Le Gang Bossone !
19 novembre 2023, salle des tilleuls à Viricelles,
Quand on est invité pour la troisième fois dans un même endroit, on fait partie de lieu, de la famille. On en est un peu le chouchou.
Voici les frères Bossone, Jérémie et Benjamin, de nouveau salle des Tilleuls, dans la toute petite commune de Viricelles, à deux pas de Chazelles-sur-Lyon. Le public est en grande partie composé de ceux qui étaient déjà là la dernière fois. Et celle d’avant. Quand on aime, on ne compte pas… Des amateurs pointilleux, sourcilleux de la chanson française, des à qui on n’apprendra rien sur Ferré ou Barbara, sur Bertin ou Solleville… Et qui viennent presque s’encanailler dans un registre qui tient plus du rock lyrique que de la chanson, d’un opéra d’amour et de désespoir, de plaintes et de supplications, de décibels beaux et bels qu’ils ne supporteraient sans doute pas d’un autre artiste. Mais ce sont les Bossone et il est dit que ce n’est pas pareil.
Muscles évidents, l’un en tee-shirt, l’autre vite en marcel, mouillés, comme Le Stéphanois autrefois. Entre eux, pas l’espace d’un papier cigarette ou s’il y a, c’est un espace insécable. Nous sommes happés par la gestuelle des frangins, qui confine à la danse, l’hypnotique chorégraphie à la limite de transes tribales aux codes en tout point particuliers.
À un ou deux titres près, le répertoire n’est pas différent des précédentes fois : on en sait le déroulement, attendant, redoutant à la fois les titres à venir… D’un Décembre italien où l’amour fait banqueroute à la pure folie, la Spirale, d’un qui attend en vain le succès, échec qui désagrège, détruit l’amour jusqu’au delà du non-retour. Chaque fois le grand moment, l’épicentre du drame. Et toutes, tous, avec lui, de serrer les poings, se mordre les lèvres, assister impuissants et complices à cette montée d’adrénaline, inexorable drame, insupportable et paradoxalement magnifique tension « Putain comment t’as pu m’faire ça / Nous deux c’était vice et versa / Mais lui débarque et tu m’trahis / Il t’a baisée dans notre lit… ! » Et ce refrain, désespérément immuable et entêtant : « On chante on s’aime / On s’plante on saigne / On respire mal / Dans les spirales ». Si le disque est plus explicite encore, on sait le fatal homicide qui se déroule devant nous, en des notes hurlantes, déchirantes. L’expérience est rare à ce point : les Bossone tuent notre innocence tout en épargnant la poésie.
De la difficulté d’être artiste, Jérémie l’aborde encore dans le non moins glauque, poisseux, Scarlett. Pas tout à fait la même histoire que celle de la pauvre Betty, mais d’un proche registre.
Ainsi va et chante Bossone, qui n’a Rien à dire et nous le dit en abondance, nourrissant ses vers torturés d’images saisissantes, de flamboyance musicale tirée de sa guitares et des claviers et machine de son frérot. Puis, dans la magie d’un calme retrouvé, va faire la paix à Göttigen, aux côtés de la grande dame brune… Simplement, définitivement sublime.
Nos Bossone sont d’un ailleurs de la chanson. Plus ample, plus puissant encore. Qui charrie la grandeur et la misère du monde, qui sublime l’amour dans ses pires excès. Avec ou non son frangin, voir Jérémie en scène est une expérience qu’il vous faut vivre.
Impatients, on se demande déjà, ici, quand reviendra-t-il pour une quatrième fois ?
Le site de Jérémie Bossone, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
Rendez-vous chanson à Viricelles, le 4e festival Enchant’Émoi, les 22 et 23 mars 2024 avec Hélène Piris, Marion Rouxin, Eskélina et Galim.
Wouaouh ! Le bel article qui décoiffe pour bien commencer ma journée et me donner hâte de retourner revoir les Bossone Brothers en courant !… Ça tombe bien, ils vont jouer bientôt à Morlaix (29) dans le cadre du Festival Les Originales !