Muet « Le colosse »
C’est la chute du colosse
Aux pieds d’argile
Avec l’allure d’un foudre de guerre
Aux nerfs d’acier
Le colosse
Bravant les dieux, voulait le ciel
La tête tournée toujours en arrière
Ivre de lumière et d’immensité
Titan dégénéré
Titan entêté
Muet
Paroles Colin Vincent, Musique Maxime Rouayroux. Extrait de l’album « Le pic de tout », 2023
Cette session est une version acoustique, piano et vibraphone, où la voix doucement incantatoire de Colin Vincent met particulièrement en valeur cette métaphore mythologique de notre monde en déroute où l’homme, à force de se croire plus puissant que tout, se détruit lui-même :« Il oublie la terre / Et s’envoie en l’air / La tête dans les hautes sphères / Visant toujours plus loin demain demain (…) Oubliant que ses talons d’Achille / Étaient faits d’argile ». Écouter aussi la version de l’album, avec clavier, synthétiseur modulaire, guitare et batterie électronique, très éthérée.
L’album Le Pic de tout dénonce l’état du monde actuel, pré apocalyptique. La pochette le symbolise à elle seule, avec les deux artistes drapés dans leur couverture de survie sur un champ de rochers. Mélancolique, voire tragique, il laisse cependant place à l’espoir lorsque le champ s’élargit et s’ouvre sur les collines, les artistes se mettant debout et se débarrassant symboliquement de leur couverture, dans la photo intérieure de l’album. Un parti-pris de noir et blanc où scintille le film métallique protecteur qui paraît éclaircir notre avenir.
Il reprend trois des chansons de l’EP qui l’a précédé, dont nous vous avons déjà parlé, Mille mots « Il faut que je recolle les mots » qui semble ouvrir cet : Ailleurs, « Allure sûre / Brune prune / Allume fume / Brûle bitume / Me tire au sol / À mes pensées / Comme un envol / Pour un baiser / Volé (…) Ailleurs / Te retrouverais-je ? » et Électrochoc. Le cinéma, reprise de Nougaro, n’est pas forcément indispensable, les compositions du duo étant tout à fait capables à elles seules de nous faire leur cinéma…
Si T’arrive-t-il n’est pas dans l’album abouti, elle a bien été enregistrée dans une belle session studio « Comme passe les amours / Comme passe le temps ». L’album définitif tire son nom d’un pic qui ne tente guère, « Nous avons atteint les limites / Le pic de tout », un sommet de gâchis et de ridicule, qui nous mène au néant. Reste à se libérer de l’écho des Sirènes qui[l'] attire et [l'] entraîne, supplique aquatique où perce le rêve, gardant toujours l’espoir « Comme nos vies se ressemblent / Sur la jetée / Nous pourrons nous comprendre ». Un très beau morceau addictif avec sa batterie très subtile sur les volutes des ondes musicales. On comprend l’impuissance d’un Ulysse moderne face à ce chant qui séduit malgré toutes les prudences.
Devant est un murmure de pure consolation où la voix de Colin prend des hauteurs dignes du Polnareff de la meilleure époque, dans une douce mélodie : « Les saisons te susurrent des soleils levants / Des points de suture sur tes fantômes errants », auquel répond un titre dédié qui n’échappe à l’appellation d’instrumental que par ces cinq mots : « Viens-là Thilda, Parle-moi ». Avant de nous conduire Dessous les choses, en une incantation qui nous mène à une épure spirituelle, loin du désir qui nous frustre.
Au total une rêverie dont la mélancolie ne parvient pas à altérer la beauté ni à ruiner nos espoirs… tout au contraire. À suivre sur leur page facebook.
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