Juliette, l’ABC du concert parfait

Avoir l’immense talent de Juliette… (photos Ghislain Debailleul)

Bruxelles, le W:Halll, 18 janvier 2024,

Sur la scène se dresse l’esquisse d’un chapiteau, tout en cordes, guirlandes et voiles. Un dispositif simple d’apparence, qui resplendira de lumières tout au long du spectacle. Beau et poétique. En parfait accord avec les autres composantes du concert qui nous attend.

Celle qui va fouler les planches ce soir, c’est la grande Juliette, venue nous présenter son nouveau spectacle bâti autour de son dernier album, Chansons de là où l’œil se pose. Un publicitaire, aussi lucide que fainéant, pourrait présenter l’artiste comme « le gage d’une soirée réussie ». Et il aurait raison, le Séguela d’occase ! Un concert de Juliette, c’est l’assurance de vivre mille émotions l’espace de deux heures, allant du rire franc à la larme retenue. C’est ressentir l’agréable impression de sortir de la salle plus intelligent que lorsqu’on y est entré. C’est côtoyer quelques instants un de ces monstres du music-hall qui en font la légende.

Pour obtenir ce résultat magique, ce n’est pas très compliqué, suivez le guide.

D’abord, entourez-vous de quatre musiciens d’exception. Par exemple, le fidèle Franck Steckar aux percussions, à la trompette, à l’accordéon et aux interventions loufoques, le soufflant Philippe Brohet aux cuivres de toutes sortes, l’impressionnant Bruno Grare au vibraphone et au soubassophone, et l’impassible Christophe Devillers à la contrebasse et au trombone. Avec un pareil équipage, vous voilà paré pour faire naviguer le public dans les plus belles eaux musicales. L’orchestre sera en effet à même de s’abandonner à l’emphase de la Madonne des clébards, de s’adonner aux rythmes d’un boléro pour Dans le marc de café, de virevolter en souplesse avec la Deux chevaux ou d’accompagner en retenue l’émotion de La perruque ou d’Une petite robe noire… Ces gens-là sont capables de tout et surtout du meilleur !

Dans cet écrin musical, glissez une voix avec du répondant, capable d’un chant tout en puissance comme d’un murmure confidentiel. Point question ici d’une chanteuse atone à la tessiture limitée ! Idéalement, ce chant virtuose devra se doubler d’un talent d’interprète hors pair, chaque chanson faisant également appel à l’art de la comédie. Jouer en outre du piano, quelquefois en solo, sera un atout apprécié.

La mise en scène permettant à l’artiste de s’entretenir avec l’assemblée pour lui révéler quelques confidences ou le prendre à témoin de la bêtise des musiciens (qui sont parfois si jouettes), un minimum de bagout sera attendu. Sachez doser vos effets, sans hésiter toutefois à y aller franco par moments, pour le plus grand plaisir de tous.

Enfin, la chanteuse-comédienne devra être attentive à la qualité de son répertoire, une telle somme de talents réunis ne pouvant se satisfaire de chansons médiocres. Les textes seront donc écrits d’une plume alerte. Ils feront appel à un vocabulaire recherché et n’hésiteront pas à miser sur l’intelligence du public en faisant usage d’un second degré de bon aloi. Le sujet traité dans la chanson pourra par moments avoir moins d’importance que la forme et l’esprit. Il sera dès lors permis d’aborder des thèmes aussi essentiels que la difficulté de faire entrer une couette dans sa housse, le port de bésicles chez les chanteuses du XXIème siècle ou la haine des poivrons…

Si reprises de chansons de confrères il doit y avoir, le même degré d’exigence sera de rigueur. Chanter Lames de Jean Guidoni et rendre ainsi hommage à son parolier Pierre Philippe sera chose estimable. De même, le Regarde bien, petit de Jacques Brel, que l’on veillera à sublimer par une orchestration à vous arracher le cœur, donnera un magnifique final avant les rappels. Achever définitivement la prestation par le titre Après le théâtre d’Anne Sylvestre ne pourra qu’enclencher applaudissements émus et reconnaissants.

Vous voyez, c’est en définitive fort simple de réussir une soirée. Ce qui est plus difficile (et fort rare), c’est d’avoir l’immense talent de Juliette.

Le site de Juliette, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là.

« Le seigneur des mouches » : 

« La madone des clébards » :