les comédiens, les metteurs en scène à qui on ne demande pas s’ils ne sont qu’interprètes ? Les Interprètes sont des passeurs de chansons et d’émotions. Sans Catherine Sauvage, aurait-on reconnu Ferré, Vigneault ? Les interprètes sont les porteurs et passeurs vivants de notre patrimoine

EN 2017 cela fera 40 ans que je chante professionnellement, jamais je n’ai pensé faire un métier de spectacle. Ni même que la chanson remplirait autant ma vie.

j’ai baigné dans la chanson depuis l’enfance. Et Sans m’en rendre compte « j’ai accumoncelé » un répertoire dans des fêtes de famille, J’ai même été opéré des amygdales sur de la chanson. Quand on m’a dit de souffler dans le ballon de chloroforme j’avais 5 ans, Line Renaud Chantait « sa cabane au Canada » je me suis endormi, quand je suis sorti de l’Anesthésie elle chantait toujours.

Je suis un enfant de L’Éducation Populaire,

sans l’éducation populaire que serais-je devenu ?

C’est France, la mère de mes enfants, alors militante syndicale et militante d’un mouvement de jeunes qui le 27 juin 1967, me fit découvrir l’Écluse, Marc Chevalier, Marie Thérèse Orain, Francesca Solleville, Jacques Debronckart et beaucoup d’autres. C’est là dans les cabarets, que j’ai trouvé un sens à ma vie. C’est par la chanson que j’ai fait mes HUMANITÉS. Les cabarets étaient mes Universités, ma Sorbonne. Félix Leclerc mon Philosophe, Gilles Vigneault mon fabricant d’images et de mots, quand à Jacques Debronckart à chaque fois que ses doigts entamaient l’introduction musicale de « Je suis Comédien » Je pleurais. Aujourd’hui je comprend pourquoi.

Les chansons m’ont ouvert à tous les arts. Les chansons m’ont appris à ÉCOUTER l’autre, elles m’ont ouvert à la curiosité.

c0008CHANTEZ, CHANTEZ VOIX ÉRAILLÉES, voix de cailloux voix de Cristal raconter ma peine et mon mal, mon espérance assassinée…que ma chanson ne soit pas gaie, je ne suis pas un rigolo sauf que l’âpre vin de Bordeaux m’a fait la cervelle embrumée. Une chanson à l’encre bleue pour dire mes folles illusions, mes rêves de petit garçon, on s’ennuie tant dans les banlieues. Une chanson à l’encre rouge pour exorciser mes soldats toutes les nuits je les revoie qui tirent sur tout ce qui bouge. Une chanson à l’encre noire, en l’honneur des anarkos coupables d’avoir dit trop tôt ce qu’il adviendra tôt ou tard. Une chanson à l’encre blonde en l’honneur de ton sexe chaud, des Juliette et des Roméo qui baisent tout autour du monde. C’était ta chambre au 17ème ,dans un tourbillon de chaleur, l’oreille posée contre ton cœur, j’écoutais la chanson que j’aime. (Extrait du poème de Jacques Debronckart)

je veux parler encore, de l’ÉQUIPE QUI M’ACCOMPAGNE depuis 15 ans dans une Folle aventure qui s’appelle À CORPS VOIX.

Marc Chevalier est l’Homme que j’ai choisi comme modèle, une sorte de Papa, le mien n’ayant pas vécu assez Longtemps. Marc allait à la rencontre du public le plus éloigné des arts, pour Lui faire entendre de la musique, de la chanson, voir des oeuvres de théâtres, de Cinéma, de la sculpture , de la peinture… C’était un pédagogue fabuleux SA PÉDAGOGIE L’ACTION, LE FAIRE. PAS DE BARATIN FAIRE. TAIS TOI CHANTES. Il me disait souvent : « tu vois ce cycliste, cet Handicapé, cette caissière des autoroutes, Je me demande que peut l’ART, pour eux? » comme animateur Socio Culturel, puis comme Saltimbanque j’ai toujours voulu redonné ce que j’ai reçu des artistes. Alors j’ai suivi la route Marc Chevalier.

EN 1990 J’ai eu l’intuition que tout le monde rêvait de chanter SEUL, au moins une fois, accompagné par un musicien. Après de nombreuses expériences dans des VVF, ou POUR DES SCENES NATIONALES Nous avons créé A CORPS VOIX. Dans des stages destinés à la pratique Amateur de La chanson nous accueillons : des gens qui croient chanter faux, « personne ne chante faux irrémédiablement » , des exclus des conservatoires, des gens qui souffrent vocalement, émotionnellement, des enseignants, des mères de famille des parents qui souhaitent chanter à leurs enfants et aussi des amoureux du chant, des passionnés de chansons.

Cette intuition que j’ai eu Il y a 36 ans, nous la vérifions aujourd’hui encore, le bouche à oreille a conduit des centaines, environ 8000 personnes à partager avec nous ce rêve, ces émotions.

A CORPS VOIX nous l’avons créée et développée Pour la chanson, afin que ces amateurs puissent découvrir leur VOIX, découvrir que nous sommes tous musiciens, que notre Corps est notre premier instrument de musique. Que tous nous pouvons gérer et exprimer nos émotions, tous nous pouvons aimer des chansons que nous ne connaissons pas, les découvrir en les chantant, découvrir des auteurs compositeurs inconnus de nous. Nous voulions créer une sorte d’école du spectateur.

Ces activités nous ont amené à rencontrer l’ÉQUIPE DU FORUM LÉO FERRÉ qui a accepté que nous y organisions un premier stage. Je me souviens que Christian et Marie Hélène sont restés les 2 premiers jours avec nous. Dès le 1er Dimanche soir nous avons fixé les dates des mois suivants. Ce partenariat a durée 10 ans. Le public des stages découvrait le lieu et aussi les artistes qui s’y produisaient. Nous mêmes y avons créé des évènements… Je me souviens de ce Dimanche après-midi ou 29 personnes venant de tous les coins de France ont chanté une chanson d’Anne Sylvestre dans une salle bourrée et en présence d’Anne.

Une collaboration de 10 années avec DI DOU DA à Arras, a permis la création d’ateliers amateurs, de cabarets découvertes, du festival « Faites de la Chanson » qui en est à sa douzième édition. Nous avons même rencontré des sourds et des malentendants qui voulaient chanter.

Isabelle Aichhorn avec des musiciens et des comédiens de l’équipe, a développé des activités chant, musique, théâtre, lecture, au Service des soins Palliatifs de l’Hôpital de Troyes. (Pourquoi arrêter la vie avant qu’elle ne s’arrête d’elle même ?)

Elle développe des stages plus spécifiques pour ce que l’on appelle le développement personnel.

Ces exemples c’est pour souligner que La chanson n’est pas qu’un produit enregistré en MP4 ou sur un CD. Que l’on écoute en concert, Mais ça vous le savez, C’est un art vivant, c’est un art au service de l’humain, cette face là qui existe et que les médias ignorent.

Grâce aux amateurs et à l’équipe qui nous accompagnent dans cette aventure j’ai appris davantage mon artisanat, mon métier d’interprète,

Les AMATEURS m’ont fait aimer des chansons que je n’aimais pas, que je déconsidérais, et pourtant une petite chanson de « Merde » dans la bouche de cette femme là, de cet Homme là devient souvent un Monument qui me bouleverse.

Je pourrais citer : cette Dame de Auchy les mines qui nous chanta « les Corons » avec beaucoup de vérité et de cœur et qui à la fin de son interprétation s’adressant à Laurent Aichhorn qui l’accompagnait au piano lui dit : « ben oui parce que mon Homme il est resté dedans ». Je revois aussi Cette jeune femme qui m’a confié dans une longue lettre que les Chansons de Anne Sylvestre l’ont sauvé du suicide C’est aussi cette maman qui écoutait et chantait Bosco de Tachan et Roseau pour se donner du courage avant d’aller voir, si son enfant opéré du cœur, était toujours vivant. Ce qui a fait dire à Jean Paul Roseau le compositeur de la chanson « Je ne pensais pas que la chanson était aussi importante pour les gens ».

Isabelle Aichhorn, les comédiens, chanteurs, musiciens qui accompagnent régulièrement les malades et les soignants de l’hôpital de Troyes pourront vous dire, que sur leur lit de souffrances, les choix des malades ne vont pas forcément vers des chansons littéraires, que « Mexico Mexiiiiico!!! », « Une chanson douce », ou encore « la Vie en Rose » les aident à lutter, les soulagent un peu.

La chanson est trop importante pour la laisser exclusivement entre les mains des professionnels.

D’une chanson souvent nous ne retenons que la mélodie, quand elle existe, et parfois une petite phrase :

Presque chaque soir avant de m’endormir je me récite « Une Sorcière comme les autres, ou Après le Théâtre. » (Anne Sylvestre)

D’autres phrases surgissent au cours de mes journées et souvent fort à propos

« j’me fous des colloques des séminaires, J’fais mes confitures moi-même, je t’aime » (je t’aime… M Bernard)

« En la plus petite flaque, Il y a l’espérance d’un lac. » (in Le lac Saint SébastienAnne Sylvestre)

« A quoi ça tient de naître noir ou blanc ou brun ou d’être gay » (in A quoi ça tient - Romain Didier)

« Est ce qu’on fait des vers avec l’actualité immédiate ? Poète est ce ton rôle de faire des vers pour le feu qui nait? (in A BesançonJacques Bertin)

« Je chante pour oublier que mon chemin ne va pas plus loin que ma main

Je chante pour ne pas courir, je chante pour ne pas mourir. » (in je chante pour – Gilles Vigneault)

LES CHANSONS, sont musiques et paroles qui s’envolent à la rencontre d’autres musiques, d’autres langues, d’autres cultures, D’AUTRES HUMAINS. »

C’est pour cela que j’aime tant les chansons et ceux qui les écrivent

Je veux remercier mes pairs, qui me remettent ce prix Jacques Douai, remercier les artistes qui nous ont fait confiance et ont contribué de faire de ma vie Une belle Vie. Ils ont participé à des moments de notre Aventure A CORPS VOIX : ANNE SYLVESTRE, MICHÈLE BERNARD, CÉLINE CAUSSIMON, VÉRONIQUE PESTEL, ÉLISABETH VELTY.

LAURENT AICHHORN, AUGUSTIN BÉCARD, DENIS D’ARCANGELO, NATHALIE FORTIN, RÉMO GARY, JEAN GUIDONI, BERNARD JOYET, MARTIN LERAY, SÉBASTIEN MESNIL, DAMIEN NISON, JEAN PAUL ROSEAU, LAURENT VIEL, JUNE MAC GRANE

« C’est en gare de l’Ecluse à deux pas de la Seine… »,

que je t’ai rencontré Romain Didier, MERCI À TOI ROMAIN mon ami, mon frangin, le premier compositeur à avoir accepter de mettre en musique des textes de mon compagnon de route, mon mari Laurent Sillano.

Je tiens à Dire enfin mon affection et mon admiration à Isabelle ma fille, à France sa Maman pour poursuivre avec courage, talent et créativité ce beau voyage dans la chanson. A mon fils de partager avec moi sa grande culture musicale qui me permet de rester en contact avec l’actualité.

Quant à vous les AUTEURS, s’il vous plait,

« Habillez-nous de tous vos mots d’amour »

Ils parlent de nous et ils nous protègent si bien.

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