Olivier Brunie « Au 64 »
C’est dans ma rue que t’as planté
Ton cœur épris de liberté
Au 64 en février.
La tête basse, le dos courbé
Comme une angoisse, bien cachée
Comme l’enfance, et nos regrets.
Le temps passe, tout se casse
Mais rien ne s’efface
C’est dans cette rue que j’ai planté
dans ton ventre un joli bébé
Au 64 il y a des années
La tête basse, le dos courbé
L’angoisse de la paternité
L’enfance, barré à jamais
Olivier Brunie
Image d’illustration Album Rire en éclats, 2024
Paroles et Musique Olivier Brunie. Monotitre 2024
Si cette chanson, enregistrée à l’ancienne en studio dans les conditions des concerts, voix et instruments en même temps, nous touche autant, c’est parce qu’elle évoque des souvenirs bien personnels à son auteur, qui ne nous en révèle qu’une partie avec une sincérité que l’on devine profonde, nous laissant la place pour insérer notre propre vécu dans ces émotions fortes. Quoi de plus universel que la sensation de ce temps qui passe, effaçant l’enfant que l’on a été, le souvenir des amours, les regrets, les trahisons, les remords, mais aussi la vie qui se déploie et les bébés qui deviennent des hommes, ou des femmes. La voix qui se casse, elle aussi, imperceptiblement, la guitare douce et légèrement entêtante, achèvent de nous séduire. Écoutez-là aussi en concert à Aix il y a un an.
L’auteur-compositeur du groupe Pike a ressenti un besoin de s’exprimer en solo sur le sens de la vie, de sa vie. Chansons intimes, en guitare voix ou piano voix, ou plus rock, teintées de folk. L’enfance évanouie est comme un trait d’union dans cet album, une blessure que l’on cherche à contenir, à compenser dans un amour parfois décevant.
Nous l’avions découvert avec C’est quoi la vie, qu’il a reprise dans cet album Rires en éclats, sorti en mars, dont le titre, plus rock reflète bien l’esprit général de l’album : ce n’est pas le rire du bonheur ou même de la joie qui s’y exprime, mais bien plutôt la vie qui se brise en morceaux, emportant nos « rêves de gosses » : « la haine de trop s’aimer (…) la vie en lambeaux », Nos promesses sacrées qui ne sont pas tenues. Éclats qui volent dans cette chanson centrale de l’album, un long cri rauque et rock, presque désespéré, touchant : Ça fait longtemps que je cherche qui je suis « Un perdant qui gagne, un gagnant qui s’oublie ».
Les chansons sont interprétées au théâtre de la vie, la musique reflète bien ses hauts et ses bas, avec ce violoncelle triste et ces notes de piano plus légères des Hivers, une des plus mélancoliques et réussies de l’album. La batterie se balance Sous la pluie les avalanches « Je défais mes nuits à l’ombre de vos jours », ou tire à vue sur les aléas de la vie Dans nos yeux, quand les guitares frissonnent ou se taisent, « Quand perdus nos éclats [oui, encore] nos rêves de sublime / Ne restent que nos corps emplis d’un triste vide ». C’est une chanson assez courte et qui pourtant paraît longue, riche de ses variations de sentiments et de sons, tour à tour exacerbés ou discrets, comme l’aveu ultime de cette tristesse. Car « il y a trop de cadavres dans mes tristes refrains », dit celui qui estime « Je ne suis pas un type bien ». Olivier Brunie sait aussi chanter très doucement « Reste un instant de plus », ou évoquer ces Enfants de la lune pour lesquels il écrit ses mots d’une plume légère en arpègeant délicatement sa guitare. On suspend sa respiration pour mieux écouter celui qui finit par s’évanouir Derrière les persiennes dans les volutes d’un accordéon nacré.
Oui, vraiment, « Les chants désespérés sont les chants les plus beaux ». Quand sa poésie finement sculptée se mêle à un folk-rock de bonne facture, nuancé ou puissant, qui évoque parfois Romain Humeau ou Miossec, on en redemande. Un album enregistré avec soin par Bruno Pradels. Olivier Brunie, qui a présenté son album à Aix et à La dame de Canton à Paris, a déjà été repéré aux États-Unis « Raw power and emotional depth », au Québec ou en Espagne… Il vous reste à le découvrir ! À suivre sur sa page facebook.
Commentaires récents