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Les Mécanos : la force tranquille !

Les Mécanos (photo Wilfried Marcon)

Les Mécanos (photo Wilfried Marcon)

« Vènon per destruire / E lo monde subi / Las decisions daus riches / E lor set de profit » (« Ils viennent pour détruire / Et le monde subit / Les décisions des riches / Et leur soif de profits »).

Ils sont dix, tous de Saint-Étienne et alentours, l’exacte frontière entre Oil et Oc, le tracé de deux mondes, deux cultures mais mêmes luttes : cette chorale virile (des physiques de travailleurs de force, peut-être forgerons, garagistes ou scieurs de long) chante en conséquence dans les deux langues. Et visiblement ne chante pas que pour passer le temps : leurs voix sont chargées de mémoire et de justes colères, leur répertoire est à cette hauteur de vue. Avec puissance autant que calme, ce qui est plus encore impressionnant.

C’est un travail historique, pour partie fait de collectage, pour partie de créations, auquel se livrent ces dix gaillards, pour une restitution entre toutes exemplaire. La thématique du travail est claire, de l’usure au travail : à l’usine, sur les routes pour les compagnons, sur le carreau de la mine aussi.

Comme cette chanson sur la fusillade du Brûlé à La Ricamarie, évoquée comme chacun sait dans le Germinal de Zola : « Ce matin dans notre atelier / La mine est basse et l’œil brillant / Là-haut au chemin du brûlé / Ils ont tué des innocents ». Ou cette autre, sanctuarisée par le temps, sobre et puissante : « C’est nous les canuts / Nous sommes tout nus », jadis écrite par Bruant en hommage aux ouvriers lyonnais, ici accompagnée d’un texte de Daniel Décot « Nous sommes les petits-enfants déracinés des lamineurs, passementiers, rubaniers de basse lisse, mineurs en apnée, grisoutés, brisés sous les étais, brûlés vifs, réprimés sur les pavés, piétinés par les chevaux militaires… » En chantant les luttes, exploitations et pénibilités passées, Les Mécanos parlent de celles actuelles, en fait les mêmes, et de l’éternel ennemi qu’est le capital.

UsuresCar réduire ces Mécanos au seul chapitre de la chanson traditionnelle serait grande erreur. S’ils s’inscrivent pour une part dans la tradition (c’est tout à leur honneur), c’est plus encore de la chanson de contestation, en étant comme un possible chaînon manquant entre hier et notre présent.

« Pense à los paures gents / Que vivon dins la charrèira / Malurós, indigents / Efants de la misera » (« Je pense aux pauvres gens / Qui vivent dans la rue / Malheureux, indigents / Enfants de la misère ») : rappelons à toute fin utile qu’en 2023, on dénombrait 330 000 SDF dans notre pays.

Formellement, on retiendra l’excellence du travail vocal, de ces polyphonies finement travaillées. Ces voix ensemble suggèrent la force de l’unité : au-delà de l’artistique, c’est un indéniable message politique. Si la chanson pouvait changer le monde, c’est sûr que ces Mécanos seraient dans le cortège de tête de la manif. Car « Le vent a soufflé autour de nous / Apportant un grand changement / Plus il soufflait, plus cela attisait / Notre tête et notre corps ».

Rien que pour saluer ce travail d’exception, il vous faut acquérir cet album.

 

Les Mécanos, Usures, L’Éclectique Maison d’Artistes/InOuïe Distribution 2024. Le site des Mécanos, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’eux, c’est là.

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