Sahler mais bonne mine
Reconnaissons qu’il est grande discrétion. Et que cette discrétion n’a d’égal que son talent. Lui, c’est Antoine Sahler et c’est déjà tout un monde. Ce touche-à-tout est tant auteur (il a écrit notamment pour Maurane, Juliette Gréco, Juliette, Sophie Forte et Lucrèce Sassella), compositeur (notamment de théâtre), interprète, arrangeur que producteur. Il est aussi, et ce n’est pas négligeable, ami de longue date de François Morel (définitivement unis par un même trac un soir de concert de la diva Juliette), ce dernier n’hésitant pas à le nommer tant qu’il peut dans ses chroniques sur la radio publique. L’idée de qualité dont vous affublez Morel, vous pouvez l’associer tout pareillement à Sahler : tout ce qui s’assemble se ressemble. C’est le quatrième album d’Antoine Sahler, quitte à faire sous son label à lui : Le Furieux (où, excusez du peu, on retrouve des Ivan Tirtiaux, Wladimir Anselme, François Puyalto, Armelle Dumoulin, Christian Paccoud…) : les choix de Sahler ne tiennent pas du hasard.
Le hasard, justement : telle est la chanson-titre de cette nouvelle galette. Un titre autant qu’une occurrence récurrente, tant que dans les paroles sur la pochette (eh oui, il vous faut le CD : on ne peut vraiment apprécier un album en ligne, sans l’objet, les paroles transcrites, les annotations ! ), le mot « le hasard », quelque soit la chanson, y est toujours imprimé en gras : ça ne peut tenir du hasard ou de la fantaisie du typographe.
Donc ce hasard, qui parfois fait bien les choses : là il y est question du jour où les yeux de madame ont rencontré les siens. Ailleurs il s’agit du parfait agencement de mots définitifs. Plus loin, une chanson faite d’une seule affirmation : « Le hasard me rassure / je ne sais pas pourquoi le hasard me rassure au fur et à mesure ».
On dit de Sahler qu’il s’emmerdait tant à HEC qu’il y écrivit ses premières chansons pour tromper l’ennui (gloire à l’École des Hautes Études Commerciales qui peut nous procurer de tels chanteurs, pourquoi donc les autres ne font-ils pas HEC en lieu et place de la Star’Ac’ ?). Le voici modestement, humblement, à la tête de son petit commerce de chansons, à nous régaler de ses nouvelles et modestes créations.
On le sait grand amateur du Souchon à qui, sur cet opus, il rend singulier et distingué hommage : « T’avais r’marqué qu’Alain Souchon ça rime avec les chansons t’avais r’marqué que Lahn Bihoué ça rime avec les regrets et que les chansons sans Alain ça rime avec rien du tout ». C’est certes exagéré mais si Salher le pense… Sahler aime la délicatesse, qu’il pratique, les choses inutiles, futiles. Et sait lui-aussi chanter la fragilité : rien que sa voix l’est, dans un entre deux entre masculinité et féminité.
Comme précédemment nous sommes dans une épure de la chanson, dans une forme insolite de poésie aussi. Tout est raccord entre cette voix qui la joue intimiste et les instruments qui se font minimalistes. On peut se laisser bercer par les mélodies, à un moment les mots nous agrippent et nous emmènent dans leur logique, nous faisant « remonter le passé du fond d’une tasse de thé » ou « gagner ton sourire les heures perdues au petit bonheur la chance ». C’est rien que du joli.
Antoine Sahler, Le Hasard, Le Furieux 2023. Le facebook d’Antoine Sahler, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
Tout en délicatesse et sans fioriture