Sylvain Giro et Louise Michel, la vierge rouge
« La mort ne veut pas d’L. », 10 octobre 2024, La Bouche d’Air, Nantes,
Commençons par la fin, qui me semble être un début. Pour rappel d’un spectacle qui n’en a pas, Sylvain Giro et Le Chant de la Griffe nous proposent une chanson que, de toute façon, ils auraient du mal, ici dans leur épicentre nantais, à ne pas interpréter. Une chanson qui nous parle de guerre et plaide la paix. Peut-être que cette Rue des Lilas se situe à Gaza, à Khartoum ou à Kiev, au Cachemire ou à Paris : elle nous est Commune, aurait pu être écrite et chantée par Louise Michel.
Louise Michel. S’il est une figure de l’Histoire plus que jamais présente dans la chanson, qui fait l’objet de tas d’événements et de spectacles, c’est bien elle, la « vierge rouge » de La Commune. Une icône qui n’est pas sans entrer en résonance avec la situation politique des temps présents…
La scène est nue et sombre, seuls deux hauts praticables de part et d’autre, où sont juchés chaque fois un.e violoncelliste (Mathilde Chevrel et Colin Delzant). Et cinq chanteuses et chanteurs, de noir vêtus : Elsa Corre, Héléna Bourdaud, Youenn Lange, Sébastien Spessa et Sylvain Giro. Noir et rouge, compte-tenu de l’incandescence des propos, de cette vie de prise de conscience et de combats qu’ils relatent. Intro parlée, dont nous retiendrons les derniers mots : « À son époque, le Gouvernement la qualifiait de terroriste. Et nous, on se dit que si Louise Michel était une femme d’aujourd’hui, il en serait sans doute de même. » Retailleau, ce quart de Thiers, la ferait embastiller sans grand ménagement.
En trois mouvements, dix chansons, de sa naissance à sa mort, toute la vie de cette illustre femme ici s’étale, dans ce poème épique sur sa vie. Tout, ses indignations, ses combats… Dans une sobriété qui nous laisse pantois, à mille lieux de la comédie musicale.
Comment la bâtarde de Vroncourt, « grande, maigre, hérissée, hardie, sauvage, rapiécée, brûlée du soleil / on dit que je suis l’enfant laide », devient l’institutrice rebelle de Montmartre : « Non / Je ne me marie pas / Je suis libre, ne vous déplaise / Vous / Vous voulez de moi / Une aussi jeune fille que moi / Une offrande, un sacrifice / Non / Je ne me marie pas / Je ne m’enfermerai pas / Avec vous, comme une esclave / Comme votre catin / Non je ne vous aime pas / Jamais ne vous aimerai, jamais, jamais. » Le vent de l’Histoire souffle fort qui gonfle les ailes de Louise, en cette insurrection parisienne qui fit naître La Commune et un fol espoir : « Nous sommes l’aube de la délivrance / Nous arrangeons le temps qui vient / Nous dérangeons l’ordre des signes / Nous inventons nos lendemains ».
La répression, on le sait, fut des plus cruelles. La Vierge rouge ne sera pas fusillée comme le furent nombre de ses camarades : « Oh, je demande ma mise à mort / Faites de moi un nouveau martyr / Une icône en croix / Je demande / L’échafaud d’où l’on salue la foule / Les fusils des soldats de Versailles / Les murs de Paris / Si vous me laissez vivre ma vie / Je ne cesserai de crier vengeance / Je demande la mort. » Elle sera condamnée au bannissement, au bagne, en Nouvelle-Calédonie, où elle épousera d’autres causes encore : « je glane / Les traces de la multitude / Même si vous m’exilez, je grave / Les traces de vos latitudes / Sur mon île / Seule / Sur mon île / Je glane les chants des tribus ».
En nos temps contrariés, sans plus d’idées ni de boussoles, Louise Michel nous est comme un exemple, une référence. Le travail, somptueux, respectueux, de Sylvain Giro, apparaît moins comme la pépite qu’il est que comme une pierre lancée au loin, de ces pierres dont on bâtit les phares.
« Pour vous je n’suis qu’une ombre / Une icône / Un mausolée / Un’ statue de pierre / Une image / Mais je veux être une arme / Une étincelle / Être une arme / Un projectile / Une flamme d’aube nouvelle. » Tout est dit, bien dit. Et chanté.
Le site de Sylvain Giro, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
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