Alain Delon « Laetitia »
Laetitia je ne savais pas
Que tu étais tout pour moi
Un oiseau chantait tout près de moi
Mais je ne l’entendais pas
Et tu vivais innocente, éphémère
Tu habillais nos printemps de chimère
Laetitia je ne savais pas
Que la vie n’est rien sans toi
Alain Delon (8 novembre 1935 – 18 août 2024)
Paroles Jean-Pierre Lang, Musique François de Roubaix. Extrait du Quatre titres BO des Aventuriers, 1967, film de Robert Enrico, d’après le roman de José Giovanni.
Ce film d’aventures paraît bien correspondre au personnage d’Alain Delon : le trésor, le rêve de Laetitia la sculptrice – Joanna Shimkus – , désireuse de restaurer Fort Boyard, lieu à l’abandon dans la vie réelle à l’époque, et qui dans le scénario l’a cachée dans son enfance, juive se dissimulant aux nazis ; les mercenaires, tels des pirates, qui attaquent les aventuriers et dont une balle perdue tuera l’héroïne ; son immersion en tenue de plongée pieds-lourds ; la bagarre finale, la mort du héros Manu joué par Delon, la vengeance de son acolyte Roland joué par Lino Ventura, la musique évocatrice de François de Roubaix, lui-même disparu prématurément en 1975 dans un accident de plongée. On y trouve valeurs viriles, amitié, actions héroïques aux limites (dépassées) de la légalité, sentiment, tendresse et vengeance, et ce lieu emblématique, Fort Boyard, presque le premier personnage du film, enfin la mer, omniprésente.
Comme dans ce premier film qui rendit célèbre Alain Delon, Plein soleil, 1960, où il joue un rôle plus sulfureux, qui marque son personnage. Un caractère de presque voyou, abandonné dans son enfance, mal ou trop aimé, formé à la dure par l’armée en Indochine, ou par le travail de commis charcutier chez son beau-père. Dans les années 60-70, il tourne plus de trois films par an, pas question de tous les citer. Selon les sensibilités, on pensera à Mélodie en sous-sol, Le guépard, La tulipe noire - un vrai succès public, et quant à moi, mon premier film au cinéma, double figure du bien et du mal, et c’est le bien qui gagne, tout le contraire de Plein soleil. Et bien sûr, La piscine, encore très ambivalent, malaisant, comme disent les nouvelles générations. Borsalino, La veuve Couderc, Monsieur Klein…
Quelles que soient les polémiques au sujet de sa personne privée, devenue publique de par sa notoriété, il a marqué le cinéma du XXeme siècle, a été comédien, producteur, collectionneur d’art, et a effleuré la chanson et la poésie, lui consacrant un disque « Mon Victor Hugo », en 1988, qui contrairement à son titre comprenait également du Vigny – s’identifiait-il à ce fauve acculé, « Sa retraite coupée et tous ses chemins pris » qui étrangle le chien le plus hardi, avant de mourir « sans jeter un cri ». Mais aussi Les deux pigeons, de La Fontaine, incitant à l’amour « aux rives prochaines ».
Dans un disque produit au Japon – où son personnage de Samouraï, et pas seulement dans le film du même nom, faisait de lui un héros - « Delon murmure », 1974, il disait ce poème de Verlaine plein de sombres sous-entendus, L’aube à l’envers : « Et si parfois l’on tuait ou buvait / Le fleuve est sourd et le vin est litharge. » Plusieurs disques seront produits au japon, musicaux ou parlés, comme ce Parfum de gitanes où il cite Baudelaire.
La chanson reste épisodique : en 1968, il reprend Les Moulins de mon cœur de Michel Legrand ; en 1973, il répond, en parlant à Dalida, sur ce célèbre Paroles, Paroles ; en 1983, il répond, en français à Shirley Bassey sur Thought I’d Ring You. En 1985 il chante en anglais avec Phyllis Nelson I’dont know pour le générique de Paroles de flic. En 2007, Françoise Hardy enregistre avec lui en chanté parlé le titre poignant Modern Style « La vie est faite de morceaux qui ne se joignent pas ».
En 1987, il inspire à Romano Musumarra, sur la musique de Jean-Marie Moreau, le texte sur mesure de Comme au cinéma « Mise au point sur moi / On a raconté plein d’histoires entre « le Jeune Loup » et « le Guépard » / C’était souvent assez banal, mais ça suffit pour faire du mal / Y a des gros plans des images floues, la vérité, c’est juste en dessous / Qu’est-ce qu’on peut dire d’un homme comme moi? / On dit c’qu’on veut, moi, je changerai pas ». Mais écoutez tout le texte, qui dévoile un véritable besoin d’être aimé. Pour lui-même. S’il avait cédé à son envie de poésie et de chanson, lui l’autodidacte, sa vie, justement, en aurait-elle été changée ?
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