Bernard Ascal, 1943-2024
Saloperie de crabe !
Comment dire, comment écrire, comment décrire Bernard Ascal, même si, à quelques occasions, j’ai déjà eu à le faire ? Le décrire, oui : un feu follet, un hurluberlu, un zébulon ! Sinon ? Un touche-à-tout de génie. Peintre, auteur, nouvelliste, parolier, compositeur, musicien, historien et anthologiste tant de poésie que de chanson… Je l’imagine aussi bricoleur et cuisinier, tant que j’aurai aimé manger à sa table, découvrir des goûts nouveaux, savourer des mets incroyables. Ça et je ne sais quoi encore. Mais je ne le connais vraiment que dans l’amitié et la chanson, deux domaines où ce diable d’homme excellait tout autant.
Je l’ai connu par son travail de dingue chez le label EPM, comme directeur de collection où il succéda de fait à Marc Robine. A conjuguer poésie et chanson sur tous les tons. Oui, c’est ça : Ascal était un conjugueur, sachant sur le bout des doigts, le bout des signes, toutes les tables du conjugaison de tous les groupes. Conjuguer poésie et béton ? Pas de problème : il nous fit un disque de chansons de Le Corbusier ! Quand vous êtes coupable de ça, vous êtes capable de tout ! Il est l’interprète de nombreux textes de poètes de la négritude, Aimé Césaire en premier lieu (trois CD tout de même !). Il a chanté Abdellatif Laâbi, Philippe Soupault, Pablo Picasso, nombre de poètes francophones, des surréalistes… Et consacré quatre albums à Pierre Mac Orlan, dont un sur ses écrits de guerre.
Il est auteur d’une œuvre qui cultive l’absurde comme d’autres font pousser des salades dans leur carré de jardin. Qui conjugue le non-sens et la prémonition de l’illusoire bon sens. Il est un de ces fous-dingues qui se jouent des situations et des mots. Des sons tout autant, où l’improvisation était toujours à portée d’instruments…
Difficile de résumer Bernard Ascal en cinq cent mots quand tout un bouquin et cinq auteurs n’ont pas réussi à faire tout le tour du propriétaire (« Bernard Ascal, Sortie de piste », Éditions du Petit Véhicule, 2015). Analyser son œuvre requiérerait l’expertise de tas de spécialistes. En peinture, en écriture, en musiques improvisées, en tout, pour tout.
J’ai connu Bernard en vendant tout un week-end avec lui des disques au Village du livre de la Fête de l’Huma. L’amitié nous a happé, agripé. Il meurt au moment où, après des turbulences dues à la santé économique chancelante du disque, EPM et moi (avec ma collègue et complice Catherine) reprenons le fil de la Collection NosEnchanteurs qui, certes différente, est un peu le prolongement du travail de Bernard Ascal, qui lui même s’est inscrit à la suite de celui de Marc Robine. L’histoire continue. Je suis content, honoré, d’avoir connu m’sieur Ascal, d’avoir devisé et surtout blagué avec lui, et, à ma manière, de poursuivre son petit commerce de chansons.
Tous les disques de Bernard Ascal sont disponibles au catalogue EPM. Le site, très complet, de Bernard Ascal ; ce que NosEnchanteurs en a déjà dit.
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