Arthur de la Taille, les particules de la vie
Nous l’avions rencontré avec son premier album Ministère des Ondes, un album coup de cœur de l’Académie Charles Cros, mélancolique et joyeux à la fois, saisissant les émotions de sa plume délicate « Pourquoi les anges nous jettent des pierres ?» . Il nous l’annonçait, « Alors je plonge dans la vie, j’la prends à bras le corps / Je cherche mon paradis, à la vie à la mort ».
Renouant avec son passé de musicien amoureux du jazz, des musiques latines et de chanson, le voici de retour avec cette Transe Paradis, un douze titres ensoleillant la nostalgie dès le premier titre éponyme : Gardez « Les mêmes jours les mêmes rires / Les mêmes heures les mêmes soleils », et « Dansez chantez entrez dans la transe ». Arthur de la Taille nous fait voyager dans l’univers de sa vie, de nos vies, avec un humour qui ne parvient pas toujours à cacher une certaine mélancolie. La vie, c’est ce mélange d’événements heureux et d’interrogations, cette tendresse qu’on recherche, ce souci du temps qui passe et après lequel on court, les instants anxieux, ceux où l’on danse, ceux où l’on se pose des questions.
La couleur des musiques, arrangées tout à tour par Raphaël Perrein ou Loïc Le Guillanton, varie de la ballade chaloupée, latino, de Velours, qui vous accompagne contre « Les vautours qui tournent autour » de ses réconfortants mots d’amour doux, au jazz désabusé de « Comme disait Jacques Brel vivre c’est mauvais pour la santé », faisant le tour de toutes les injonctions contradictoires qui nous angoissent et nous empêchent de vivre ; virant même en dissonance urgente avec cette Poésie délaissée, déchirée, « humanité abandonnée / Aux 4 coins du monde la peur est entrée dans la ronde / A nos cerveaux décérébrés à nos extrêmes policées » comme une supplique, et sa seule solution, « Un jour jour jour qu’une seule arme l‘amour l’amour l’amour / J’vois pas d’autres recours ». Passe par la pop électro du Cœur à la fête, consolation écrite pendant le confinement, ou d’À nos horizons qui mêle le blanc et le noir, « Nous ne sommes que du vent que des poussières de lune / Des fils de l’atmosphère en galère sur les dunes ».
C’est bien toutes les étapes de la vie qu’il nous conte, de l’amour pour une compagne (Ma nana) qui, telle la môme de Ferrat, vous fait mener une vie extraordinaire avec des goûts, somme toutes, ordinaires, ces petites choses de la vie qui vous accompagnent, « Extraordinaire la vie simple ordinaire », même si « Elle s’est bel et bien envolée la fille de l’air », aux joies de la paternité : Lola’s song est comme une berceuse ouverte à un avenir plein de rêves, « Je vois Lola ton petit monde magique / Qui vient fâner mes fleurs mélancoliques », petit chef d’œuvre de tendresse sur le bruit des vagues, la voix d’une petite enfant, les notes de guitares et de cristallines touches de kalimba, et ce conseil « Va ton chemin c’est sûr il t’appartient / Et n’oublie pas qu’on reste des indiens ».
Jusqu’à cette angoisse du temps qui passe, du temps qui reste, mise en chiffres, un peu comme l’ont fait avant lui Romain Didier, Benoît Dorémus ou Erwan Pinard, de ces 28835 jours qui représentent l’espérance de vie moyenne d’un homme, 79 ans : « Combien d’temps à râler combien d’temps à s’poser / Des questions à tiroirs sans les élucider / Combien d’temps à jouer de la guitare le soir ».
La tentation de découper l’univers, ses électrons, ses satellites, ses étoiles et ses galaxies, en particules élémentaires, d’appréhender « Nos cellules programmées deux hélices envolées », cet ADN plus fort que la destinée qui fait se plaire les amoureux, et si cela ne répond pas aux interrogations, se réfugier dans ce rêve d’appartenir au règne végétal, minéral ou animal. « Coûte que coûte vaille que vaille tant bien qu’ mal je vis ».
Un album aussi intime qu’ancré dans notre société, qui se révèle d’une belle unité dans la richesse de ses musiques et de ses textes poétiques, dessine notre place dans l’univers et sait tirer de sa mélancolique lucidité la voie d’un modeste paradis sur terre.
Arthur de la Taille, Transe Paradis, LGSR 2022. Le site d’Arthur de la Taille, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là.
Extraits live Rocher de Palmer à Tresses en Quintet (2022)
« ADN » (session acoustique 2020)
Extraits du spectacle à Eysines (session duo 2021)
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