Le Cabaret du Grand Toxique voyage en Provence
9 février 2024, Aix-en-Provence, Les Arcades, Restaurant et Café concert associatif « Aix’Qui »
En février, après son passage en solo à Palette non loin de la Sainte-Victoire, Nicolas Bacchus nous a invités au Cabaret du Grand Toxique qui prenait ses quartiers d’hiver à Aix (avant de filer sur Barjols), avec deux « régionaux de l’étape », Maurad Mancer et Masdau (Richard Daumas) qui ne sont pas invités par hasard. Ils ont tous les deux été très proches de Claude Astier à qui ce spectacle continue à rendre hommage aussi bien en Région Parisienne qu’un peu partout en France (invitez-les), rendant toujours vivant le Glaucastier, comme le chante Masdau. Lui qui avait fait l’éloge funèbre d’Astier avant sa mort, en un anthume osé que son destinataire a certainement apprécié. Mais si le Cabaret du Grand Toxique a été créé à Paris, accueillant la crème comme le poivre des artistes de 2006 à 2015 au Connétable, c’est un peu un retour aux sources puisque Astier a longtemps vécu à Marseille, où il a même été prof d’Espagnol, tournant ensuite dix ans de 1975 à 1985 avec son spectacle « Astier et le Glaucoscope » à Marseille, Paris ou Genève avant de se convertir à l’artisanat, puis de revenir à la chanson dix ans plus tard avec ceux qu’il avait baptisés « Les frères Sakarine ».
Venus de la région parisienne, nous avons retrouvé les deux indispensables du Cabaret, la reine de la fête Dominique Mac Avoy, compagne de Claude Astier, et Thomasi, alias David Burgos qu’Astier décrivait « à la fois tendre, sensuel et un peu cynique ».
Masdau lance « le souffle d’immortalité » avant que Dominique Mac Avoy ne nous donne une leçon de macrobiotique. Cette dernière joue parfaitement son rôle de charmante dame indigne et imperturbable, capable du pire (« Où s’en vont les cacas perdus » avec l’accent Birkin), comme du plus subtil ( a cappella, avec cette voix toujours bien posée, ce Bonjour cousine attendri sur le temps qui passe, « cramponnée au jardin de notre enfance »).
Chacun présente le suivant par la plume inspirée de Claude Astier qui a dépeint tous nos artistes parmi les nombreux qui sont passés par le Cabaret, faisant dire à Maurad Mancer « Circulez, y a rien à dire. Faites pas chier, je chante en français, pas en finnois. Et le reste ne vous regarde pas. »
Commençant par Les gens sont devenus oufs, chanson-titre du troisième album de 2003, avant qu’il ne passe à une de ses premières chansons personnelles, Une vie s’entête, qui cache sa dérision sous la douceur « Moi j’ai tout compris / Maintenant c’est vous qui cotisez ». Plus tard il nous fera le cadeau d’une autre de ses premières chansons qui se joue des syllabes avec l’aisance d’un Boby Lapointe, Germaine, et sa moralité « Mieux vaut se passer du passé / Plutôt que d’en trépasser / Même pour une mort alitée ». Cet amoureux des mots pour la dernière inclura des allusions aux poèmes de Rimbaud, Verlaine ou Brel dans un exercice virtuose.
Bacchus est, lui, aux dires d’Astier, « un livreur de pizzas qui slalome entre les merdes de chiens sur les trottoirs de nos convenances », et nous le prouvera en se foutant de [nos] avis sur sa vie en usant et abusant des fausses rimes. Le public fera les chœurs sur son Pénélope, hop, autre exercice à rimes attendues mais détournées permettant à un public non vacciné de suivre sans gêne ce poème osé volé (pas par lui !) au talentueux chansonnier Paul Adam. Tout cela en parfaite cohérence avec les invitations lubriques de Dominique MacAvoy à son Tarzan, une chanson qu’elle interprétait avec Claude sur les Vicissitudes de l’amour, ou des difficultés amoureuses du couple à l’âge de la retraite.
Tout l’art de la soirée étant dans les virages à 180 °, Thomasi alterne avec la tendresse d’Hôtel Chopin, a cappella, chanson de pure poésie sensuelle : « La chambre est tapissée de rouge / Un grand lit tendu de satin / Où des ombres violettes bougent. (…) Tu es venue à moi / Si blonde dans la foule / J’entends mon cœur qui bat / Qui bat comme la houle », parce que c’est ça aussi Astier. Une chanson qui va si bien à Thomasi, lui qui a fait un hommage à sa belle avec beaucoup de rimes en U, cet exercice poétique que l’on nomme le blason, Chanson pour ton cul. Mot glorieux s’il en fut quand on le traite avec dignité… et amour. « Un peu de Prévert, un peu de Renoir, et un peu de Doisneau », le définissait d’ailleurs Astier.
Masdau, lui, préfère souvent le côté déglingue d’Astier, avec ses personnages sortis d’un coin de rue sombre, Rocky Gambetta ou Dji Dji le Maboul, mais il ne peut rivaliser avec Bacchus dans la provocation lorsque celui-ci reprend la chanson du Zoophile, parodie de Comme ils disent. Heureusement les Cartes postales d’Astier, en sketches humoristiques bien observés, avaient détendu l’atmosphère !
Une fois de plus, le Cabaret s’est réuni autour de ses invités de styles, d’âges différents dans une apparente désorganisation, finalement très efficace entre humour déjanté et provocateur, satire de la société, tendresse et amitié. Tout au long de la soirée auront alterné des chansons de Claude Astier dont l’esprit ne semble guère vouloir s’éteindre, et celles, personnelles, des artistes présents, qui y répondent par quelques mystérieuses correspondances. Le public ne s’y est pas trompé qui rit, chante, applaudit à tout rompre les cinq artistes qui se succèdent sur la scène à deux ou trois en un savant manège, aller, retour, présentation, trois p’tits tours et puis reviens !
Le compte facebook des Amis de Claude Astier, c’est ici. Le nouveau et très beau site de Claude Astier, là. Ce que NosEnchanteurs a déjà dit de Claude Astier. De Dominique Mac Avoy. De Nicolas Bacchus. De Masdau. De Maurad Mancer. De Thomasi.
Dominique Mac Avoy, « Cousine »
Maurad Mancer, « Une vie s’entête » extrait
Maurad Mancer, « Germaine »
Thomasi, Une des « Cartes postales »
Morceaux choisis du spectacle à Aix
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