Mathieu Ramage, joyeusetés contrariées
Avoir un tel blase ne peut qu’évoquer La Fontaine, un certain corbeau et le futé Renard. Et vous suggérer un beau bagout. Qu’il a, il va de soi.
Ramage, c’est son vrai nom, Mathieu Ramage. Au tout début de son parcours artistique, sa préhistoire, il fut slameur. Puis s’inséra, il y a presque vingt ans, en divers projets musicaux pour y chanter ses textes, notamment dans la formation rock Fatras, aussi dans des spectacles de rue et au sein de groupes trad’ irlandais. C’est dire l’étendue de ce bonhomme qui, au début de cette décennie, franchit carrément le pas, ajoutant son nom à celui de la chanson, et prépara le disque que voici : des Chansons joyeuses ! Joyeuses, c’est lui qui le dit.
Des chansons toutes à la première personne : l’auteur-chanteur endosse des postures, des situations, des indignations. Allant jusqu’à se prendre pour un dénommé Michel Gainsbourg : « Parce qu j’suis tout pareil / A quelques détails près / J’aime bien cramer l’oseille / Mais j’prends qu’les petits billets / J’me sens provocateur et irrévérencieux / Je fais chier les bonnes sœurs / Les curés et les vieux ». D’une chanson l’autre, l’inspiration, je n’ose dire la plume, est différente : l’humour – un peu -, la gravité ici et là, même la concupiscence. Ce qui lie les titres est cette musique agréable, légère, sympathique, variée.
Chansons joyeuses ? Ne prenons pas ce titre au mot, Ramage fait constants contrepieds. D’ailleurs, ce n’est que le titre d’une des chansons de l’album, chanson qui justement est tout sauf joyeuse, listant à souhait ce qui est chiant, avec pour dérisoire refrain « Moi j’aime les chansons joyeuses / Même si ça ne se voit pas ». La pochette du disque, elle, nous présente Ramage en fêtard triste (on dirait un dessin de feus Alexis ou Gotlib) : rien que la tronche ruine d’emblée l’intitulé. L’effet est désiré, qui se veut fidèle reflet du contenu, mais n’incite pas forcément à aller plus loin. Ce serait dommage, car cet artiste que personne n’attendait est une jolie surprise. Certes pas un pavé dans la chanson, mais une note agréablement dissonante, décalée, qui parfois renoue avec un genre tombé en désuétude, comme ce Soldat anarchiste, un titre parlé/chanté d’une grande beauté, antimilitariste comme il se doit. Et plus encore, ce Anonyme héros, sur les boucheries de la guerre : exemplaire ! Plus classique, mais lui aussi parlé-chanté, ce Jamais tranquille, redoutable texte sur l’état du monde, sur ses responsables : « Votre puissance est / Aujourd’hui fragile / Il est venu le temps / De nos colères ».
Effectivement, malgré leur habile maquillage de notes, les Chansons joyeuses de Mathieu Ramage ne le sont pas : elles n’en ont que plus d’intérêt. Sous les bons mots les maux du monde, ce chanteur trouve les formules pour nous entretenir de ce qui est important. « Désolé pour les adeptes de la légèreté / Si je suis venu pour casser l’ambiance / Le malaise fait partie de mon identité ».
Vous pouvez investir de quoi découvrir de telles chansons « joyeuses » : vous risquez de les adopter, par attrait autant que par nécessité.
Mathieu Ramage, Chansons joyeuses, IDO productions/L’Autre Distribution 2024. Le facebook de Mathieu Ramage, c’est ici.
Commentaires récents