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Leila Huïssoud, qui tente d’apaiser les monstres

Leïla Huissoud (photo Benoit Gillardeau)

Leïla Huissoud (photo Benoit Gillardeau)

On s’imagine la pression qu’un artiste, saisi par le succès, peut avoir à mettre en chantier un nouvel album. Quel accueil aura-t-il une fois en bacs, quelle satisfaction, quelle déception… Dire que cet album de Leïla Huissoud, son troisième, était attendu, d’aucuns diront « au tournant », relève du truisme.

Et le voici : surprenant autant que remarquable. Saisissant. Pas joyeux, difficile, douloureux, et c’est rien de le dire, à l’image de cette photo qui tient lieu de pochette. Encore que cette fois-ci, on distingue nettement le visage de la chanteuse, contrairement à ses précédents opus.

« J’ai les hommes paumés dans le cœur / Ceux qui savent n’avoir rien compris / Qui se décalent à l’extérieur /Pour regarder passer la vie »

C’est pas d’l’amour, l’amour est en recherche, il se joue pas aux dés mais à 1,2,3, soleil et c’est pas toujours gagnant. Il y a plein de solitudes dans ces plages, de rencontres qui ne se font pas…

Autre amour, celui-là filial, mais contrarié, déchiré, sourd de douleurs, d’incompréhensions : ça fait une chanson certes belle, Lettre à mon père, mais là n’est sans doute pas le propos, la plus intime d’un disque qui l’est tout entier, des mots qui saignent d’être dits : « mais bordel qu’est-c’que ça fait mal / de voir son héros s’effondrer… »

Par elle, ses affres, ses douleurs, ses doutes, son entourage, sa vie de chanteuse sur les routes : « blasée, blessée, cassée, finie, déjà », Leïla Huissoud raconte. Se raconte ? Sans nullement s’octroyer la part belle, bien au contraire : « Éducation par l’impudeur / Y a pas plus balèze qu’un looser / J’reprendrais bien un p’tit bout d’cœur ».

leilahuissoud_lamaladresse-1000x1000A l’écoute, c’est comme si on lisait un journal intime sans concession, sans pardon, où l’écriture confine parfois à la logorrhée, l’autoflagellation, la scarification, qui explore sans pudeur mais avec une rare honnêteté le dedans de la Huïssoud, celle qui se décrit comme « une déception, déguisée en fille » (une mâle adresse pour oser le jeu de mot ?).

Treize chansons, autant de confessions, en un chanté-parlé bouleversant d’honnêteté, douloureuse introspection d’une jeune femme face à elle et à l’adresse de son public : « J’espère que cette heure aura apaisé les monstres ».

Incroyable texte que cette chanson-titre où Leïla se questionne sur son statut et rôle de chanteuse face à nous, laissant « apparaître / enfin, décrit au plus net / mon intérieur de carcasse / une collocation sans terrasse ». C’est puissant, comme un cri venu de l’intérieur : ça nous laisse pantois, sans voix. Impressionnant.

Sur le cul après une telle écoute, nous avons envie de repasser la bande son, replay, ne serait-ce que pour l’épauler, l’accompagner, la consoler, en se disant, si on ne le savait pas encore, que Leïla Huïssoud est décidément une grande et belle dame en son art.

 

Leïla Huissoud, La Maladresse, French Flair 2024. Le site de Leïla Huissoud, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là.

 

« La Maladresse » : Image de prévisualisation YouTube

« Lettre aux paumés » : Image de prévisualisation YouTube

Une réponse à Leila Huïssoud, qui tente d’apaiser les monstres

  1. Catherine Laugier 20 juin 2024 à 20 h 51 min

    Il y a tellement de choses dans cet album… Ça déborde en tout cas, une lettre à tous les paumés, un aveu d’impuissance, un lâcher prise dans toute sa crudité, un espoir quand même, mais si ténu que ça fait peur. La chanson sur la femme, « Déguisée en fille », m’a fait penser au cri de révolte de Barbara Weldens.
    Quand on dit d’une chanson qu’elle vous met une claque… Le terme est souvent bien injustifié. Là, ce n’est pas une, mais treize claques que l’on reçoit et l’on en sort bien secoué… Avec l’envie de lui tendre la main pour la sortir du fond…
    Parce qu’en même temps c’est magnifique, inégalable…

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