Jean Humenry, une vie faite homme
Faut-il encore faire l’éloge de Jean Humenry, 78 ans, auteur d’un tel nombre de chansons que ça nous laisse pantois, qu’elles aient été écrites pour tous ou spécifiquement pour le jeune public, en direction de tout un chacun ou plus à l’attention de ceux qui partagent sa foi catholique (Humenry n’a-t-il pas jadis fait partie du groupe Crëche ?) La lecture de sa notice sur Wikipédia (hélas pas tenue à jour en ce qui concerne les quatorze dernières années*) est à ce titre fort instructive, même si elle ne recense pas non plus les nombreux titres écrits pour autrui.
Des chansons, en voici soixante-quatre de plus, en un même élan, à croire que ça lui pisse du bras. Précisons toutefois : trente-neuf titres en un élégant double album, Derrière les étoiles-Je sais un peu de chemin, commercialisé ; et vingt-cinq autres sur Tout au fond de mes tiroirs, album au tirage très limité donc collector, hors-commerce, cadeau « pour tous ceux qui m’ont aidé » : le recevoir c’est être privilégié. Heureux d’en être.
Jean Humenry a fait ses fonds de tiroir, ressorti tout ou partie de sa production laissée en jachère, à nouveau labouré ses possibles sillons discographiques. Tout en poursuivant son prolifique chemin d’écriture. Lui qui, en 2016, avait sorti un disque au titre assez parlant de Boucler la boucle, laissant alors entendre qu’il s’agissait du dernier, prouve qu’il a encore (et de belle façon) des choses à dire. Ça nous change de toutes ces prétendues vedettes (je haïs le mot stars) qui à chaque album font le plein de vide.
A lire son intro sur le livret, Jean Humenry fait ses comptes, en quelque sorte son bilan, comme si tout devait s’arrêter aujourd’hui, jusqu’aux 100 000 litres d’essence consommés (remettons le débat sur le bilan carbone de la chanson à plus tard…), les 26 492 cordes cassées de ses 36 guitares, ses scènes les plus emblématiques, cathédrales inclues, fut-ce celles des manifs écolo-gauchistes du Larzac et de Plogoff… : on est presque dans l’obsession comptable de Romain Didier dans son J’ai noté.
Mais le vrai bilan, le plus sûr, est à chercher dans le lit de ses chansons, dans leur inspiration. Et force est de considérer que celles-ci, nouvelles ou exhumées, sont étonnement parlantes.
L’amour et la fidélité d’abord (le premier titre, J’voudrais qu’tu me dises, est une émouvante adresse à son épouse disparue dont il s’enquiert de ses nouvelles), la critique sociale et politique, la solidarité, l’espoir, l’empathie, et cette foi chevillée au corps et au cœur. Humenry n’est pas secret : sans être biographie, ses chansons dessinent au plus près le bonhomme qu’il est. Que, moi, l’athée, prend, sinon pour un saint homme, au moins pour le chouette car honnête compagnon de route qu’il est, carapacé d’un idéal à toute épreuve : « Au creux d’un arbre / Tu trouvera un sceptre et un manteau de roi / Ils sont pour toi / Tu les prendras / Tu laiss’ras là tes vieux tracas ».
Retrouvées trente ans après ou écrites sur l’instant, ses chansons semblent être d’une même traite, je ne dis pas hors du temps mais hors des scories, des tics des modes toutes plus fugaces que les autres. Ces soixante-quatre titres sont un supplément d’oeuvre de poids, du rab pour les gourmands que nous sommes.
* Humenry parle de « plus de trente disques 45 tours, quarante-trois albums 33 tours et une bonne cinquantaine de compacts-disques ».
Jean Humenry, Derrière les étoiles + Je sais un peu de chemin, ADF Musique/Bayard Musique 2024. Tout au fond de mes tiroirs, hors commerce 2024. Le site de Jean Humenry, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
M. HUMENRY est un bel humain : dans sa besace se nichent de superbes chansons.
Bien belle longue route chansonnière avec ce qu’il faut d’espérance pour continuer le chemin.
Surtout ne bouclez pas la boucle : votre guitare n’est pas encore fatiguée !
Merci Babou
Restons droits