Tom Poisson en Trio, autour de Jean-Michel
23 mars 2024, Aix-en-Provence, le Petit-Duc,
Au Petit-Duc, on avait assisté en 2023 aux prémices de ce spectacle annonce d’un nouvel album, en équilibre entre instruments acoustiques, rythmes organiques et discrets arrangements électroniques, mélodique et dynamique, par la sensibilité attentive de Denis Piednoir, à la réalisation, aussi à l’aise à la guitare qu’au clavier, avec la fraîcheur inspirée d’Alice Chiaverini aux percussions et clavier.
On ne change pas un trio gagnant qui avait tout de suite trouvé son harmonie efficace. Contact immédiat avec le public, qui participe aux chœurs, dès le deuxième titre, Je cours, du précédent album de Tom, Se passer des Visages. Et lorsqu’ils chantent « Je vole à me briser les ailes », on les entend vraiment se dissoudre dans les airs, ces ailes.
Le concert a encore été peaufiné dans les moindres détails, des micros rajoutés au micro vintage central qui crée cette ambiance folk-électro chaleureuse. Des guitares qui se changent discrètement, de la boîte à cigare à l’électrique en passant par cette Kay caisse creuse au son boisé des années 60. Rythmé par de riches percussions, des pads aux tambourins et aux grelots en passant par la planche à laver…
Un concert de Tom Poisson est à la fois voyage dans les airs, sur les routes et les flots, on s’y envole avec les oiseaux ou galope avec les chevaux, entre vraies balades mais plus encore dans les émotions qu’elles irriguent : « Tout se met à tanguer / J’suis pas un oiseau rare / Il faut tout recommencer ». On entre dans l’intimité de Jean-Michel, son vrai prénom, pour ce voyage en train dont il prétend ne pas se souvenir, tout en se remémorant chaque sensation, chaque impression, chaque couleur, chaque détail, au son mélodieux du piano. Une des plus émouvantes de son répertoire, où il évoque sa mère Françoise récemment disparue. Le nouvel album devait s’appeler Les nouveaux dinosaures, du nom de cette chanson très inquiète, annonçant à sa fille la fin d’un monde « un peu trop tard pour voir venir ». Finalement, il répond au prénom de son propriétaire, dans toutes ses dimensions, homme, fils qui vient de perdre son phare, père, humain et artiste inquiet, nageant en eaux troubles, poisson décidé à remonter le courant. Et c’est ce qui nous rend tellement concernés par ce spectacle.
Émaillé d’anecdotes et de sourires (l’on n’échappera pas à la minute de charme italien avec le Sarà perché ti amo qui fait danser et oublier les aléas de la vie), le concert cache sa mélancolie dans l’entrain de ses musiques, de ses chœurs, dans la tendresse et l’amour de la vie qui émane de ce trio. Même lorsqu’il dénonce une triste actualité, dans ce constat implacable sur nos temps modernes qu’est Y’ a du bruit, c’est toujours avec une énergie (du désespoir ?) et malgré tout, des questions toujours ouvertes : « Je ne m’entends même plus réfléchir (…) Est-ce qu’on peut ralentir (…) Est-ce qu’on peut éviter le pire (…) Est-ce qu’on peut revenir ». Un désir de redonner du temps au temps, d’abandonner les mauvaises émotions, de surmonter [S]a peur, de bâtir (La glaise entre les mains).
Un juste mélange entre quelques chansons du récent album Se passer des visages, que nous avions heureusement découvertes avant sa sortie pendant la pandémie, avec notamment la si poignante Trois bleus de plus, de bien plus anciennes à redécouvrir ( Elisabeth Martin, une chanson vieille de 20 ans, ou cette très ancienne, réclamée par plusieurs de ses fidèles, qui déjà parlait de la vacuité des carrières actuelles, alors que, comme le disait Voltaire, il faut cultiver notre jardin : « Et depuis je vis à la campagne / Je suis jardinier ») ou devenues des incontournables (l’empathique Mon ami sans voix).
Et une moitié du nouvel album, chansons déjà testées au précédent concert (Rester dans tes bras ou partir à la guerre, revisitée en chœurs si doux, rythmes organiques, finissant a cappella), ou à mes oreilles de toutes nouvelles.
Comme ce Trop grand imaginaire, si originalement écrite, donnant bon goût à la vie : « Menthol / bi-goût / fraise tagada » cet Éphémère du Mandala, vrai hymne à la beauté et à l’amour : « J’aspire à l’inutile beauté (…) pour affronter l’in-amitié du monde rentable / Je veux aimer », même dans l’impuissance « Silencieux face à l’ineffable (…) J’ai inventé une langue à moi / Où l’on ne parle presque pas ».
Et puis une inédite, un « tout petit bébé », qui parle de rose aux genoux…
La page Facebook de Tom Poisson, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là. Et son site, ici.
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