Clarika : entrez dans la danse !
Quand l’écoute d’un disque et votre lecture du moment se croisent, se heurtent, s’interpellent… Je lis Entrez dans la danse, de Jean Teulé, où « beaucoup se mirent à danser, beaucoup sont morts ». Et voici à mes oreilles Claire Keszei, notre Clarika, elle-aussi en danse, en transe, en transcendance, dans sa robe couleur du temps qui ne semble pas tirée de Peau d’âne : « Et si demain tout est fini / j’m’en fous ce soir je suis en vie / Je suis en vie / Et j’parle aux étoiles / Et je leur dis / On va s’en sortir. »
La danse et la mort sont omniprésentes dans ce nouvel album (son neuvième), un joyau soit-dit en passant, du pur Clarika. Comme une célébration, une incantation, l’énergie du désespoir : quand, malgré le chaos du monde, on a envie d’y croire malgré tout. Un disque grave, couleur du temps, aux musiques paradoxalement légères, souvent festives, riantes.
Les textes ne sont pas fortuits, ne viennent pas de nulle part. La mort plane sur l’inspiration de la chanteuse. Manquer à quelqu’un quelque part, Ferme les yeux et Souviens-toi d’après en sont des exemples remarqués autant que remarquables parmi d’autres titres tout aussi forts.
Isadora se rapporte à Isadora Duncan, la danseuse aux mille vies, qui n’est pas rien dans la création de la danse contemporaine, morte stupidement étranglée par son foulard pris dans une roue de sa voiture : une icône dans la famille de Clarika…
Des joyaux, il y en a d’autres en ce collier. Cette adresse, violente et sans regret, à la clope (Adieu salope), cette lutte sans merci contre l’addiction.
Cette évocation du 17 octobre 1961 (Ce jour-là) où le pouvoir, sous les ordres du préfet de police Papon, massacra des français-algériens pacifistes à Paris
Ce Rhabillez-moi qui certes n’arrivera pas à rhabiller Gréco (c’est néanmoins un clin d’œil de Clarika à la grande Juliette), mais diffuse un érotisme à l’envers : le fait de ne pas montrer, ne pas dévoiler, est autre et plus puissant mystère encore. En tant que telle, ce titre de Clarika est tout aussi attirant…
Ce disque est du pur Clarika, comme s’il n’existait des mots et des notes que pour elle, que par elle. Une mélancolie dont elle seule sait se vêtir. Une voix qui charrie l’émotion par toute sa gamme, ses intonations. Cette fois-ci, pour la première fois, Clarika a tout fait, paroles et musique (sauf Fred Pallem et JJ Nyssem qui collaborent sur chacun un titre) : responsable de l’entièreté du projet et d’une intonation, d’une énergie, d’un positivisme qui tente de ruiner la sale ambiance du moment.
Dans sa proche tournée, signalons que Clarika sera la tête d’affiche du Festival Jean-Ferrat, à la mi-juillet à Antraigues-sur-Volane, dans une soirée partagée avec Cyril Mokaiesh. Elle sera le 26 novembre à La Cigale, à Paris.
Clarika, Danse encore, At(h)ome 2024. Le site de Clarika, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là.
« Manquer à quelqu’un quelque part » :
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