Eskelina et Galim : calme et tempête
Festival Enchant’Emoi, 23 mars 2024, salle des tilleuls à Viricelles,
Un festival fait rien que de nanas, disions-nous. En tout cas en soirée, pas sur la scène ouverte du samedi après-midi. Avec la prestation de deux des piliers de ce festival, sans qui Viricelles ne serait pas tout à fait ce qu’il est : Jean-Claude Marotte et sa pogne ferme qui tourne la manivelle de son limonaire (de Bruant à Renaud, c’est toujours agréable de réentendre quelques fondamentaux de la chanson) et Michel Pib’s Pabiou, connu comme photographe, « amateur » aime-t-il préciser, chanteur de surcroît. « De qualité » aimons-nous préciser à notre tour. Pabiou enregistre en ce moment un album : on a hâte, sachant par avance autant que par intuition que ce sera du bon boulot.
Le choc de cette scène ouverte est incontestablement Piotki qui d’emblée vous saisit, vous capte, vous envoûte. Par les modulations de sa voix, son timbre, ses narrations. Ce lyonnais qu’on dirait un jeune homme (il l’est moins que ça) s’impose sans mal. Lui mérite toutes les programmations du monde, si possible sur d’enviables scènes.
Eskelina s’est installée dans les sillons de notre chanson depuis vingt ans, même si son parcours professionnel (jalonné de trois albums) débuta un peu plus tard. Elle prépare un quatrième disque où elle recouvrera sa langue d’origine : le suédois. Son art est dentelle, douces balades folk-song qui déroulent sous nos yeux, à nos oreilles, des paysages français (la traversée de la Beauce), étasuniens et suédois : de grands espaces où flânent des sentiments, « l’infiniment petit en dedans, l’infiniment grand en dehors ». Pas de notes plus hautes que d’autres, si ce ne sont de doux frissonnements d’émotion, de la suggestion et, plus surprenant, quelques crépitements : ceux du colt de Calamity Jane. Des mots parfois d’innocence même si la lecture est à double détente : « Je sais bien que j’étais trop petite / Mais mon désir, lui / Ne le savait pas… »
C’est un duo où le compagnon de scène, Philippe Desbois (guitares, basse, violon et mandoline), est comme chevalier servant, au total service d’une Eskelina enchanteresse, à l’âme si légère, libre comme l’air. Un set poétique, presque contemplatif. Une balade, « juste prendre la route sans savoir où aller », où la chanteuse se permet même de retrouver Yves Simon en des trains express pour nulle part.
Galim est toute autre affaire, autre fonction sociale et politique de la chanson. Nous sommes dans l’affirmation, la revendication. Dans la « grande gueule », celle qui l’ouvre quand besoin est, comme une sœur évidente de Flow ou de Melissmell, une descendante de Magny ou de Ribeiro. Moins que quiconque, vous ne l’entendrez en vos radios télés : la bienséance médiatique nous l’interdirait. Et pourtant, ça ferait du bien au peuple.
Galim est en soi un monument, assez impressionnant. Un peu Attila, sauf que là où elle chante l’herbe repousse toutefois (je le dis pour rassurer les potentiels organisateurs). Sa chanson n’est qu’un cri, tragique et beau, à la marge. Ses vérités comme ses doutes sont plus authentiques que nos renoncements.
Un seul reproche je dois avouer : en autosuffisance (pas le moindre musicien, pour des raisons économiques je suppose), Galim doit tout faire. Lancer ses samples, régler ses micros, les ajuster, tout en chantant. Et ces gesticulations troublent l’attention du spectateur, gênent le bon déroulement du récital. Quand rien ne vient altérer son chant, c’est réel bonheur. Et singulière efficacité. Tiens, quand elle reprend Les Mains d’or du sieur Lavilliers par exemple : j’ai eu l’impression que c’était même supérieur à l’original. Et cette Tendresse chère à Bourvil…
Ah, je rêve de la voir, l’entendre, servie par les musiciens (rock) que ses chansons méritent (le jour où elle se produira sur la grande scène de L’Huma ?). Car Galim est une sacré femme, grande artiste : son chant est certes un appel au combat, c’est surtout une ode à la vie. Dit comme ça, elle est indispensable.
Le site d’Eskelina, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là.
Le site de Galim, c’est là ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est ici.
Eskelina « La Maison de Bernes » :
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