François Bréant, bel arrangeur, grand témoin
« J’avais très tôt compris le potentiel érotique du piano et je me disais que plaire aux filles, quand on est nul en sport et qu’on fait plus jeune que son âge, n’était pas simple, et que jouer du piano pourrait m’aider. Alors, musique… » Tel est François Bréant, le musicien. Il est comme dans ce souvenir d’adolescence : nature, honnête, coquin, conquérant. Et sait drôlement bien le raconter.
Tout, dans ce livre, donne envie. Et d’emblée la couverture, que l’on doit à la dessinatrice Florence Cestac (grand prix de la ville d’Angoulême en 2000) qui, même pour Bréant, n’a pas abandonné son art du gros nez. Rien que, sur ce visuel-là, vous en prenez plein la gueule !
Qui eut dit qu’un arrangeur, compositeur et claviériste eut autant de talent d’écriture. Car narrer ses souvenirs est une chose, le faire avec tant de brio en est une autre.
Bien sûr, les lavilliéristes retiendront de François Bréant qu’il fut un des acteurs prédominants de la dream team du Stéphanois : les souvenirs abondent, de la première rencontre avec le groupe Némo (infructueuse, Némo n’est alors pas dispo) jusqu’à la séparation en 1983. De 15e Round à État d’urgence : ça nous vaut quarante-cinq pages entre toutes savoureuses, où il nous narre cette collaboration de ouf, cette énergie à nulle autre pareille qui participa à définitivement installer Lavilliers au sommet d’une chanson régénérée, inventive, audacieuse, au-delà du sens commun.
Bréant a, à l’évidence, une mémoire phénoménale et sait planter le décor, vous mettre dans l’ambiance, faire de vous le spectateur de sa narration. Même les dialogues sont restitués avec une précision telle qu’on pourrait les croire enregistrés. Tout est naturel, évident. Et souvent drôle !
Mais Bréant a eu une vie avant Lavilliers : Manu Dibango, le groupe Cruciférius, le collectif Kapak (avec Tison, Arroyo et Albert Marcoeur : une sorte de labo musical), une pleine année étasunienne puis la création de Némo. Et une vie après : Enzo Enzo, Kent, Jean-Pierre Mader, des tas de collaborations, des albums solo, des périples africains… Il nous raconte tout.
Au fil des pages, on trouve Gilles Dreu, Michel Fugain, Allain Leprest (oh, ce joli et passionné chapitre !), Susheela Raman… Bréant vous décrit par le menu une séance de pub avec ses personnages tous bien campés dans leur statut et rôle respectifs, le déroulé, les négociations : ce ne sont pas les anecdotes, souvent savoureuses, qui manquent.
Au fil chronologique de ses souvenirs, de cette autobiographie, François Bréant nous parle aussi de son métier, de comment celui-ci a évolué au fil du temps, de qui décide, qui organise : c’est toute la profession qu’il ausculte de son stylo-scalpel. Rien n’y échappe et ce diable de claviériste n’hésite pas à dire le fond de sa pensée, tant que ces 450 pages sont instructives bien au-delà du seul cas de Bréant et de ses acolytes du moment.
Bonne idée aussi d’avoir imprimé, presque sur chaque chronique, le QR code qui vous ramène à la chanson ou le morceau correspondant : ça rend le livre encore plus interactif qu’il l’est déjà.
Cent cinquante-trois chroniques font de cet ouvrage un livre impressionnant, définitivement pas comme les autres.
François Bréant, L’Arrangeur arrangé, Éditions Maïa 2023, 448 pages, 29 euros. En commerce et sur le site des éditions Maïa.
François Bréant « Poursuite sur le périphérique Nord » :
Bernard Lavilliers « QHS » (compositeur : François Bréant) :
Cet homme délicieux est de ceux qui sont attentifs aux projets des artistes.Il n’est pas de ces « arrangeurs-dérangeurs » qui avaient tôt fait en des temps anciens où les budgets n’étaient pas serrés de « prendre » tout ce qu’ils pouvaient au passage.
J’ai des noms pour les avoir subis.
François est de la famille des Lajudie et et autres Paganotti.
Salut l’artiste !