Chloé Lacan, Thibaud Defever, ce soir on vous emmène au cinéma
25 mai 2024, Venelles, MJC Allain Leprest à l’Étincelle, « Happy ends »
Nous avions vu Chloé Lacan dans ses expériences d’émotions de femme libre, en solitaire ou en Ménage à trois ; reprenant Marilyn et ses Diamonds, et d’autres standards anglo-saxons ; se confrontant à Laurent Madiot dans un Attentat à la pudeur à la hauteur de la folie d’Higelin, dans une soirée où elle s’improvisait choriste, danseuse ; ou déroulant un parcours parallèle à l’indomptée Nina Simone… Des performances qui nous la montraient autant comédienne que chanteuse.
Nous avons rencontré Thibaud Defever très souvent en duo ou collaboration, avec Gérard Morel, Anne Sylvestre et toute l’équipe pour déjà rendre hommage à Riffard, l’acteur chanteur ; avec Sophie Forte pour une presque romance ; avec Sylvain Berthe le rossignol ; avec Anne Sylvestre, où leurs deux répertoires se faisaient écho ; virtuellement avec la voix de Marie-Hélène Picard, sa partenaire de Presque Oui, moment bouleversant ; rejoint par Wally dans sa veine poétique ; avec le Well Quartet où il nous emportait dans des tragédies cinématographiques…
Mais ensemble, l’extravertie et le faux calme, point, si ce n’est des rencontres ponctuelles. C’est un projet éphémère, un moment autour du cinéma, en plein air, que leur propose en 2019 le Festival Chanson et mots d’Amou, qui va les rapprocher. En composant ce programme, ils se trouvent des points de rencontre, des émotions, une mémoire communes, et le film s’échappe des films, comme s’il voulait écrire de nouvelles histoires. Le one shot se fait Happy ends, se perpétue en salles obscures et en décor de lumière, comme une conversation à deux qui fait remonter les souvenirs, les leurs comme ceux du Public. Car le cinéma, tout comme la chanson, ce court-métrage si évocateur, est un puissant remède contre l’oubli. Qui ne se souvient pas des conditions dans lesquelles il a vu tel ou tel film, avec qui, les réflexions, les sensations et surtout les émotions qu’il lui a fait remonter.
Du Parrain « Parla piu piano » de Coppola avec l’inoubliable musique de Nino Rota, au Cabaret de Bob Fosse en passant par Peau d’Âne de Demy, de La couleur pourpre de Spielberg à Cría Cuervos de Saura, nos deux artistes revisitent le cinéma d’auteur comme les films les plus mémorables du cinéma, de la France à l’Italie ou l’Espagne, de l’Angleterre à l’Amérique, rebondissant d’une image à une autre. Du grave au léger, ensemble ou séparément, de la fantaisie à la fantasmagorie, c’est à la fois une histoire voyageuse du cinéma dans toutes ses époques, et un nouveau scénario. Thibaud est sobre à la guitare, et Chloé est clairement la diva, vocalisant sur les Demoiselles de Rochefort, scatant sur les airs de jazz ou portant fièrement son accordéon. Des extraits de musique, des phrases culte, des lumières suffisent à planter le décor, qui s’imprime sans peine à nos yeux, soulevant le virtuel rideau cramoisi… Saluons la mise en scène de Nicolas Ducron, un des Fouteurs de joie !
La pluie, thème récurrent au cinéma, se balade sur les amoureux de Peau d’âne, ou les enfants du Paradis qui se superposent à La chanson d’Hélène, tandis que toute la pluie tombe… « Rain drops keep fallin’on my head », que l’on imagine plus dans une comédie musicale romantique que dans le western Butch Cassidy et le kid.
L’humour s’invite avec une parodie du Mépris, « tu les aimes mes pieds… » avalanche de questions qui provoque le « tu m’emmerdes » de Gabin à Suzanne Flon dans Un singe en hiver. C’est comme un quiz où il nous faut tester notre culture du 7eme art ! D’ailleurs, Thibaud nous le fera ce quiz, avec quelques accords de guitare pour reconnaître un thème, de Borsalino à Starwars en passant par Furyo. D’ailleurs Amarcord ne veut-il pas dire « Je me souviens » ? (Encore Rota…). Autre page d’humour grinçant avec « Allo tu m’entends » écrit par Béart, chanté dans le Week-end de Godard par Jean-Pierre Léaud, film apocalyptique féroce et drôle, détourné en sketch hilarant.
Moments forts du spectacle, la douce Manhã de Carnaval d’Orpheu Negro, la virevoltante Small town boy de 120 battements par minute « Runaway, turnaway… » ou le hold-up d’À bout de souffle de Nougaro sur un air de Dave Brubeck, tout un film dans une chanson, titrée en référence au film de Godard. Chanté sans pathos par Chloé, juste souligné au plus près par la guitare de Thibaud. Pourtant si fort. Trois minutes, une vie, les derniers mots, chuchotés. Le silence du public, saisi, avant les applaudissements.
Ou encore le Porque te vas, chanté en fusion, en suspens sur quelques pincements de corde et un sifflement d’accordéon. Du grand art.
Et gardés pour l’apothéose des rappels, le bouleversant Somewhere (There’s a place for us) de West Side Story, presque a cappella sur les pincements de l’ukulele-banjo de Chloé, la touchante Heureux qui comme Ulysse « On vivra bien contents / Mon cheval, ma Camargue et moi » où Chloé fait le chœur des sirènes pour Thibaud, ou le bien-nommé Tourbillon de la vie chanté débranché, a cappella et ponctué de percussions corporelles et de boules de kashaka.
Une nouvelle copie de leur (septième) art, entre tendresse, humour et poésie, notre bande originale idéale.
Le site de Thibaud Defever, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là. Le site de Chloé Lacan, ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là.
Pas encore de vidéo de ce spectacle, voici le générique de sa source, au Festival Chansons et mots d’Amou (Final, 2019)
En attendant une vidéo du spectacle, pour nous consoler une chanson de Chloé Lacan, « La pêche au bonheur », avec Thibaud Defever en 2018
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