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Yvan Marc et Fred Bobin à l’unisson

Frédéric Bobin et Yvan Marc à Venelles Photo ©Catherine Laugier

Frédéric Bobin et Yvan Marc à Venelles Photo ©Catherine Laugier

 

 

 

 

 

Deux concerts à un mois d’écart, deux visions pour deux humains aux champs comme à la ville, Yvan Marc et Frédéric Bobin, par deux rédacteurs de NosEnchanteurs

 

 

8 mars 2025, Venelles, MJC Allain-Leprest à l’Étincelle

Par Catherine Laugier

Frédéric Bobin est un habitué du lieu : depuis 2015 je l’ai vu en solo, avec des musiciens, en duo avec Hélène Piris, avec Kent, avec Michèle Bernard… Six fois, nous dit-il, mais pour la première fois à l’Etincelle. Yvan Marc, lui, la découvre. Une complicité s’est installée en studio et à la scène entre ces deux artistes de styles, de caractères et de milieux géographiques différents, mais dont les univers confluent.

Duo oui, mais d’abord solo : Yvan Marc, accompagné de Lauris Martin à la batterie, au clavier et à la programmation – double oxymore – nous conte ses chansons, dont quelques unes d’ Avant les déserts – nos verdoyantes contrées se muteront-elles en champs de sable comme il est advenu au Sahara, par notre faute ou tout au moins celle de ceux qui nous mènent au précipice et des inconscients qui les suivent ? – « Je connais vos faiblesses, celles qui vous tiennent en laisse (…) Je vous gouverne / Je me remplis les poches / Dès que la crise approche ». Coup de poing dès le début avec cet Avant l’âge, d’autant que l’homme a une prestance qui en impose : massif mais svelte, droit bien ancré au sol de ses fortes chaussures, veste longue martiale, regard affûté, il occupe l’espace sans effort ni geste superflu, donnant une impression de force tranquille.
Il se baptise Ours habitant une forêt, cela fait-il peur aux dames ? Dans le privé, Yvan fait état de relations conflictuelles, de Mépris, de revanche, se voit même À terre, avec cette voix qui soudain s’altère. Mais se relève avec tendresse : « Dans cette chambre où ta douceur me guérit de moi ».

D’anecdotes en chansons c’est son pays qui fut de poudrerie, sa maison-refuge comme une grotte, la terre de son grand- père où c’est lui qui apprend, qui remonte de son beau répertoire. Attaché à ses racines mais la tête au ciel, la voix douce, des souvenances de Murat ou des frères Volo nous traversent le cœur. Comme dans l’humour de cette chanson vieille de 20 ans, Des chiens, des humains, qu’il fait reprendre en chœur à un public qui ne l’a jamais entendue.

C’est en duo qu’ils vont faire chorus en humanité, apprendre des oiseaux, des arbres ou des abeilles au Printemps d’Yvan, pleurer sur La vie qu’on aurait pu vivre des frères Bobin, se répondant si bien qu’il est difficile de savoir qui a écrit ces chansons aussi nostalgiques que pleines de rêve, « Que sont nos amoureuses devenues.. ».

Fred en solo désormais, fait un pas de sa ville à la campagne d’Yvan, retrouvant le Fou du village, où le silence se fait dans l’ espoir de « Chercher le diamant dans la boue / Respirer et vivre debout ». Lui aussi nous parle de la maison de son grand-père qu’il a revue en rêve, avec ce « papillon [qui] tournait autour de la théière ». Revient au registre intime, enchaînant en tendre chemin de vie La route est longue, et ce « dernier soleil d’automne ». Retourne au Creusot, route, chemin, voiture, dans les méandres de la mémoire, vers ce Guitare héros, perdant magnifique parti vers le cimetière des coquelicots. Ce n’est pas une louche, mais une soupière d’émotion, que Fred Bobin sait maintenant nous servir sans pathos aucun, et le public s’y reconnaît, s’immerge dans celle qui est peut-être sa plus belle chanson, Le soir tombe.

À moins que ce ne soit Tant qu’il y aura des hommes, ou, rejoint par Yvan et Lauris Martin, et les chœurs de l’auditoire à bouche fermée, Ce siècle avait deux ans, ou J’ignorais que j’avais des ailes. D’Éphémère, de Bobin, aux Grilles fermées d’Yvan, celles de l’usine qui est partie, du travailleur prostré, les portails verrouillés de Lavilliers, la cousine de celle qui est partie à Singapour, le duo désormais trio fait son apothéose.

Traditionnellement, le concert s’achève sur un bouquet d’hommages aux référents de la chanson, conjuguant l’amour à tous les temps avec Cabrel, espérant être un homme heureux avec Sheller, passant l’amour à la machine pour en retrouver ses couleurs d’origine avec Souchon, et s’en aller tout doucement avec Gainsbourg.

-Catherine LAUGIER

Frédéric Bobin et Yvan Marc à Viricelles (photo Michel Pabiou's)

Frédéric Bobin et Yvan Marc à Viricelles (copie d’écran Michel Pib’s Pabiou)

 

5 avril 2025, festival Enchant’Émoi, Viricelles,

Par Michel Kemper, 

Ce que c’est que le suivi d’artistes… Il y a quelque temps, certes pas juchés sur une scène mais dans une médiathèque, j’avais vu Yvan Marc et Frédéric Bobin ensemble, à conjuguer, croiser leurs répertoires. Ravi pour ma part de tels échanges. Ces échanges perdurent. Et se bonifient.

Là, nous sommes à Enchant’Émoi, le festival des Vivats. Yvan Marc arrive en scène, seul. Derrière le rideau de scène, je vois Bobin faire les cent pas. Marc enfile ses chansons, dans une grande cohérence. Il dit être l’ours, pire, le grizzli, des contrées voisines, du Mégal et de Saint-Julien-Chapteuil, en Haute-Loire. Quand il vous décrit la forêt, les grands espaces, les neiges d’antan (il y en a moins, réchauffement climatique oblige) et les lèvres glacées, les paysages, la paysannerie… on le sait, c’est tellement tout proche d’ici. La poésie d’Yvan Marc est sans égale, je crois. Il chante et vous y êtes, il neige et il fait froid, le soleil arrive et vous avez chaud pour lui, avec lui. Il vous emporte de sa voix un peu monocorde mais envoûtante : ce sont les mots et le rythme de la nature qui font reliefs. Les chansons s’enchaînent, tant qu’on en oublierait presque Bobin qui, à un moment convenu, déboule sur scène, pour à son tour faire le beau, prolonger la poésie de son copain par la sienne, toute aussi belle, qu’on la croirait fabriquée d’une même main, d’un identique esprit. Tant que, nous le verrons, l’un reprend parfois les textes de l’autre, parfois les deux chantent ensemble. On se dit que le duo est non seulement probant, mais que cette rencontre sur scène est évidente. Jadis, les circuits de ces deux-là étaient fort différents, qui jamais ou rarement ne se croisaient. Tiens, les grilles d’une usine, les ouvriers privés de leur outil de travail. Mais ce n’est pas du Bobin, c’est du Marc, même souci, même empathie : « J’espère au moins que les grilles / S’ouvriront ailleurs… ». Le lyonnais n’entonne pas forcément ses « tubes » si ce n’est ce siècle qui avait deux ans, grand standard du lieu qui l’accueille. Lui aussi va à la recherche de souvenirs, de paysages, d’émotion. Comme quant il rêve la maison de son grand-père, franchit la rivière… De belles chansons lui-aussi, Tant qu’il y aura des hommes, J’ignorais que j’avais des ailes, La vie qu’on aurait pu vivre, Guitare héros… La douceur de Bobin rejoint celle de Marc, une certaine mélancolie, fut-ce du présent, aussi.

Les deux nous quittent à l’unisson de surprenante et gainsbourienne façon : Je suis venu te dire que je m’en vais. Puis s’en vont. Même pas le temps de s’apercevoir que c’était un concert, un superbe concert à deux.

-Michel KEMPER

 

Le site d’Yvan Marc, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là. Le site de Frédéric Bobin, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.

« Tant qu’il y aura des hommes », F.Bobin solo concert Image de prévisualisation YouTube
« Sous les gants », Y.Marc, clip  Image de prévisualisation YouTube
« Les grilles fermées », Marc et Bobin en concert Image de prévisualisation YouTube

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