Jean Guidoni : mélancolie et amour font mariage

Jean Guidoni (photo Jean-Baptiste Millot)
Dix-septième album studio de Jean Guidoni (le trentième en tout), trois ans après le Avec des si alors sorti chez Tacet. C’est chez EPM qui, il y a quelques semaines, avait publié une formidable compile de quatre-vingt quatorze titres CD (Y a un climat) que ce nouvel opus nous arrive. C’est de fait un des événements de ce printemps.
Nostalgie assumée d’un lieu qui fut un fier Eldorado homosexuel dans le Berlin d’avant guerre et qui n’est plus qu’une épicerie bio : « J’suis plus gai comme avant / Mettez-vous à ma place… » Le ton de l’album est triste d’un bout à l’autre, le chanteur tout autant, tant que, dans le doute, il s’évite : « Mais j’deviens quoi, moi, demain, si j’me quitte ? / Qui sera là pour faire la claque à l’Olympia ? » Tristesse, nostalgie, oui, et Guidoni de se remémorer ses madeleines d’antan qui ne sont que des coquillettes mais « y’a des plats qui n’se réchauffent pas ».
Colère froide contre ce pouvoir qui cible ces Enfants de la nuit, qui viennent d’un ailleurs en « territoire même pas choisi ». Nul n’est besoin de retailler les paroles pour démasquer cette patibulaire fée Clochette à la triste bannière qu’évoque Guidoni. Douze titres sur cet album, tous de haute tenue, dont un court premier qui sent l’acrimonie, évocation de quand il était riche, alors avec de nombreux amis… Reconnaissons que le dossier de presse argumente bien : « Jean Guidoni s’offre à nous tout entier, comme véritable scène de sa vie, sans fard et sans filtre. Un artiste fou d’amour, inquiet mais lucide, qui conjure le temps assassin par ses enivrants fantasmes contagieux d’un cabaret berlinois ou d’une romance de gare en noir et blanc, d’une rumba d’éternité aux robinsonnades maritimes d’un homme à cœur ouvert… ».
C’est un trio qui préside à cet album : Arnaud Bousquet à tous les textes, parfois co-écrits avec Guidoni, et Romain Didier aux partitions. C’est ce dernier qui, avec son complice Thierry Garcia, co-réalise. Producteur à France Culture, Arnaud Bousquet fut déjà le co-auteur des chansons d’Avec des si, le précédent Guidoni. Quant à la composition, Romain Didier en reprend la maîtrise, dix ans après l’excellent Paris-Milan où il y avait musiqué tous les textes de Leprest chantés par Guidoni.
Trio performant donc, épatant, et même si l’album manque un peu de folie, une fois le disque terminé, Ton silence, une chanson très leprestienne, vous hante : « Tu voudrais m’dire que tu t’sens prête / Que nos promenades elles r’viendront pas / Que ça s’rait même un soulagement ». Mais c’est le dernier titre qui contient toute la joie qui manque à ce qui précède : Regarde mon amour est un message intime et universel, écrit au masculin pluriel, d’amour et de tendresse : « J’respire depuis qu’on s’est dit oui / Pas oui mais. Mais oui. Cent fois oui / Devant la loi et l’arc-en-ciel ». Ce dernier titre contient en lui toute la joie qui manque à ce qui précède : vive les époux !
On ne vient pas vers Guidoni par pur hasard : c’est forcément une démarche de gourmets, de fins palais d’une chanson exigeante, avec du contenu, avec du contenant. A des siècles de distance de la vacuité du tout venant médiatique et vulgaire, celle qui « passe dimanche à la télé / Théâtre de l’Empire du milieu / Pour jouer la belle à qui mieux-mieux ». Ça fait quarante-cinq ans que l’ami Jean caracole dans le haut de gamme : si vous ne le savez pas encore, offrez-vous aussi son anthologie en cinq CD. Pour encore mieux apprécier cette nouvelle livraison.
Jean Guidoni, Eldorado(s), EPM/Polydor/Universal 2025. Le site de Jean Guidoni, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
Pas encore de vidéo dispo relative à cet album. Nous patienterons donc…
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