Patrick Abrial, la fière et belle chanson que voici

Jye et Patrick Abrial (photo Yanick Vilto)
Pour leur second album studio (et deux ep et un live), Jye et Abrial se font l’immense plaisir de reprendre l’Apache de Jerry Lordan, un titre culte d’il y a 65 ans, aussi western que rock, qui ne saurait vieillir tant il frise la perfection. C’est dire si l’entrée en matière donne le la et nous ouvre l’appétit. En presque sortie d’album, ce sera le I Walk the Line de Johnny Cash, monument s’il en est du rock’n’roll : nos deux compères et complices récidivent et savent sans mal partager leur brio avec les auditeurs que nous sommes.
Si ce n’est l’autre reprise qu’est Marie Jeanne (adaptation d’une chanson originale de Bobby Gentry), bien plus râpeuse que l’interprétation initiale de Joe Dassin (raccord donc avec la lourde et poisseuse dramaturgie qui, inéluctable, s’y développe), le reste de l’album (dix autres titres tous aussi généreux) se partage entre Patrick Abrial pour les textes et Jean-Yves Hellou (notre Jye) pour la musique, réalisé en autosuffisance à l’Abrial Studio : du travail impeccable, pléonasme chez ces vieux routards qui ainsi renouvellent de belle et efficace manière leur répertoire pour ces mini tournées qu’ils affectionnent.
La chanson-titre est en soi un hymne juste et fraternel, qui plus est magnifique, sur ces Gens d’ici qui viennent d’ailleurs et nous ont tant apporté, et pas que « l’algèbre et le papier ». En ces temps où les sombres nuages du rejet de l’autre semblent se graver dans le marbre d’ignominieuses et démagogiques lois, il est doux et rassurant d’entendre de telles paroles.
C’est d’ailleurs toujours l’intérêt de ces artistes hors bizness qui peuvent chanter librement sans passer sous les fourches caudines du politiquement et commercialement correct. Avec l’amère contrepartie d’être certains que leur chant soit hors champs, bouté hors des médias, même si « la censure est à bannir / c’est interdit d’interdire ».
Cette jouissive liberté, Patrick Abrial en fait généreux usage : « Depuis que je suis gamin / Face aux cons aux râleurs / J’ai le plaisir de faire un / Doigt d’honneur ». Tout ce disque est fait de ce ton révolté, un rien mutin, avec ce mélange d’innocence et d’insolence de deux titis délurés et farceurs : « On va t’apprivoiser / A lire et à compter / Liberté Égalité / Fraternité / C’est leur vérité / Aujourd’hui c’est fini / Ça suffit ». Tous les titres doivent être remarqués ; certains plus que d’autres sont remarquables.
Depuis qu’Abrial a renoué avec son public après plus de trois décennies d’abstinence (de chanson, pas de musique !), l’ancêtre qu’il est (même âge que Lavilliers, à huit jours près) prouve qu’il en a encore sous le pied et peut sans mal en apprendre à de biens plus jeunes que lui. Le duo qu’il forme avec Jye a musicalement tout de la bombe à fragmentation, même si on sent que ce dernier dompte son art pour mieux mettre en valeur les textes et la voix de son pote Abrial. Ainsi le dernier titre de ce nouvel opus, Et changer l’eau des fleurs (on dirait un titre de Leprest), qui est comme un florilège du blues-rock, blindé de clins d’œil pour qui sait les saisir.
Patrick Abrial & Jye, Les Gens d’ici, Aztec Musique/Intégral 2025. Le facebook de Patrick Abrial, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’eux, c’est là.
Abrial et Jye, une fraîcheur mâtinée de guitare électrique et des chansons oh combien nécessaires en ces temps de furie. Bravo les gars