Davy Kilembé, pour aguerrir nos âmes
Vous avez beau être de grandes personnes, Kilembé vous chante de cette voix, belle et accentuée, avec laquelle il doit lire des histoires aux petits enfants : doucement, précieusement, que des mots et des portées attentionnés. Comme une séduction innée, faite depuis toujours pour séduire, pacifier, cajoler. Même sans musique, son timbre est mélodie. Mais, justement, il y a la musique, que l’ami Kilembé aime rythmée, secouée : ça remue plus encore les mots, les projette, comme il le fait sur la pochette du CD, en une photo magique, un état autre.
D’un disque l’autre (c’est son sixième ; le précédent, Chansons d’amour et de colère, fut Coup de cœur de l’Académie du disque Charles-Cros), Davy Kilembé fait œuvre continue, cohérente, brossant des situations, peignant des gens, les décoiffant parfois. Avec cette humanité qui est sa plus grande qualité, son socle, sa raison sociale. Sans rien perdre aux reliefs de ses propos, ses vers d’élégance pouvant se faire redoutables estocs quand il fouille, malgré l’odeur, Dans les entrailles de Perpignan, où « il y a des hyènes à l’affût » : quasiment un hymne de résistance contre ce parti à l’oriflamme qui gangrène tant cette ville que l’ensemble du pays. Un très beau titre pour galvaniser les manifs à venir, celles d’avant : après il sera trop tard.
Espagnol par maman, Zaïrois par papa, ce Catalan nourri tant de Brassens que de Marley est non une curiosité de la chanson mais une de ses plus pertinentes expressions, où mots et musiques sont aussi décontractés que finement calibrés. Kilembé est homme raffiné, au joli vocabulaire (écoutez L’Eau de l’Agly et ainsi goûtez l’amour à vau-l’eau…) quand bien même il n’est puisé que dans Le Langage des gens d’en bas. Ceci dit, même en Homme infâme, ce diable d’individu a l’art et la manière de choisir ses mots, pour le coup dans un réjouissant corpus de pure goujaterie : réjouissant ! Fresques sociales, chansons d’amour et de combat, les titres de Kilembé et « cette musique universelle pour aguerrir ton âme » sont à l’exacte dimension de nos vies modestes mais résolues. Écoutez un de ses albums, ou les six d’un coup, allez le voir en concert, c’est comme prendre un remontant aux essences naturelles. C’est dire si on vous le recommande.
Davy Kilembé, Le Langage des gens d’en bas, La Pagaie/InOuïe Distribution 2024. Le facebook de Davy Kilembé, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
Les intermèdes parlés donnent un esprit tout particulier à cet album, le rythment, le lient, en font une œuvre, l’opera des gens d’en-bas…