Joël Favreau, dorénavant première guitare
Liège, Musée de la Boverie, 15 novembre 2024
Encore Brassens ? Toujours Brassens ! Alors que Michel Kemper nous a relaté voici quelques jours ses soirées du Festival « J’ai rendez-vous avec vous » de Saint-Gely-du-Fesc, souffrez que je débarque à mon tour avec un Festival Brassens, qui s’est déroulé à Liège ces 15 et 16 novembre 2024.
C’est un festival qui ne paie pas de mine et dont la renommée est pour le moins restreinte, même s’il en est déjà à sa neuvième édition. Le public, forcément d’âge mûr, y vient pourtant en nombre et semble composé de fidèles, tant tout le monde s’interpelle et s’apostrophe dans une joyeuse ambiance. Le programme, l’auriez-vous deviné, tourne autour du maître de Sète. Avec des artistes donnant essentiellement dans la reprise, du grand moustachu bien sûr, mais aussi de ses amis, puisque Boby Lapointe était également à l’affiche. Des concerts en toute simplicité (n’espérez pas de grandes scénographies ou des light-shows impressionnants), qui nous permettent de goûter sereinement aux joies de chansons immortelles joliment (ré)interprétées.
Y avait-il un artiste plus légitime que Joël Favreau pour ouvrir le festival 2024 ? Celui qui accompagna le maître dans les studios d’enregistrements et sur les plateaux-télé en tant que deuxième guitare nous propose depuis quelques années un spectacle Salut Brassens des plus réjouissants. Il chante armé de sa guitare, bien évidemment, tandis qu’un accordéoniste égrène ses notes en renfort. Saluons son nouveau comparse, Wilfried Touati, pour lequel le concert liégeois constituait le baptême de feu. C’est peu dire qu’il s’est montré à la hauteur.
Le répertoire de Brassens est si vaste qu’on peut y puiser à loisir pour constituer le programme d’une soirée, qui changera de couleur selon les options. Joël Favreau a choisi de mettre en exergue le Brassens anar et rentre-dedans, avec l’humour inhérent à ces morceaux. Nous aurons donc droit à des chansons aussi joyeusement anticonformistes que La complainte des filles de joie, Quatre-vingt-quinze pour cent, La messe au pendu, Le gorille ou Sans vergogne. Quelques chansons plus rarement mises à l’honneur aussi, comme L’assassinat, A l’ombre du cœur de ma mie ou Don Juan. Bien sûr, pour satisfaire tout le monde, l’impasse n’a pas été faite sur les tubes (Les amoureux des bancs publics, Fernande, J’ai rendez-vous avec vous…), juste contrepoint à l’inédit L’arc en ciel d’un quart d’heure, mis en musique par Joël Favreau. La visite revient même à deux reprises, puisque sous ce titre se cachent deux morceaux de choix : une chanson (posthume) de Brassens-Bertola, et un hommage de Maxime Le Forestier, composé par la vedette du jour. Enfin, le Maître lui-même est parmi nous, lorsqu’est projetée sur un écran une vidéo où on le voit interpréter en public Supplique pour être enterré à la plage de Sète, que Joël Favreau accompagne en direct à la deuxième guitare. Qui osera encore prétendre dorénavant qu’il n’a jamais joué avec lui sur scène ?
Les versions de Joël Favreau ne révolutionnent certes pas l’œuvre de Brassens. Pas de bouleversement qui ferait crier au scandale, pas de revisite inconsidérée, pas d’apport d’instruments modernes. Mais de jolies reprises, chantées avec le respect dû à l’amitié que les deux hommes entretenaient, où les musique se teintent parfois d’accents espagnols ou brésiliens, dans un dialogue constant entre la guitare et l’accordéon. De la belle ouvrage, à l’ancienne, d’un homme autant artiste qu’artisan. Déguster Brassens dans de telles conditions est du pur bonheur.
Le site de Joël Favreau, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, c’est là.
« La complainte des filles de joie », 2019, Nailloux
« L’arc-en-ciel d’un quart d’heure », 2021, session FIP
Georges Brassens, accompagné par Pierre Nicolas et Joël Favreau, 1979, « Supplique pour être enterré à la plage de Sète »
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