Laurent Madiot, le hasard fait bien les choses
Hors la joie (et la bonne humeur), Les Fouteurs de joie ont foutu, il me semble, du boxon dans la carrière solo et donc la discographie de leur co-créateur Laurent Madiot. A tel point que, condamné à être joyeux pour l’éternité, il en ait oublié hélas ses propres chansons. Ça fait plus de onze ans qu’il ne nous avait pas pondu un disque, depuis En relief de 2012 ! C’est là où une bonne fée poilue barbue (Thomas Pitiot) l’invite à se produire en solo à Drôles d’oiseaux, le festival qu’elle dirige sur Avignon, découvre ses trésors de nouvelles chansons, le secoue un peu et surtout le produit. Le résultat est là : un quatrième album (Pitiot avait déjà produit ses deux premiers) qui, une fois posé sur votre platine (vous a-t-on déjà dit que les platines laser se vendent toujours, bandes d’étourdis ?), n’est pas sûr de la quitter tellement c’est (drôlement) bien.
Visuel du CD comme photos du livret, sur chaque cliché, comme par hasard, la pluie tombe sur l’eau. Vu le jet, ça ressemble même à un seau d’eau : on lui en veut. La première chanson est celle choisie pour titre de l’album : Comme par hasard. « On a marché soit-disant sur la lune / Sauf que jamais personne n’est allé voir… » C’est une chanson qu’on a envie d’envoyer dans la gueule de tous nos amis complotistes, cons, plotistes, platistes et plats tout court, question QI.
Ce disque enviable est comme le photomaton de beaucoup de nos con-génères, de nos petitesses. A dire n’importe quoi, à se battre pour une place de parking, à tout consommer, bière et coco, tabac ou rapports sexuels (le titre Café Clope Caca vous instruira, en chiffres, de cette frénésie), fréquenter tant les surprises-parties, les afters que La boum chez Jean-Michel, la vie à toute berzingue, même le sexe-dragon qui crache un feu diabolique… : « La vie va, vive la 9G / Vite, vite, il faut vivre vite / Buzzer, taguer, swipper, liker / Pas l’temps de s’ennuyer ».
Il y a peu, notre homme foutait la joie ; là il jette un froid par ses chansons quasi sociologiques, carrément anthropologiques. Que mon propos ne vous affole pas : elles sont néanmoins et surtout succulentes, teintées d’humour, fut-il glacial. Si vous avez jadis aimé Laurent Madiot, gardez la main, gardez l’oreille : c’est encore mieux. Propos intelligents sur nos propres comportements déjantés et musiques secouées et pourtant douces à nos conduits auditifs : Madiot possède l’exacte recette d’un disque entre tous mémorable, radieux et – n’étant pas à une contradiction près, j’ose le dire – joyeux !
C’est là le CD idéal à écouter dans un endroit désert, tiens là-haut en alpage sur la montagne, loin de cette civilisation que Madiot nous dé-chante, en se disant que là où l’on est on échappe à tout ça, tout en profitant de ce chanteur qui décidément ne sait qu’être épatant.
Laurent Madiot, Comme par hasard, L’Océan Nomade/L’Autre distribution 2023. Le site de Laurent Madiot, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit des Fouteurs de Joie, c’est là.
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