Alain Souchon et fils, l’enseigne qui tient ses promesses

Alain Souchon, Ours et Pierre Souchon à Liège Photos ©Annick Delperdange
Liège, Le Forum, 12 avril 2025
Dans le noir résonne la voix du chanteur, toujours caché du regard. Un court extrait d’un de ses chefs-d’œuvre méconnus, Lettre aux dames : « Chères les dames / Chères les enfants filles / J’ai chez moi deux roulements à billes / Qui vont dévaler l’escalier, un jour / Et venir vous voir / A cause de l’amour ». Une chanson toute en tendresse et inquiétude, extraite de l’album On avance, paru en 1983.
Quarante ans plus tard, les deux roulements à billes ont bien grandi, se sont fait un nom dans le métier et accompagnent leur papa dans une longue tournée. Un extraordinaire moment de partage, une aventure tant familiale qu’artistique, une complicité sans faille, qui n’exclut toutefois jamais le public, témoin ravi de cette réunion de talents.
L’affiche nous montre le trio réuni autour d’un piano et porte le titre explicatif « Alain Souchon accompagné par Ours et Pierre Souchon ». D’emblée, nous savons ainsi que les 3 artistes ne seront pas sur un pied d’égalité : la vedette reste bien le patriarche ! C’est en toute humilité que les fistons lui donnent la réplique, l’accompagnant à la guitare ou au piano, faisant les chœurs, voire se partageant la parole sur certains morceaux. Tout juste nous chanteront-ils chacun une chanson de leur répertoire respectif.
Il est vrai qu’il leur serait difficile, si l’idée saugrenue leur en venait, d’éclipser leur paternel. Celui-ci reste en effet une bête de scène, tout octogénaire qu’il est. Toujours aussi drôle, quand il charrie sa progéniture par exemple (« J’ai eu des problèmes de baby-sitter, alors je suis venu avec mes deux garçons », nous dévoile-t-il d’entrée de jeu). Tout en faisant preuve lui-même d’une autodérision de bon aloi, qui nous permet de savourer quelques anecdotes narrées par ses enfants, pas en reste en matière de vannes sur leur papa… Il sait pourtant mettre un frein à cet amusant cabotinage pour laisser monter l’émotion, intacte comme aux premiers jours, malgré la patine de certaines chansons (La beauté d’Ava Gardner, Et si en plus y’a personne, C’est déjà ça…). Est-il une meilleure preuve de l’intemporalité de l’œuvre de Souchon ?
Passant presque tous ses albums en revue, le concert est la confirmation, si besoin en était encore, du talent exceptionnel d’Alain Souchon, qui fut une formidable machine à tubes sans cependant jamais céder à la facilité. Une écriture unique, qui a bouleversé la chanson française et dont on remarque l’influence sur les deux générations de chanteurs et chanteuses qui l’ont suivi. Une attitude aussi, une noblesse d’âme, qui nous le font aimer à jamais, lui qui n’a jamais joué à la star ou cédé aux sirènes du show-biz bling-bling. Un certain modèle sociologique aussi, tant il a incarné – et incarne toujours – une autre image de la virilité.
Alors, on écoute le sourire aux lèvres ou les larmes aux yeux, on reprend avec lui les incontournables Foule sentimentale, Ballade de Jim, L’amour à la machine ou ce Rame millésimé 1980… Sans oublier de (re)découvrir certains morceaux plus rares, que le trio a eu la bonne idée de remettre en valeur (J’étais pas là, L’amour en fuite, Comédie…). On goûte aussi au dispositif scénique, à ce grand rideau de tulle qui nous cache les artistes ou reçoit des images projetées, aussi simple qu’efficace. On aime enfin l’hommage à son amie anglaise, ou l’intervention de son comparse de toujours, venu par vidéo interposée accompagner la petite famille sur son Karin Redinger. Résumons dès lors l’affaire : nous avons tout simplement assisté à un concert qui frôle la perfection.
C’est plus qu’un simple chanteur qui est monté sur scène ce samedi soir, dans cette salle évidemment comble. Ce sont 50 ans de carrière qui ont foulé les planches et 50 ans de nos vies qui l’ont applaudi à tout rompre. Alain Souchon ne sera jamais ce chanteur pour salles de bains qu’il redoute de devenir, il brille et brillera toujours dans les cœurs et au panthéon de la chanson française. Populaire et esthète à la fois. Unique à jamais.
Le site d’Alain Souchon, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là. En tournée de concerts, déjà très complet, voir sur le site.
« Les cadors » Alain Ours et Pierre Souchon à Brest
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