Michel Boutet : Doisneau autant que Salgado
25 juillet 2024, festival Bonjour les humains, Cabiac,
C’est un humaniste qui, par ses chansons, chronique la vie des petites gens. Boutet, c’est l’anti Stéphane Bern : aucun luxe, aucun faste, aucun artifice, nous sommes dans le mille, dans le vrai, le vif de la vie, autour d’un zinc ou ailleurs, sans méli ni mélo autre que l’implacable destin. Avec seulement l’amour porté aux gens. Et l’humilité du propos. Avec seulement le concours de la poésie.
Là, au festival Bonjour les humains (rien que l’intitulé lui va si bien…) il chante au pied des oliviers. Des oliviers pas plus hauts que lui, aux bras noueux comme lui. Les projecteurs éclairent tout autant les arbres, les oliviers comme les autres, faisant scène presque irréelle où grenouillent et coassent des personnages, tranches de vie de son plat pays à lui, son bas-Poitou. S’il eut été photographe, Boutet aurait pu être Doisneau autant que Salgado, clichés à émulsion sensible, avec ce grain abrasif et doux qui n’appartient qu’à eux. Il n’est que modeste chanteur, dont l’apparition télé à France3 Poitou-Charentes fut jadis grand événement pour ses voisins, et se contente de fixer des regards, des scènes blotties au creux de ses vers, souvent en regardant dans le rétro en des chansons documentaires et, ma foi, non dénuées d’une terrible charge politique.
Comment on vit, comment on s’aime, comment on adopte des gens fût-ce des étrangers, comment on les rejette, comment on perd son boulot, qu’on est soi-même rejetés, comment la bouteille devient sa seule compagne, avant ou après que la sienne se barre… de la petite fille du cinquième ou de l’artilleur de Mayence, de ceux qui, devenus bourrins par la force autant que par la farce des choses, se rendent à la Manouf pour tiss, de ces autres qui se régalent au spectacle du Boulevard du monte-à-regret, petites et bien tristes vies. Boutet chante tout ça, sans se hausser du col, sans d’ailleurs jamais hausser le ton. Comme des ballades, à la manière d’un observateur impliqué et émotif : « On va tellement loin / Quand on va au bout de son chagrin ») C’est ça qu’il nous restitue, avec un timbre qui ne doit rien aux philatélistes.
Il est cette fois accompagné au piano par Jacques Montembault. Et rejoint sur un titre par un autre de sa trempe, Rémo Gary, pour un parcours sans concession de la dernière guerre (« La France n’est pas une bonne santé / Elle n’est pas très résistante ») et de notre Cinquième République, peste brune incluse.
Loin de tout, cerné par la nature, la luxuriante végétation, sous un ciel étoilé, ce concert était comme l’illustration parfaite de la chanson d’aujourd’hui qui, pour exister, prend le maquis, les chemins de contrebande, et fait la nique à ceux qui lui dénient le droit d’encore exister.
Chroniqueur, photographe et philosophe, Boutet est décidément un grand, un très grand bonhomme. Autre genre, mais d’une même veine, l’hôte et ami Jofroi lui succédera demain vendredi.
Le site de Michel Boutet, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
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