Alcaz, à deux c’est mieux
17 février 2024, Aix-en-Provence, Le Petit-Duc
Ils se sont rencontrés il y a maintenant vingt-deux ans, elle la marseillaise, comédienne chanteuse tendance jazz, plasticienne, qui a laissé ce nom de scène un peu difficile à écrire, Vyviann, pour revenir à Viviane Cayol, lui le rockeur parisien qui arborait frange et cheveux aux épaules dans les années 70, puis maquillage à la Guidoni dix ans plus tard, en solo ou en… Transfo. À Marseille sur des airs de guitare et une chanson de Vyvian, La vie va, un vrai tube qui les accompagne toujours, dans un duo fusionnel ou qui se renvoie la balle. Que croyez-vous qu’il arriva ? Malgré la relative inquiétude qu’exprime la chanson, « Qu’avons nous vu de nos deux vies / Si ce n’est nos ans qui s’en vont », ils ont partagé depuis la même vie à la ville et sur scène, se promenant de Marseille à Montréal (leur deuxième port d’attache), Toronto, Saint-Pierre et Miquelon et en Europe de Sarrebruck (ils y ont enregistré live tout un album en 2006) à Genève, de Charleroi à Spa…
Six albums ensemble, dont un consacré aux chansons de Brassens, et Là sous la lune ou Portés par les vents (du nom de leur dernier album de 2018), toujours tous deux à nous offrir leur chanson folk, un peu trad, un peu jazz, mâtinée d’accents exotiques, intime ou engagée, mélancolique ou dansante. Avec deux jeunes musiciens de la région, le multi-intrumentiste Lucas Mannarino et Théo Grodzanic plutôt branché électro, ils se font des sessions de trois jours entre les concerts pour enregistrer des chansons spontanées et sincères qui vont bientôt donner un nouvel album « Aux anges etc… ». Il y en a déjà plus qu’il n’en faut…
Nous les retrouvons ce soir dans leur configuration de scène préférée, juchés sur leurs hauts tabourets, comme au café dans un décor chaleureux, avec leurs guitares, et pour Viviane petit tambourin frotté au pinceau et mélodica. Il n’y manque ni la robe ethnique pour elle, ni le chapeau de paille pour lui. Le décor est constitué de bandes peintes par une spectatrice en direct lors d’un concert, carillons asiatiques et petites tables agréablement garnies, sans compter les pads électro. Tout en douce atmosphère, en contraste entre la voix claire de Viviane et le cri rocailleux de Jean-Yves. ils nous content la genèse de leurs chansons, celle écrite au Québec, la tendresse gouailleuse de T’es mon bijou. Ce sont tous les avatars de l’amour qu’ils nous chantent, le départ, Et zou mêlé du Ne me quitte pas de Brel, La non demande en mariage de Brassens traitée de façon humoristique, la sensualité du C’est extra de Ferré, où c’est Jean-Yves qui joue la tendresse.
Et puis la poésie qui surgit, « La lumière de dehors ne pèse pas bien lourd / Dans le silence passé de nos illusions qui saignent », sur des guitares délicates qui pleurent, une toute nouvelle chanson écrite pendant le confinement, qui laisse présager le meilleur pour le nouvel album.
Puis de l’humour avec la caricature d’un jeune couple marseillais, ou le tube Marseille la nuit. Et leur contraire, cette chanson tragiquement mise en scène, sur les enfants dans les guerres, qui a déjà dix ans, Il neige au centre ville, sur des guitares grinçantes, avec le chant hondo, poignant de Jean-Yves, et la plainte douce de Viviane. L’art d’actualiser des chansons anciennes qui semblent écrites d’hier, telle L’humanité qui nous demande de faire la paix d’abord à deux avant de refaire le monde. Pour pouvoir se regarder Les yeux dans les yeux, et « vivre sur le même bateau ivre ». Puiser sa force dans la beauté et la poésie, « comme des enfants d’ Apollinaire (…) On re-sautera la barrière… ensemble ».
Le site d’Alcaz, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’eux, c’est là. Prochain concert à Saillans le samedi 9 mars 2024, autres dates sur leur site.
Enregistré sur la chaîne web du Petit Duc par Eric Hadzinikitas.
« Les yeux dans les yeux » Clip 2017
« Ma ville la nuit » (version 2013 très jazz de « Marseille la nuit » pour l’expo Marseille Rêve)
S’il y a un conseil, et un très bon !, c’est de ne pas louper un concert d’Alcaz : émotion garantie, présence sur scène, d’excellents musiciens, des voix et quelles voix ! Ils sont deux mais on croirait qu’ils sont dix, tellement ils remplissent les salles de leur présence. Je les ai vus et revus, et encore revus… avec toujours autant de plaisir. Un régal !