Mirabelle Gilis « La prunelle de ses yeux »

Tu ne cueilleras plus la prunelle de ses yeux 
Tu ne toucheras plus sa peau de tes doigts fiévreux 
Tu n’éteindras plus son ombre quand elle prend feu 
Tu ne caresseras plus la noirceur de ses cheveux 
Tu ne prendras plus son corps là , tu et quand tu veux 
Tu ne la cogneras plus, comme un fou dangereux  
Adieu les poings
Adieu les cris
Adieu le sang
Adieu les coups
Adieu le mépris

Mirabelle Gilis

Paroles Miossec, Musique Mirabelle Gilis. Extrait du Cinq titres « Rivière » 2024

Une chanson de revanche où Miossec se place du point de vue de la femme qui reprend sa liberté, rédigée presque comme des commandements de la Bible, un cri de délivrance et d’adieu, mis en valeur dans le beau clip réalisé par Yannig Willmann. Toute la dualité du sujet apparaît dans la douceur apparente de la voix féminine, qui s’oppose aux effets légèrement dissonants en arrière-plan de la musique électroacoustique qui l’enveloppe. Avec une inversion de genres intéressante : ce sont des mots écrits pour une femme par un homme, c’est une femme qui chante comme en écho des « mots doucereux » du tortionnaire. 

On retrouve Mirabelle Gilis, de formation classique mais aussi jazz, baroque et folk, musicienne et compositrice dans de nombreuses collaborations, accompagnant notamment Miossec au violon. 2020 est l’occasion d’écrire et chanter quatre titres en duo, Falaise, élaboré dans leur refuge du Finistère, initiant la carrière de chanteuse de Mirabelle, toujours en recherche de nouvelles expériences musicales.

En 2019 elle rencontre  en Angleterre la chanteuse Sara Petit, avec laquelle elle réalise le projet Les amirales. Elles voyagent en Europe puis se retrouvent à Brest  rejointes par le  batteur Guillaume Rossel (ex batteur de Rachid Taha) pour un projet pop avec claviers, batterie, guitare, violon. De l’anglais elles passent aux textes en français avec Miossec, écoutez la très belle chanson Mon cœur parue début 2021, dédiée aux amours renaissantes, aux sentiments éternels. 

En 2022 Mirabelle travaille avec François Joncour, synthétiseurs, programmation, chant, qui coécrit le texte avec Miossec, avec plusieurs autres musiciens – batterie,  synthétiseur, Fender Rhodes – pour un Sonar tapes, une musique expérimentale qui évoque avec élégance et poésie le monde du silence sous-marin, écoutez Tout s’en est allé.

En 2024 Mirabelle passe à l’étape suivante en écrivant elle-même le texte de la chanson N’oublie pas, supplique susurrée « je reconnais toutes mes erreurs / Et sur moi crois-moi rôde encore ton odeur / Je t’aime toujours / Pardonne-moi », et en coécrivant avec Marcel Kanche Le bruit de l’absence, ce manque qui « fait du bruit quand on est seul ». Rivière est un texte de Kanche, tout en poésie fluide, « Je suis l’eau / Une eau d’ici / Une eau de là / Une pluie qui s’étale / Jusqu’à la baie / D’amours oubliés » soutenu par les chœurs de Sarah Olivier et Bettina Kee.  Elle compose toutes les musiques et retrouve François Joncour pour l’instrumental L’immensità, intense, où le violon a des sonorités trad entêtantes qui s’évadent vers un son contemporain. Un album entre baroque, pop élégante et électro expérimentale où Mirabelle utilise tous ses talents au violon, alto, clavier, nous enveloppe d’un parlé-chanté feutré, suggestif et lumineux, et s’entoure de huit musiciens aux claviers, batteries et hapsichord et de deux choristes. Créé entre Brest, les Pouilles et Saïgon, c’est un voyage initiatique, d’émancipation et d’espoir.