Adonis, un premier et savoureux album
Dans la mythologie grecque, il est l’amant d’Aphrodite. Dans la chanson, c’est un chanteur béninois, d’expression française, qui vient de sortir un premier album des plus intéressant. Nous ne le connaissons pas, laissons-lui donc le soin de se présenter : « Je m’appelle Adonis Megnizoun, j’ai trente-cinq ans, je viens du Bénin et j’ai toujours rêvé de devenir un grand artiste comme Charles Aznavour… L’histoire du Bar Occidental démarre dans les années 2010, à Cotonou où je m’étais fait une jolie petite renommée locale. Je jouais alors souvent dans un petit cabaret, véritable carrefour du monde en Afrique. On y croisait béninois, expatriés français, quelques américains, indiens, chinois, hommes, femmes tous réunis dans un même lieu, à la poursuite inavouée du bonheur… Sans le savoir, je venais déjà de découvrir mon univers musical. Pour qu’il prenne corps, il va me falloir quelques années faites du départ de mon pays, de vie à Paris, de rêves, aussi de belles rencontres : entre autres, Esthen Dehut (mon arrangeur) et Aurélie Cabrel (mon éditrice) du label Baboo Music à Astaffort ».
Après une collecte participative sur Ulule, l’album est sorti. Un bel album, vraiment, nourri des passions et désillusions de ce jeune Adonis quittant son pays pour aller, comme d’autres à la conquête de Paname.
Ce qui séduit d’emblée, c’est la voix, chaude et langoureuse. Et les textes, d’une écriture élégante, fluide. C’est lui qui écrit et compose. On se doute un peu que ce qu’il écrit est inspiré par son vécu, comme ce titre sur Les Papiers, où il tente de rassurer sa maman sur la proche obtention de ses papiers, mais la chanson déchante… Le p’tit black du Bar occidental, la chanson-titre, c’est aussi lui : de son lieu d’observation, il scrute ces blancs qui boivent des blondes, console aussi une jeune femme fraîchement larguée.
Ce sont tranches de vie, impliquées : du vécu. Adonis est comme l’arbre qui veut retrouver ses racines : il n’est que la chaise faite de son bois, qui de plus n’aime pas les faux-culs. Tout est dit avec décontraction, musique douce, exotique et dansante souvent. S’il parle d’amour, c’est en position d’Ex : « Ex, aie le réflexe / De jouer le bon perdant / Ne t’arrache pas les dents… »
Chacun des dix titres est enviable, chaque fois une somme de sentiments, parfois de mélancolies, même le regret de ne plus être enfant, attendant de nous qu’on lui lance des cerfs-volants, qu’on lui chante des airs d’antan. Tout est touchant en son chant, tous est palpable : pas difficile d’entrer en sa poésie, suffit de se laisser aller, de l’accompagner : il est une part de nous, à découvrir pour nous le monde avec un regard neuf, régénéré. « Désolé, moi je veux juste / Danser / Juste un peu bouger / Toucher le soleil / Je suis un oiseau, je ne sais pas pleurer ». Difficile d’élire en cet album un titre plus qu’un d’autre, mais écouter L’Étincelle est un ravissement : « Celle qui m’a donné le sel / La vie / L’étincelle qui m’a montré le ciel / La nuit / Celle qui fut mademoiselle / Jadis / La pucelle, ma vierge Marie / Ave ! ». Une pépite, vraiment ! Comme Les Oiseaux d’Abidjan, comme… En fait, prenez le disque en son entier : vous aurez là le premier album indispensable de votre début d’année !
Adonis, Le Bar occidental, Francofone Music/ Baboo Music 2023. Le facebook d’Adonis, c’est ici. En concert à La Comédie Nation, à Paris, les 16 janvier et 14 février 2024.
Ce jeune homme est vraiment bien parti : chansons très attachantes, bien écrites et voix haut perchée d’une grande douceur. A suivre de très près.