Christian Stalla, 1936-2024
Que reste-t-il de Christian Stalla ?, hommage par Jean Humenry.
Me voici au bord d’une falaise
Au bord d’un vide immense
En haut le ciel et ce vent froid qui m’enveloppe
En bas l’océan et les roches qui le bordent
Au fond de moi les braises d’un feu à s’éteindre.
Au fond de ma mémoire, la première fois que j’ai vu Christian et son sourire accueillant.
La Contrescarpe m’a fait un clin d’œil. Guidé par Bernard Haillant, j’en tombais immédiatement amoureux même si je la trompais chaque soir avec la Butte Montmartre, pour aller la retrouver passionnément après minuit.
J’allais vivre enfin cette vie de Bohême qui me faisait rêver et dont le nid chaleureux se trouvait rue Mouffetard.
Christian s’activait avec sa compagne Karine dans son Cabaret d’Art et d’Essai.
L’hiver était sur Paris et la neige aussi, le Rémois Daniel Laloux traînait sa joyeuse folie, membre pour un temps du groupe Gong, le chanteur Germinal croisait les Enfants Terribles ; les américains avaient débarqué chez Arlette Reinerg avec leurs guitares 12 cordes. Graeme Allwright, qui m’avait auparavant conduit vers Woody Guthrie, avait laissé des traces.
J’étais au cœur de la création et Christian allait vite devenir avec ses dix ans d’avance sur moi mon guide et mon ami.
Nous avons beaucoup partagé et il m’a beaucoup apporté.
Son élégance et son humour, sa créativité et sa générosité étaient une bombe d’énergie.
J’ai voyagé à l’arrière de sa “deuche” à côté de sa guitare et parfois de Karine pour le suivre dans le Nord ou le Vercors.
En 1982 il me confia la réalisation et la direction de son album 33 tours dont je confiais les arrangements à mon fidèle compagnons guitariste Jack Ada.
Y figuraient les titres : Les Vacances en octobre, Le Club de vacances, La Belle et son caddie, Le Satyre du bois de Boulogne (dont il me confia le rôle), Le Temps qu’il me reste pour chanter, C’est une chanson, Je suis passé à la radio, Blanche-Neige et les sept nains (il me confia le rôle des nains), La Femme à la moto et 1936.
Humoriste sérieux et engagé, il m’avait régalé.
Par la suite, nous allions souvent correspondre par lettres, longues conversations téléphoniques. Il m’ouvrit la porte de L’Harmattan, me confiant à Anne Audigier puis m’invitant à publier dans sa « collection Cabaret ».
Christian ! j’entends encore le sourire de ta voix, ton trente-trois tours et devant moi et je vais remettre en route une platine pour le numériser et le partager.
Garde-toi là où tu es s’il se trouve un Au-Delà, ce que j’espère.
Et là… Brassens dont tu habitais la maison à Sète est en joyeuse conversation avec toi.
Festival de Dieulefit, en 1983 :
« Au cabaret de Christian Stalla » :
Christian Stalla, avec Jessica Doré, médiatrice culturelle à Sète a créé à Sète il y a une dizaine d’années un Festival estival dénommé Chansons et Toiles qui se déroule en plein air sur l’escalier de la Macaronade, sous l’office de Tourisme, tous les soirs pendant une quinzaine de jours, et qui réunit une exposition artistique en intérieur, salle de la Macaronade, et divers spectacles poésie, variétés, chansons dans la tradition du Cabaret Rive Gauche. Le Festival a fêté ses dix ans en 2022. Frantz Wouillot, son actuel directeur (ainsi que de la Collection Cabaret) précise qu’il aura lieu en 2024 à partir du 30 août, nul doute qu’il lui sera particulièrement dédié avec la deuxième partie de l’exposition de ses toiles « L’Eros Circus » et un concert spécial, des habitués et de nouveaux talents. Le 29 juin sortira à l’Harmattan sa biographie avec un concert de ses chansons.
Je suis bouleversé.
Très bel hommage de Jean Humenry.
Une fois encore, une fois de plus, la mémoire de la Chanson rétrécit. Très grand connaisseur, grand transmetteur, lui-même auteur, compositeur et interprète dès 1959, délicat et passionné, il était d’une planète humaine telle un cabaret où la poésie s’écoutait et se buvait comme une évidence.
Pierre Schuller a écrit sur mon livre « Georges Moustaki », sorti en octobre dernier dans la collection Cabaret : « Quand un ami de 20 ans, Didier Agid, vous fait envoyer par son éditeur, Christian Stalla, autre ami de 20 ans, son dernier livre préfacé par Joel Favreau lui aussi ami de 20 ans, la moindre des corrections c’est de vous signaler son ouvrage ! D’autant plus qu’il est excellent, agréable à lire et qu’il m’a appris beaucoup de choses sur le métèque qui n’aurait pu venir en France si la loi Darmanin sur l’immigration rejetée hier avait été en vigueur en 1947. Ne vous en privez pas !! »
Magnifique hommage ! Merci, Jean.
En octobre, en voiture, alors que je conduisais, il me parlait de ses projets et aussi de souvenirs de scène… et tout à coup, il me dit: « tu te rends compte, la chance que j’ai ! Quelle belle vie j’ai ! Et quelle vie extraordinaire, j’ai eu ! J’ai pu faire le métier que j’adorais. voyager, rencontrer plein de gens formidables. Je suis tellement heureux ! Quel bonheur ! »
C’était magnifique, bouleversant ! J’étais tellement émue !
Y a-t-il de plus beau cadeau que cela ? Je sentais son amour, son bonheur et son immense reconnaissance envers la vie.
Maintenant, il me faut vivre sans lui…
Et même si je suis ces derniers jours comme un ciel de printemps, entre soleil et pluie, ne t’inquiète pas Papa, tu m’as montré le chemin. Merci.
Un peintre, un musicien et assurément un homme aux bons messages de vie, philosophe, discret et toujours à l’écoute. Ce fut une belle rencontre.