Mademoiselle Martine : chants du vivant
C’est un grand mystère qui nous arrive en la personne d’une inconnue (qui se cache sous le nom bien anodin de Mademoiselle Martine) et d’un album non physique intriguant, je n’ose dire passionnant mais je n’en pense pas moins.
Nous tairons la vraie identité de cette demoiselle : elle œuvre simplement à sa manière dans un métier en périphérie de la chanson, elle promeut. A notre tour de promouvoir ce très bel album, expression d’une passion, d’une créativité (et pour tout dire d’un franc talent) longtemps tues : il fallait que ça sorte et, modestement, certes en catimini mais excitée comme une puce, la dame s’expose mesurant déjà des retours enthousiastes.
« C’est ma ligne de vie que j’écris pas à pas. Je compose des chants, des papillons de chants, qui naissent de ma vie, qui naissent de mon sang. Des mots que je trace, des poèmes, pétris, nourris de terre, d’air, de pierres et de vent, de fleurs sauvages et de plumes, de douleurs noires, de douces lunes, de souvenirs puissants, de joies illuminées, de rythmes en cascades, du temps qui passe ou qui est. Tout se transforme, tout se mélange pour donner vie à des sons, des histoires, des images, des silences, des respirations, des chants du vivant. »
Avec grâce, Mademoiselle Martine se veut « souffleuse de mots », égrenant des histoires et des voix de femmes, « moments de vie précieux » ou « récits imaginaires ». Pas tant que ça d’ailleurs, car tous convoquent le souvenir de femmes qui toujours hantent sa mémoire. Cadre serré ou plans larges, voici une galerie de portraits. L’encre du stylo ou du stylet devait être sensible, à la pointe acérée pour découper si finement les mots, les rimes, ajustés comme une mécanique de précision à la diction, au chuchotement, au chant souvent éthéré. La poésie est de tous les instants qui infuse et ma foi fait son effet encore longtemps après l’écoute. D’autant qu’elle se fait l’écho d’une actualité sombre faite de calamités, climatiques ou guerrières, et d’autres toutes aussi tragiques : migration, féminicides et autre sujets prenants, prégnants. Et, souligne le dossier de presse : « les textes imagés rendent le réel onirique, nous plongent dans un univers fantastique et un imaginaire sensoriel coloré, où douceur et brutalité se côtoient et s’entremêlent, où le temps est élargi ». Les musiques de Martine mêlent l’électro et synthé pop, mais ce n’est pas un dogme : en fait, tout est liberté, se permettant même un titre a cappella sur un tambour solitaire… On tombe sous le charme pour bien moins que ça.
Quitte à faire un album, un seul, autant le faire bien. Très bien même et mieux encore. Aborder cet album offre tellement de pistes qu’il nous est impossible de toutes les explorer ici. Ainsi, « créant une version agrandie et mutante d’elle-même », ce travail croisé avec l’imaginaire de l’illustratrice Chantal Caraman qui offre d’autres perspectives, plus de lumière encore, à chacun des seize titres (on voit quelques exemples par les vidéos ci-dessous). C’est ce que notre demoiselle nomme ses compagnonnages, joli terme pour désigner le travail, la confidence avec chacun des autres artistes associés à ce projet : les compositeurs et musiciens Alexandre Hetzel et Antoine Lahay.
Ainsi cet acte, pas si fréquent, d’engagement : les gains générés par huit des titres « seront reversés à des associations pour soutenir leurs actions tournées vers les femmes, le droit de disposer de sa vie, le respect des droits humains, le protection animale. »
Mademoiselle Martine, Le Temps du féminin, 2024. Disponible sur les plateformes de streaming. Le site de Mademoiselle Martine, c’est ici. Pour se procurer l’album, c’est sur bandcamp.
Commentaires récents