Nicolas Paugam « Saugrenus saugrenus »

Sont venus, sont venus ils n’ont rien de sympa
Masques et mains gantées ils s’en sont pris à nos papas
Qui campaient là
Eux apportaient le glas
Et j’entends, et j’entends leur éclat de joie
La vertu ignorante de leur dessin
Et leur amour du feutre gras
Crus et libres à la fois
Chats de gouttière
Tout empêtrés dans vos prières
Immense abîme
Qui nous crève, qui nous mine
Explose à la tête
Des enfants d’internet
Qui ne sont plus libres
Ni de grossir, ni de vieillir
Saugrenus, saugrenus ils riaient de tout ça
S’alarmant de toute façon en même temps qu’ils ne pensaient qu’à
Nourrir le débat
La farce comme expression du moi

Nicolas Paugam

Paroles et Musique Nicolas Paugam. Extrait de l’album « Mon agitation » 2015

Chanson écrite après les attentats de Charlie. Nicolas Paugam selon son habitude laisse venir les mots à lui, libres, comme ses dessins (lui aussi, attaché à sa plume et à ses pinceaux, dans un autre style que ceux de Charlie) et ne parle pas d’actualité au premier degré.

Pourtant si l’on s’attache au texte tout devient évident. Nos papas, ce sont Cabu, Honoré (et son fameux dessin à peine séché, « Et surtout la santé »), Wolinski, Charb, Tignous, les dessinateurs  qui riaient, malgré leur peur, car déjà menacés (c’est ce dont témoignent les rescapés, encore dix ans après). Et puis la psychanalyste Elsa Cayat, l’économiste Bernard Maris, les amis de passage (le journaliste clermontois Michel Renaud), les techniciens, les policiers, douze en tout.

Dessiner encore, ©Coco

Et les chats de gouttière, ce sont les terroristes. Auxquels Paugam s’adresse, comme à des enfants perdus s’étant trompés de combat : « Enfants en guerre, perdus dans le désert, dessinent ton mouton sans caisse ni avion, rempli de coquelicots le chien de ton canon ». En 2014, il nous disait aussi, dans l’album Aqua Mostlae, à propos d’une autre guerre, J’ai connu une colombe, « Dans l’au-delà, où l’on ne vit pas ».

La légèreté, ©Catherine Meurisse

Puis la fusillade à Montrouge le 8, et le 9 l’attaque de l’Hyper Casher. Dix-sept victimes en tout. Sans compter les séquelles, et ceux qui mourront après, n’ayant plus la force ni l’envie de vivre. Certains ont continué au sein de l’équipe, racontant l’attentat comme Coco dans la BD « Dessiner encore », 2021. Ou s’évadant de l’horreur par la Beauté, comme Catherine Meurisse avec « La légèreté », roman graphique, 2019. 
De nombreux rassemblements ont eu lieu en France et dans le monde pour marquer l’union pour la défense de la liberté de penser, la laïcité et la tolérance, le droit à rire de tout, avec le slogan « Je suis Charlie », et de nombreuses chansons ont été écrites. Avant que des voix de dissension ne s’élèvent, « Oui mais »… Serions-nous encore tous dans la rue dix ans après ? 

Pour les dix ans de l’attentat, en décembre 2024 paraît le livre « Charlie liberté. Le journal de leur vie » en hommage aux victimes de l’attentat,  publié par le journal lui-même (Édition Les Échappés). Plusieurs articles de journaux et émissions de radio donnent la parole aux survivants et aux témoins, on peut écouter en podcast France Inter ici (Grand format) et plus longuement là (Le grand entretien, avec Coco, l’avocat Richard Malka et Riss, dessinateur et directeur actuel de la publication). Un podcast de six épisodes, « Ils ont vécu Charlie », est disponible sur France Info. 

Plusieurs émissions de télévision sur FranceTV ont été consacrées à cet anniversaire, notamment la soirée France 2, Charlie Hebdo, 10 ans après : peut on encore tout dire (jusqu’au 6 janvier 2028), suivie de L’épreuve d’une vie : Michel Catalano face aux Kouachi (jusqu’au 14 juillet 2025) puis le documentaire inédit Charlie, envers et contre tout (jusqu’au 13 juin 2025). « Une fois tous les dix ans les gens nous aiment », dessine Jean-Loup Adénor.