Joce, tranches de vie
Joce aurait pu se contenter d’être une (excellente) interprète. Mais elle a aussi une jolie plume pour nous donner ses Mots, « Avec ou sans papier », qui pourraient définir tant la poésie quotidienne de la vie, que la chanson qui veut dire quelque chose, celle qui nous enchante. Magnifiée par la musique co-composée avec le pianiste Benjamin Barria, l’enveloppant des notes profondes du piano de Claude Salmieri qui scénarisent la tragi-comédie de la vie, c’est le pivot de l’album. Chantés avec émotion, ils sont le propre de l’humanité : « Les mots qui touchent, les mots cadeaux / Ou des mots louches qui font défaut (…) Les mots qui prennent tant de place / Mais y’a ceux qui cassent et fracassent / Sous la menace ».
Joce qui tient la scène avec un charisme, un dynamisme et une émotion qui touchent le public, sait analyser les choses de la vie avec nuances, les jours avec comme les jours sans, tout autant que dénoncer les incohérences de notre époque. Même si l’intime y a sa part, l’album traduit, plus que le précédent, le désenchantement de ce monde de fin de cycle, brutal et absurde. La guerre la hante, nous hante, avec ce Monsieur j’ai peur qu’elle vit devant nous, dans la tête d’un enfant, qui dénonce « les manigances / De vos tours de vautours ». Le rythme lent de la voix et du piano traduit l’angoisse sourde que nous, loin du cœur des conflits, tentons d’oublier « Elles viennent du ciel et tombent les bombes / Que tirent les fous qui tiennent le monde ». On pense à la chanson Tout fout l’camp popularisée par Damia, stigmatisant la folie des hommes. Et les aberrations tournent en rond dans sa tête, tournant à l’obsession : « Quelle mouche me pique pour ne plus que ça m’agresse ». Le ton se fait plus chansonnier pour dénoncer Les Médias-choc qui excitent nos pulsions voyeuristes, complotistes, transformant les hommes en cloportes, prenant parfois des accents de chansons anarchisantes à la Couté « Si les rupins n’étaient pas là / Nous serions tous en harmonie ». L’humour s’invite pour dénoncer nos contradictions, ou se moquer de nos Voisins que malheureusement on ne choisit pas. Mais, mine de rien, la chanson peut nous inciter à un peu plus de tolérance : « Nous aussi nous sommes les voisins d’nos voisins ».
Chacun retrouve ses émotions, ses agacements et ses indignations dans ces dix chansons qui alternent les ambiances. Les mots seront aussi le support des Rimes qui font des claquettes, dansant hommage dédié à Nougaro, « Entre roses et violettes / Et mille accents chantants » avant de virer au blues, chantant « Le rythm’and flouze / Comme un ange nom de Dieu ». Les émotions intimes y ont aussi leur part : les souvenirs de jeunesse tournent en java sur l’accordéon dans un tourbillon qui ne cache pas l’ennui sous l’insouciance, puis avec le temps, « Avec les trains qui passent / Le sablier qui court (…) Se dessine l’oubli ». Concluant par un Soliloque : « Avec ou sans point de repère (…) Telle est la vie, aujourd’hui l’égal d’hier ».
Joce, Avec ou sans, Les petites notes, 2024. Le site de Joce Ballerat, c’est ici. Ce que nous en avons déjà dit sur NosEnchanteurs, là.
Le 24 octobre 2024 au Festival Cap Brassens à Sète, le 26 octobre pour cet album et d’autres chansons de son répertoire au Domaine de Seguela, Porte-lès-Quercy, 46 (Résa : 06 83 73 26 94 Magali)
« Les mots » au Domaine de Mousquety, L’isle-sur-la-Sorgues, 2024
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