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Piris et Rouxin : vive les femmes !

Hélène Piris (photos Michel Pib's Pabiou)

Hélène Piris (photo Michel Pib’s Pabiou)

Festival Enchant’Émoi, 21 mars 2024, salle des tilleuls à Viricelles,

 

Co-plateau féminin sur la scène de Viricelles pour cette première soirée festivalière. Deux nanas, deux univers, deux chansons qui jamais ne se croisent, portent des préoccupations fort éloignées les unes des autres.

Ci-devant Hélène Piris (une performance pour elle de maîtriser un tel set, qui plus est avec brio, alors qu’elle est sévèrement grippée) et une chanson brut de forme, sans ambages ni fioritures, un truc rentre-dedans qui remue le couteau dans le play, étalant nos vies par tout ce qu’on aime cacher en temps normal : un peu le portrait-robot des temps présents, de nos vies pas glorieuses, de nos petitesses, nos lâchetés, nos renoncements, de cette société impitoyable et pitoyable qui s’abat sur nos ébats : « Bordel, mais on va s’en sortir / On va arrêter de creuser des trous / De plus en plus profonds ! » Des chansons comme des coups de gueule et d’indignation, articles écrits au vitriol, pas léchés, loin de toute prosodie. Ce qu’ici perd la poésie, l’efficacité le gagne : longtemps après son set, on se rappelle des chansons d’Hélène, du pire de Piris, des bombinettes qu’elle fait exploser avec, ma foi, rare jubilation. Elle est impayable, le paradoxe veut qu’on la paye pour ça.

Des chansons en noir et blanc, sans demi-teinte, comme des tracts vite imprimés et nerveusement distribués, sous le manteau. Sauf deux titres, tirés de son répertoire d’avant (dont cette intime et sensible évocation des Montagnes de l’Atlas) d’une toute autre plume, en pleins et en déliés, quand bien même c’est aussi la sienne.

Une chanson engluée dans la marasme, qui certes ne nous fait pas voyager, qui n’explore que ce monde désolant, mais c’est une des fonctions de la chanson qu’Hélène Piris réhabilite avec efficacité et humour, l’humour faisant alors office d’utile lubrifiant. Piris est une lanceuse-chanteuse d’alerte. Elle, c’est sûr quand ne risque pas de l’inviter dans la petite lucarne.

 

Marion Rouxin (photo Michel Pib's Pabiou)

Marion Rouxin (photo Michel Pib’s Pabiou)

Avec Marion Rouxin, c’est autre chose, une toute autre chanson, autre manière de l’envisager, de combiner paroles, musiques, interprétation et présence sur scène. Autre manière d’investir (avec Marion on dira « envahir ») la scène, faire de celle, modeste, de Viricelles comme le plus luxueux des music-halls, un grand cabaret, une superproduction. Plus qu’un récital, Rouxin fait show, avec la parfaite complicité de son acolyte Edouard Leys, ce dernier allant d’un clavier l’autre sans repos ni répit. Ça a d’la chair, du jus, du relief, de la profondeur. Ça virevolte.

A la focale un peu étriquée de sa consœur Piris, Rouxin oppose des panoramiques, paysages, rivière, océan (et météo marine de rigueur) et, plus vastes encore, les émotions, l’empathie, l’amour même. Et la rondeur de sa voix, de ses rimes délicatement ouvragées. De ses attentes, de ses désirs « peau contre peau ». C’est à elle seule un cœur battant ; je dis à elle seule bien que sur scène elle soit démultipliée ou alors je ne comprends pas cette débauche de talent et d’énergie. Chanteuse et danseuse, ce qu’elle a toujours été, elle pulse, percussionne de son corps, alterne gravité et fantaisie. On entre en elle, faisant corps avec ses attentes, sa solitude, son désespoir : « Je laisse passer les heures / Je laisse passer les brumes / Qui s’accrochent à mon cœur / Et puis toujours je fume… » Il y a de ces moments, plus que ça même, où le chant de Rouxin confine au géant. D’autres où il vous prend comme le ferait un hymne, et vous de vibrer, de marcher, d’espérer avec elle, à l’unisson : « Allons tout droit / Sans un virage / Sans jamais regarder derrière… » Et nous y allons, résolument dans la beauté. Bravo, merci Marion !

 

Nous reviendrons ultérieurement sur les deux autres dames du lendemain, là aussi autres esthétiques, autres orientations de cet art : Eskelina et Galim. Deux histoires elles aussi pavées de chansons.

 

Le site d’Hélène Piris, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là.

Le facebook de Marion Rouxin, c’est là ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est ici.

 

Hélène Piris « Collapso sa mère » : Image de prévisualisation YouTube

Marion Rouxin « La Rivière » : Image de prévisualisation YouTube

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