Barjac 2024 : Léo Haag, qui joue debout sur son piano (peut-être un détail pour vous)
Sauvé dans En scène, Festivals
Tags: Barjac 2024, Léo Haag, Nouvelles
30 juillet 2024, Barjac m’en chante, jardin des papotages,
Pieds nus, qui funambule sur un muret, où à quatre pattes sur le piano, à le sentir comme un animal le ferait d’une femelle, à le questionner de ses gestes, le sonder, voir ce qu’il a dans le ventre, à faire le tour de la question.
Il hisse le couvercle du piano comme on le ferait de la grand’voile d’un bateau : promesse d’un départ. Appuie sur une touche, puis une autre, puis encore… tout le clavier. S’essaie, ose la voix. « Toutes les nuits, je braque / N’importe quelle baraque / Vive le travail au black / Pour un salaire oblique ». Joue de son piano comme d’un xylophone, en tirant d’improbables sons, des trucs incongrus, saugrenus : c’est ambiance de catacombes, savant flou, tubes à l’essai. Élémentaire précaution, il étale sa pâte à modeler le son ; plastique comme jamais, le dedans du piano devient conteneur à objets recyclés, composteur de déchets… Singulier, bizarre. Que est donc ce mystérieux pianiste ? Un clown, un agitateur, un de ces éco-terroristes ennemis jurés de Darmanin ? Sans doute pas, encore que : un simple musicien un rien déjanté, au moins par intermittence, ce qui est sans doute pire. Pour le reste… Géo Trouvetou du dedans de son instrument ainsi malmené, MacGyver du dehors, théoricien autant que musicien de son instrument, Léo Haag est le digne héritier de Jean-Paul Farré, illustre déjanté qui, dans les années soixante-dix et les décennies suivantes, terrorisa ses pianos dans les plus pures folies, le burlesque accompli. Je dis ça mais Haag ne le connaît même pas, à croire que toujours la folie se réinvente, que sa permanence est inscrite dans les gènes des sans-gênes du one-piano-show… Haag va d’une inspiration l’autre mais, quand il s’attarde en ce jardin des papes-otages, sur les pédophiles de l’église catholique, ça sonne sévère sous les chasubles : Haag a la dent dure, le verbe aussi raide qu’un sexe de séminariste reniant son vœu de chasteté dans plus impubère que lui.
On n’a pas le temps de digérer ses charges et trouvailles que notre fou pianant-chantant est déjà passé à autre chose, autre dimension : là il tire de son piano tout terrain de déchirants chants de baleines… Oh, je pourrais tenter l’exhaustive liste de tous ses forfaits mais ce serait vain : tentez plutôt de le voir, cet olibrius, retenez votre souffle, optez pour sa diversité florissante, flamboyante : c’est un singe qui s’attelle à l’improbable, gravit devant nous l’Himalaya de rêve ou d’idéal, fait de son pauvre piano le pinacle du fantastique et son spectacle un oasis vers lequel vous reviendrez, voire, vous reviendrez boire : en période de canicule, c’est bienvenu.
La page Léo Haag de Bancamp, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
Le côté déjanté est fort bien saisi à la fois en images et en mots. En roue libre ! J’espère pouvoir assister à cette olibriie un jour !