Summerlied, la grande aventure de la chanson alsacienne
Que connait-on au fait de la chanson alsacienne ? Dans notre ethnocentrisme appliqué à la chanson, tout juste savons-nous quelques grands noms bretons, le souvenir d’un ou deux occitans de renom, de polyphonies corses ou d’un troubadour d’Astaffort. Alors, l’Alsace… Albert Weber, notre ami et collègue strasbourgeois, ancien journaliste des DNA (Les Dernières Nouvelles d’Alsace) et membre de la rédaction de Chorus, avait en tête depuis des lustres un livre qui serait comme un catalogue des ressources de la chanson alsacienne, en faisant l’inventaire amoureux.
Nous savons les origines d’Alain Bashung, d’Abd al Malik, celles de Léopoldine HH et de ses parents chanteurs (Liselotte Hamm et Jean-Marie Hummel), de Valérie Mischler, le nom de Roger Siffer, toujours en activité, nous dit bien quelque chose, lui et sa Choucrouterie de renom. Et avons tous au moins un CD des fameux Weepers Circus… Pas plus : ce livre explore une terre qui nous est quasi étrangère.
C’est un beau et très gros livre. Toute (ou presque) la chanson alsacienne par le truchement de son plus célèbre et emblématique festival, celui de Summerlied à Ohlungen dans le Bas-Rhin, créé en 1997 : vingt-cinq ans déjà de bons et loyaux services. C’est un peu beaucoup le roman de ce festival qui chaque année fait l’état des lieux de la chanson alsacienne tout en s’ouvrant à de nombreux chanteurs et musiciens des autres régions, autres pays parfois.
Il s’y sont mis à deux pour rédiger ce livre grand format de 300 pages : Jacques Schleef, créateur du Summerlied, « un homme de terrain et de convictions qui guident son action depuis longtemps », et Albert Weber, journaliste longtemps exilé revenu en fin dans ses terres d’origine. Une solide amitié les lie, et la résolution tant de parler de cet insolite festival que de décrire la chanson alsacienne, bilan et perspectives inclus.
Ce livre a de multiples entrées, se lit comme un dossier richement documenté, joliment iconographié : un long déroulé, chapitré, et de nombreux « encadrés » faits de souvenirs de l’organisateur et co-auteur, de portraits d’artistes, de témoignages. Chanson, traditionnel (même les bals folks sont chroniqués !), rock, festif, rap, klezmer, classique, lyrique, théâtre, poésie, écologie… ce festival (et donc ce livre) est un catalogue d’expressions. Ceux qui ne savent des méga-festivals que les grosses machines à gros son qu’ils sont peuvent nourrir des envies d’ailleurs : rejoindre Summerlied.
Schleef et Weber ont le talent de nous faire entrer dans tous les aspects de ce festival, de l’extérieur, de l’intérieur. Y compris et surtout ces moments privilégiés de rencontres, de partages avec les locaux que sont les artistes alsaciens, avec les invités aussi : les Dominique A, Stivell, Cabrel, Tri Yann, Dan Ar Bras, I Muvrini, Eicher, Zachary Richard, Arco Alpino, Hayet Ayad et tant d’autres artistes de premier plan…
Même si vous n’y avez jamais mis les pieds, ce livre a le pouvoir, la force de vous captiver. Et de vous donner envie d’y aller, de partager cette belle aventure, cette énergie. Pas besoin d’être natif des environs de Strasbourg ou de Colmar pour se le faire livrer ou par Saint-Nicolas ou par la père Noël, juré !
Jacques Schleef et Albert Weber, Summerlied, l’Alsace en musiques, préface de Léopoldine HH, Le Verger éditeur 304 pages, 32 euros.
Roger Siffer « Les Terres à l’envers » :
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