Missonne, le goût des sons
Manufacture Chanson, Paris, 7 février 2024
Oh, qu’est-ce donc qui fait qu’après concert l’on aimerait lui faire un sauvage câlin ou encore lui raconter notre dernier repas de famille ? C’est que Missonne excelle dans l’art de nous matérialiser rien qu’avec le pouvoir du son les choses très quotidiennes, très humainement ordinaires de tous les jours – un apéro, un secret, un merci, l’odeur de la mer… sans pour autant leur ôter tout sel ni piquant. Et ça, ce n’est pas ordinaire.
Pour dérouler cette Bobine de vie, son nouvel album tout juste paru, Missonne est revenue en terre connue, à la Manu où elle avait pu y mitonner Panique attentionnée (2015), ce premier album où certaines de nos fêlures, mais surtout la cécité, passaient déjà dans des ambiances jazzy à la casserole « avec beaucoup d’humour et de culot » et un style inimitable de l’imitation.
Et ce soir, salle comble, le jazz — dans son sens étymologique, liveliness — est là ! C’est un charme clair et chantant, élégant et tourbillonnant comme du film musical ; une voix qui rigole cristalline façon princesse Disney ; une mélodie bossa nova de dimanche alenti… où roulent soudain un petit ricanement cartoonesque, le staccato comique d’une syllabe, un intermède lounge cosmique – des sons qui « explosent de tous côtés » et viennent tapisser comme un vin notre gosier, le pavillon de nos oreilles. C’est à la fois familier (un plouf dans l’eau) et détonnant (avez-vous déjà senti l’odeur âcre-turquoise de l’eau javel-piscine en concert ?). Bref, la vie la vraie, amplifiée en technisonore !
Avec Missonne, pas besoin de monter le son, juste d’y prêter attention. « Quand on parle, on fait de la musique », nous assure-t-elle d’ailleurs dans une sensibilité toute OuliLapointienne. Ô inénarrable et délectable Écoute chérie — une vieille inédite du live — avec laquelle vous ne pourrez plus jamais prononcer une phrase anodine sans en sentir le potentiel chantant ! Il y en a d’autres de ces pépites, comme Il jubile où sérieuse elle arrive en chute chromatique à nous faire sourire (« Tout aaaallaiiit bien ! ») ou des totalement inédites – (Le monde est un) Débordement, Trouver sa place - et d’autres que le public des habitués anticipe (l’osée Les non-dits, les loufoques Sons du futur).
« Ce qui se passe vraiment, ce que nous vivons, le reste, tout le reste, où est-il ? » critiquait George Pérec dans L’infra-ordinaire. Eh bien le voilà qui sonne — dingdong ! — à nos oreilles, dans un rire, un sourire et même une petite larmichette. Merci Missonne !
Missonne, Bobine de vie, Gemini Records, février 2024. La page Facebook de Missonne, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là.
Double naissance pour Missonne : celle-ci attendant un heureux événement, c’est en septembre que reprendront ses dates de concert.
« Il jubile » en concert au Théâtre de Pierre, avril 2023
« Les non-dits » en concert au Théâtre de Pierre, avril 2023
Commentaires récents