Marie-Paule Belle, retour intime
Affirmons-le : le nouvel album de Marie-Paule Belle, intitulé Un soir entre mille, est un événement ! Comment qualifier autrement un disque d’une de nos plus grandes chanteuses qui nous arrive après douze ans de silence discographique, le précédent opus, Rebelle, datant déjà de 2011 ? Sera-t-il celui qui clôturera le bilan discographique de l’artiste ? On peut le craindre, vu le rythme de parution de ses créations, que le regretter, tant on voudrait pouvoir encore goûter à des œuvres de cette qualité.
Si tel devait être le cas, ce serait un bien bel adieu qui nous est offert. On retrouve en effet dans cet album la Marie-Paule Belle que nous aimons tant. Ceux et celles qui l’apprécient depuis ses débuts (premier disque en 1973, cinquante ans déjà !) seront aux anges et ceux qui la découvriraient seulement maintenant (et pourquoi pas ?) auront un éloquent aperçu de son talent.
Musicalement, le disque donne dans le minimalisme. Adoptant en studio la formule qui lui va si bien sur scène, Marie-Paule Belle nous présente ses quinze nouvelles chansons en piano-voix. Une sobriété qui a le grand avantage de mettre le chant en exergue, ce dont il serait malvenu de se plaindre. La voix de l’artiste est en effet inchangée, avec ces intonations toujours justes qui trahissent la comédienne qu’elle est également, ce velouté grave irrésistible, ces petites brisures qui font naître l’émotion. Diction impeccable, retenue dans les effets et cœur ouvert rivalisent pour notre plaisir. Une véritable leçon d’interprétation.
La Marie-Paule Belle compositrice de tous les morceaux n’est pas en reste. Magnifique travail que le sien, avec ces mélodies immédiatement mémorisées, cette nostalgie tout en finesse, cette élégance qui exclut tout pathos… Des musiques qui ont l’évidence des grandes chansons.
Encore fallait-il que cette somme de talents soit au service d’un propos. On s’en doute : le contrat est ici aussi largement rempli, l’artiste n’ayant jamais eu l’habitude de chanter pour ne rien dire. A la plume, nous avons d’abord le plaisir de retrouver les deux paroliers historiques de Marie-Paule Belle, Michel Grisolia (disparu en 2005) et Françoise Mallet-Joris (décédée en 2016). Le premier nous revient avec trois textes inédits (le sarcastique Se dire oui, se dire non, le paradoxal Décalage et l’émouvant Il écoutait le cœur des gens, au parfum d’autobiographie pour la chanteuse). De la plume de son ex-compagne sont nées Pays natal, chanson déchirante sur le déracinement, déjà enregistrée par Souad Massi, et la chanson-titre Un soir entre mille, poignant portrait de paumés de la vie. Enfin, l’ami Serge Lama lui a offert un triste constat sur la solitude (L’ombre de son chien) à tendance dépressive. Toutes les autres chansons sont signées par Marie-Paule Belle elle-même, secondée à plusieurs reprises par Isabelle Mayereau. Des chansons qui font sourire parfois (Amour et allergies, Vive le sport), qui évoquent l’amour et la passion (J’ai parlé trop vite, Qui t’aime), qui emplissent de mélancolie le plus souvent. Des textes dont on devine combien ils sont personnels, mettant en scène des souvenirs familiaux (Petit frère, Au bois de buis), une disparition tragique (Avec toi je riais souvent), la nostalgie de temps heureux (Beau temps à Saint-Germain)… Jamais Marie-Paule Belle ne s’était ainsi livrée aussi ouvertement, sans se cacher derrière des personnages fictifs. Est-il besoin de préciser combien cela nous la rend plus précieuse encore ?
Marie-Paule Belle, Un soir entre mille, Panthéon/Universal, 2023. Le site de Marie-Paule Belle, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, c’est là. On peut aussi commander ce disque ici.
Sur scène à Paris, au Théâtre de Passy, du 4 au 14 janvier 2024. Espérons qu’une tournée suivra.
Beaucoup entendue, Marie-Paule Belle, quand j’étais môme, chez mes parents.
Me souvenant de cette époque, je leur ai offert une soirée en compagnie de Marie-Paule lors de son (magnifique) hommage à Barbara. Mes parents ont pu longuement rencontrer Marie-Paule après son concert.
Je n’oublierai jamais l’étrange façon dont mon père disait que Marie-Paule Belle regardait surtout ma maman…
mais quel album !!!!!