Hélène Grandsire, la clef pour mieux entrer

Hélène Grandsire (photo JMY)
Le format est étonnant. Ça se présente sous la forme d’un petit livre pas bien épais, en fait le livret contenant les paroles des chansons : l’avantage est que, pour une fois, les textes sont lisibles, et non pas dans un corps si petit qu’on dirait les conditions d’un contrat d’assurance. Pas de disque laser à l’intérieur mais une clef USB : paraît que c’est ce que les clients réclament, ne serait-ce que pour écouter en voiture…
Voici donc le nouvel album d’Hélène Grandsire, dont je viens à ma manière de vous livrer la clef. Ça se nomme Pour cogner à ta porte et le contenu ne diffère pas de l’habitude (c’est son neuvième opus tout de même, le premier remontant à 2011, le précédent à 2023) : du bien écrit (paroles de Jimmy Grandsire), bien musiqué (composé par Hélène Grandsire), en piano-voix, sobre et efficace. Encore une fois du bon boulot, encore une fois des chansons qu’il nous est agréable d’entendre. Et toujours cette frustration de ne jamais voir le nom d’Hélène Grandsire au générique de saisons culturelles, de festivals ou même de concerts en appartement à côté de chez soi.
Encore une fois, les Grandsire, décidément solides artisans des paroles et des musiques, nous livrent des chansons désirables. Seize d’un coup, ce n’est pas rien. Et chaque fois, malgré la simplicité de l’interprétation – ou grâce à elle – nous nous projetons dans ces scénarios de quelques minutes, tous gorgés de vie, humanistes, soucieux de l’autre. La qualité humaine de ces chansons alliée à leur interprétation sans faute ne peut que marquer, toucher l’auditeur que nous sommes.
Chaque fois des lieux, des situations, des résolutions, des tronches et des tranches de vies. De ces vies banales, modestes et, parmi elles, l’idée aussi incongrue que généreuse de devenir riche : alors « J’aurais deux guillemets / Pour dir’ combien me pèse / L’infâme parenthèse / Des ventres affamés / Si j’étais riche… » et « J’aurais trente-cinq heures / Environ chaque jour / Pour aller à rebours / Réparer mes erreurs… » Chaque plage de ce disque cette clef vous emporte dans ses vers, vous séduit, vous estomaque parfois, quitte à vous remplir l’estomac d’une histoire de camemberts que promeut un prénommé Bébert. Des petites gens, disais-je, mais la plume de Jimmy Grandsire est ainsi faite qu’il aime aussi fustiger politiques et bourgeois, qu’il jette ici avec leurs accessoires, cravate et jet privé, collier de madame et valises pleines de billets, « à la décharge où des p’tits gars / ramassent des bouts de plastiques » : la réjouissance est de mise malgré l’exemplaire gravité de l’interprétation.
De chaque titre nous pourrions faire quasi l’éloge. C’est une langue chargée, où chaque mot pèse son poids de sensibilité et d’importance, où chaque titre change de climat et de décor pour que tous ensemble, plage après plage, restituent une singulière mais bien réelle comédie humaine.
Hélène Grandsire, Pour cogner à ta porte, autoproduit 2024. Le site d’Hélène Grandsire, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là.
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