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Rosalie Dubois, 1932-2024

Rosalie Dubois (photo Anaïs Magnin)

Rosalie Dubois (photo Anaïs Magnin)

Si toutefois elle daigne s’en souvenir, la Chanson retiendra de Rosalie Dubois l’image d’une poissonnière de la rue Lepic qui, suite à un défi qu’elle s’empresse de relever, participe à un radio-crochet qu’elle remporte haut la main. Les préposés des maisons de disques où elle grave sa voix n’auront pas eu à trop forcer le trait pour faire naître une légende, juste faire de cette jeune chanteuse une vendeuse à la criée alors qu’elle ne fut poissonnière que le temps d’un job intérimaire. Nous sommes en 1959, le yéyé déferle comme un jour de grande marée. Elle, elle en est tout le contraire, s’inscrivant dans la tradition des chanteuses réalistes, s’accompagnant à l’accordéon. Hasard ou destinée, de derrière son étal de produits de la mer, elle avait fait connaissance avec deux figures du quartier : un dénommé Bernard Dimey dont bientôt elle chantera La Romance, ainsi qu’un certain Pierre Mac Orlan.

Dès lors, Rosalie Dubois accumule les succès. Souvenez-vous de Cherbourg et de Parce qu’un air d’accordéon… Et d’emblée des récompenses : elle est Coq d’or de la chanson en 1960 et disque d’or. La voix royale vers une grande carrière… avec l’Olympia en 1962 où elle passe en vedette américaine, et des premières chansons sur la Révolution française. Sauf qu’un accident brise tout net sa carrière cette année-là. Longue guérison, dépression, alcool, Rosalie ne reviendra aux affaires qu’en 1968, fameuse année pour qui chantera bientôt des Chants d’espoir et de révolte.

Car au bout du compte, c’est essentiellement par ces chants (une anthologie qu’EPM/Editions Eponymes en a tiré il y a dix ans un double CD de quarante-trois titres) que le nom de Rosalie Dubois restera, du Chant des ouvriers au Temps des cerises, du Drapeau rouge à L’Internationale viticole, par elle superbe travail sur la mémoire des luttes : elle eut été vaillante durant les Gilets jaunes qu’elle aurait chanté sur les ronds-points. C’est d’ailleurs lors de ce travail éditorial d’EPM que Bernard Ascal, lui même chanteur et directeur de collection dans ce formidable label de chanson, a fait connaissance avec notre chanteuse-poissonnière et imaginé la projet fou d’enregistrer un nouvel album, à quatre-vingt ans, alors que sa voix n’était plus tout à fait celle de la vendeuse à la criée. Sept titres, avec l’aide de Bernard Ascal, auxquels ont été ajoutés des enregistrements plus anciens : au total, du Bernard Dimey, Maurice Fanon, Guy Béart, Louis Aragon, Eugène Guillevic, Paul Eluard et Serge Gainsbourg, formidable plateau qui nous dit par l’exemple ce que fut l’art et les goûts de cette interprète d’exception. Notons que, facétieuse, la camarde aura fait disparaître Bernard Ascal et Rosalie Dubois cette même année 2024.

Dans la ville de Mornant, en Seine-et-Marne, l’espace culturel porte désormais son nom : c’est au moins un coin de notre territoire que ne l’oubliera pas de sitôt. Faut dire que c’est dans cette commune qu’elle résidait ces dernières années et que, malgré son âge, elle avait gardé sa gouaille d’antan. Comme une gueule d’atmosphère, un air venu d’un presque lointain de la Chanson.

 

« Parce qu’un air d’accordéon » : Image de prévisualisation YouTube

« Les Plafonds » : Image de prévisualisation YouTube

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